Au cœur de la Chalosse, dans le petit village de Tilh, une ferme endormie s’éveille à nouveau. Ce réveil, on le doit à deux sœurs, Adeline et Delphine Delas, qui ont choisi de reprendre les rênes de l’exploitation familiale avec un projet aussi surprenant qu’ambitieux : élever des bufflonnes et produire de la mozzarella. Leur objectif ? Faire souffler un vent de renouveau sur la tradition agricole des Landes, tout en préservant l’héritage familial.
Après des années d’inactivité, l’EARL du Housse reprend vie grâce à un troupeau atypique : 13 bufflonnes, cinq bufflons et un patriarche prénommé Obama. Ces bovins aux cornes majestueuses, encore rares en France, marquent un tournant pour la ferme. Pour Delphine, l’aînée, tout a commencé avec un goût prononcé pour la mozzarella et une envie de changement après la crise du Covid.
Une histoire de famille
Adeline, chauffeuse routière, a quitté la route pour rejoindre cette aventure. Après une expérience auprès d’agriculteurs au Pays basque, elle a retrouvé le plaisir de travailler la terre et d’imaginer une agriculture rentable, mais sans compromis. Ensemble, elles tracent un chemin inédit, celui de l’autonomie et de la transformation locale.
Dans la famille Delas, l’agriculture coule dans les veines. Mais les souvenirs de longues journées de travail, rythmées par les contraintes des coopératives laitières, ont marqué Adeline et Delphine qui relatent le dur travail que leurs parents abattaient sans en récolter les fruits. Avec leur projet, elles refusent de reproduire ce modèle. Elles veulent contrôler chaque étape, de l’élevage à la vente, en passant par la transformation.
Leur troupeau, un mélange de bufflonnes venues de Bretagne, du Gers et du Béarn, s’adapte peu à peu à son nouvel environnement. Entre pâturages et points d’eau, les animaux semblent trouver leur bonheur. Marc, leur père, admiratif de ce changement de cap, parle des bufflonnes comme étant curieuses et attachantes.
Du lait de bufflonne à la mozzarella
Le cœur du projet, c’est bien sûr le fromage. Riche en matières grasses et en protéines, le lait de bufflonne offre une base parfaite pour produire mozzarella, burrata et même camembert. Mais avant de se lancer pleinement, les sœurs Delas s’entraînent encore avec du lait de vache, perfectionnant chaque étape de la fabrication.
Au printemps 2025, la traite pourra commencer, marquant un tournant dans leur aventure. Un laboratoire de transformation est en cours d’installation, et les premières ventes sont prévues pour l’été. Au menu : des fromages frais, à déguster sur place ou lors des marchés locaux. La mozzarella, encore tiède après sa fabrication, promet une expérience gustative inédite.
En choisissant d’élever ces animaux atypiques, les sœurs Delas ne font pas que se démarquer. Outre le fait d'être les premières dans les Landes à se lancer dans la fabrication de mozzarella, elles participent aussi à une agriculture plus durable. Le lait, transformé directement à la ferme, réduit l’empreinte carbone liée au transport. Les bufflonnes, quant à elles, valorisent des prairies humides et contribuent à la biodiversité.
Pour Delphine, ce projet est aussi un moyen de redonner ses lettres de noblesse à une activité parfois délaissée. Parce qu'être agricultrice, ce n’est pas seulement produire, c’est aussi créer du lien, valoriser un territoire et partager une passion.
De l’or blanc au marché local
Les sœurs Delas ne cachent pas leur ambition : conquérir les marchés landais et séduire les amateurs de fromage. À terme, elles espèrent diversifier leur offre avec de la viande et de la charcuterie à base de buffle. Mais chaque chose en son temps. Pour l’instant, l’objectif est clair : proposer un produit de qualité, à un prix juste, qui reflète leur travail et leur engagement.
Entre passion et pragmatisme, Adeline et Delphine tracent leur sillon dans une agriculture en pleine mutation. À Tilh, elles transforment le lait en fromage, mais aussi en une véritable aventure humaine et familiale.
Avec leur mozzarella made in Landes, les sœurs Delas réinventent l’héritage familial tout en insufflant une touche d’audace et de modernité à l’agriculture locale. Un pari qui pourrait bien faire fondre les cœurs, et les papilles, de toute une région.
Sébastien Soumagnas
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