Il va déguster, monsieur McMachin, car « moi, les dingues, je les soigne. Je vais lui faire une ordonnance, et une sévère… Je vais lui montrer qui c'est Raoul. Aux quatre coins de Paris qu'on va le retrouver, éparpillé par petits bouts, façon puzzle. Moi, quand on m'en fait trop, je correctionne plus : je dynamite, je disperse, je ventile ! »
A la dynamite, oui, car la vulgarité et l’arrogance de monsieur McMachin sont sans limite. Monsieur McMachin envisage d’ouvrir un McMoch, à Florence, au cœur de la ville historique, sur la célèbre Piazza del Duomo, classée au patrimoine mondial de l'Unesco. Pour monsieur McMachin, Florence n’existe pas. Saint-Pétersbourg, le Mont Saint-Michel ou Saint-Cirq-Lapopie, non plus… N’existe, pour lui et pour le team taftaïen qui l’entoure, que des zones urbaines à investir, des marchés à conquérir. Quand ses collaborateurs lui ont présenté le projet italien, quand ils ont déplié devant lui le plan de la Piazza del Duomo, monsieur McMachin, formé non à West Point mais à Power Point, n’a pas lu Piazza del Duomo mais… Pizza del Duomo. Et de s’écrier aussitôt : que Pizza del Duomo devienne McMoch del Duomo ! Et ses collaborateurs, et tout son team taftaïen de hurler : à l’abordage, yes !
La Piazza del Duomo : il n’est pas question d’une « trois fromages » mais d’une trilogie architecturale, gougnafier ! Une trilogie oui – Le Dôme Sainte-Marie-de-la-Fleur (Duomo Santa Maria del Fiore), Le Campanile, Le Baptistère (Battistero di San Giovanni) -, et le rouge que tu peux voir, ce rouge que la lumière de Toscane lèche, ce n’est pas du Ketchup, mais du marbre. Marbre rouge donc, mais aussi marbre blanc, et marbre vert. Trois trésors architecturaux, trois marbres : tout est trois. L’unité est totale. Et tu oserais salir cela !
Tu voudrais donc ouvrir, au pied de la cathédrale sublime, une de tes baraques pouraves dont la présence est signalée par une cagade jaune vissée au sommet d’un pilonne. Il n’y a jamais eu de pilonne à Florence, il n’y a que des clochers. T’as pas ta place sur la piazza : t’es trop vulgaire. La preuve : t’es pressé. Pressé de monter ton affaire, pressé de salir les lieux, pressé de faire du fric. T’es un barbare subissant et imposant partout la dictature de l’instant, du temps épileptique saturé de tic–tac. Or, ici, à Florence, il n’est question que du temps qui dure. Sache aussi que les gens de Florence ont mis 140 ans à bâtir la cathédrale dont tu ne peux ni gouter la beauté ni déchiffrer le silence. Tes boutiques, toi, tu les montes en quelques jours. Louons José Bové qui les démonte en quelques heures !
Certains diront que tu es un éléphant dans un magasin de porcelaine. Je ne dirai pas cela car les éléphants, contrairement à toi, ont à voir avec le temps qui dure et les cathédrales. Les éléphants sont eux-mêmes des cathédrales : des cathédrales qui marchent. Toi, tu ne t’intéresses qu’aux avoirs et à l’ivoire : tu es, non du côté des éléphants, mais du côté de ceux qui les tuent.
J’ai dit vulgarité, et j’ai dit arrogance. Ne viens-tu pas en effet de poursuivre devant le tribunal administratif la municipalité de Florence au motif qu’elle t’empêche de faire ton business ? Ne lui réclames-tu pas 17,8 millions d'euros en réparation du préjudice subi ? En te refusant le droit de défigurer la piazza del Duomo, la ville de Florence n’a fait que défendre son patrimoine en appliquant sa loi. Mais la loi toscane, toi, tu connais pas. N’existe à tes yeux que celle des marchés.
Comment pourrais-tu, aimer l’Italie ! Elle nous parle du bonheur, et toi, tu t’en tiens à ta liesse. Laquelle naît de la seule contemplation des liasses.
Entre toi et nous, il y a une civilisation. Elle nous grandit, tu la saccages : dégage !
Christian Laborde
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