J’ai pris ma place dans la queue. Quel que soit le jour et quelle que soit l’heure, à la Poste, on fait la queue. Ce n’est pas une méchanceté de le dire, ça ne remet pas en cause la gentillesse et la compétence des postiers (regardez Besançenot, au fait, que devient-il ?) mais c’est une constatation : on fait la queue comme on respire et ça ne sert à rien de s’énerver.
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Quand on a besoin d’expédier un paquet ou d’aller chercher un recommandé, la Poste, on ne peut pas l’éviter. Et quand vous avez enfants, petits-enfants, gendre à qui il faut remonter le moral quand il est « à la guerre », neveux qui se marient et collent leur « liste » sur des sites impossibles, il faut y aller.
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Alors je fais la queue comme je respire et là, je commence à mal respirer. Devant moi, il y a un clochard, un à l’ancienne, avec le vrai look clochard et l’odeur qui va avec. C’est un être humain, je le respecte, je ne lui veux aucun mal et pour lui prouver, je vais faire comme si de rien n’était, respirer comme si j’étais au milieu d’un champ. J’ai du mal mais je m’applique.
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Arrivent alors derrière moi deux SDF, deux jeunes : on appelle les jeunes « SDF » et les vieux « clochards » (pourquoi ?). L’odeur est différente, un peu plus d’alcool, un peu de cannabis, un peu moins de crasse mais ça commence à faire beaucoup pour mes narines.
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Je prends l’air dégagé mais l’air commence à manquer et cette queue n’avance pas. Le clochard devant s’énerve et quand il s’agite, il brasse de l’air. Je commence à me sentir franchement mal et je me mets en apnée, l’air de rien mais plus d’air pour respirer.
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Je me sens dans la peau de la bourgeoise incommodée aux narines pincées et je ne m’aime pas. Pourtant, je le pense vraiment, on est tous frères, on a tous démarré au même endroit et on finira dans le même état, poussière, tous nous retournerons en poussière, alors je ne vais pas faire ma maligne sous prétexte que chez moi, j’ai l’eau courante et du savon.
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Ce n’est pas moi qu’ils gênent, c’est mon nez, un sale nez bourgeois. J’essaie de respirer et mon estomac se soulève. Je regarde autour de moi pour penser à autre chose et je vois un petit panneau juste à ma hauteur, portant l’inscription : « Souriez, vous êtes filmé ! »
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Je lève mon nez bourgeois, ce qui me permet de prendre un peu d’air et là, je vois la caméra. Le fou rire monte car pas loin, un gars devant son écran doit passer un bon moment !
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Pasquine L’Islet
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