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CAHIERS DE VACANCESPaul-Jean Toulet et « La jeune Fille verte »

Comme les étés précédents, PresseLib’ vous propose un rendez-vous hebdomadaire à la rencontre de grands auteurs et d’ouvrages références sur le bassin Adour Gascogne. Dernier épisode…
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C’est certainement l’une des plus belles plumes que le Béarn (et que la France !) ait données. Pour conclure notre série, on vous propose de relire Paul-Jean Toulet et sa Jeune Fille verte.

On ne peut plus vraiment dire que le poète et romancier Paul-Jean Toulet, dont on commémorait l’an dernier le centenaire du décès, soit un écrivain oublié. Mais au regard de son immense talent, il demeure quand même un secret bien gardé…

Si les grands écrivains ont tous une langue à eux, alors le Palois Paul-Jean Toulet (1867-1920) en fait sans conteste partie. Les Béarnais, en tout cas, n’ont jamais oublié l’excellent et si fin poète des Contrerimes. En septembre 2020, pour le centenaire de sa mort, il a été honoré comme il se doit d’un colloque (organisé par l’UPPA, la médiathèque de Pau et le musée de Guéthary) et d’une belle exposition d’un mois à l’Usine des Tramways. Le commissaire de cette dernière exposition, Jacques Le Gall, a publié au même moment une biographie de Toulet aux Éditions du Pin à crochets.

La redécouverte de Toulet ne date pas d’hier. Dès les années 80, Robert Laffont avait eu la bonne idée de publier ses œuvres complètes dans son excellente collection Bouquins. Depuis, celles-ci ont été plusieurs fois réimprimées, pour la dernière en 2019, dans une édition limitée « réalisée par Monsieur Christian Lacroix », avec une belle couverture bariolée. Poésie, contes et nouvelles, théâtre, essais, notes, correspondances, romans : quasiment tout y est et tient dans un riche volume de 1.500 pages, lequel se dévore comme un bon souper après un long jeûne.

Style unique et ironie mordante…

On ne refera pas la vie de Toulet, nègre de Willy et ami de Giraudoux, Daudet fils et Debussy : l’essentiel a déjà été dit, de sa jeunesse entre vallée d’Ossau, Île Maurice et Algérie à ses dernières années en Gironde et à Guéthary, en passant par son voyage en Indochine et son existence parisienne de poète désenchanté.

Amateur d’alcool et d’opium (substance dont un dérivé lui coûta la vie), Toulet (prononcer « Toulette ») a écrit 8 romans assez brefs, dont les deux indispensables que sont Mon amie Nane (1905) et La jeune Fille verte (1920), qui sont un peu son « Amour de Swann » (l’œuvre de Proust allait paraître en 1913) et son « Éducation sentimentale » à lui. Les comparaisons ne sont peut-être pas si osées. Même si le travail de Toulet n’atteint pas leur degré de perfection, il est très loin d’apparaître ridicule à côté de ces chefs-d’œuvre.

On aurait pu parler ici de Mon amie Nane, certainement le roman le plus réussi de cet auteur au style sans équivalent, petit trésor littéraire d’une délicieuse causticité. Mais La jeune Fille verte, son autre bijou, présente l’avantage de se dérouler chez nous, dans une commune béarnaise de « Ribamourt » où il y a bien longtemps « que la lettre anonyme a remplacé les arquebusades. Et néanmoins, tant elle fut, en son temps, déchirée aux guerres de religion, la place en a gardé les haines, avec on ne sait quel air farouche : des chemins tortueux, dont les portes, les créneaux, qui en semblent défendre l’ordure, font voir encore Albret de gueules plein parti aux pals de Foix ; deux ponts enfin et une église fortifiés, jadis teints de sang par les religionnaires ; mais, par-dessus tout, deux cultes ennemis dont la lutte séculaire se cache mal sous le masque de la politique ». Les apprentis stylistes peuvent retourner à leurs chères études…

L’intrigue du roman est simple et son motif vieux comme le monde, mais Toulet a tout ce qu’il faut pour n’avoir point à se distinguer par un sujet excessivement original. Il nous narre donc les amours de Vitalis, d’abord avec Basilida (l’épouse du notaire qui l’emploie comme clerc…) puis avec Sabine de Charite, ladite « jeune fille verte », qu’il finit par épouser.

L’éducation sentimentale selon Toulet…

Derrière l’intrigue principale se noue une espèce de tragi-comédie économique, politique et religieuse, laquelle fournit au roman toute son épaisseur et sert le dessein de Toulet, qui est aussi de décrire librement la vie d’un bourg de Béarn, tâche dont il s’acquitte merveilleusement, et non sans une subtile et mordante ironie.

En lisant le romancier Toulet, on est séduit par ce style vraiment singulier (avec ses petits partis-pris à la limite de la préciosité mais si charmants, comme par exemple le fait d’écrire « entre tant », peut-être autant par logique que par bravade…), et l’on ne peut pourtant s’empêcher de faire des rapprochements, de lui trouver quelque chose d’un Balzac, d’un Stendhal ou d’un Proust au détour d’une phrase.

Est-ce la marque des grands ? Chacun en jugera. Nous, on adore. À Toulet, il ne manqua peut-être que cette œuvre absolument majeure (et peut-être aussi plus monumentale) autour de laquelle il semblait tourner avec ses écrits… Mais le « gâchis » n’est que très relatif, car l’homme nous a donné beaucoup à lire, et on aurait plus que tort de s’en priver. Même un siècle après sa mort, et tout en conservant son cachet d’une autre époque, le travail de Toulet n’a pas pris une ride.

Lire en ligne « La jeune Fille verte »

Lire en ligne « Mon amie Nane »

Paul-Jean Toulet, Œuvres complètes – cliquez ici

Déjà paru cet été

Pour relire les cahiers de vacances de l’été 2020

 

 

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