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    À Canfranc, voyage au centre de la terre… et de l’univers

    Non loin des bords de l’Aragon, sous le Mont Tobazo, le laboratoire souterrain de Canfranc cherche à percer le mystère de la fameuse « matière noire ». Fascinant !
    CANFRANC MATIERE NOIRE 6
    Sur environ 1.500 m2, 200 à 250 chercheurs d’une vingtaine de pays s’activent autour d’une poignée d’expériences de long terme et de la création de nouveaux outils de pointe. Un voyage intersidéral aux implications très concrètes…

    Cette matière noire dans l’univers, c’est un peu comme l’Arlésienne de la comédie (en un peu plus sérieux, tout de même !). On devine qu’elle existe, on sait qu’elle pèse pour près de 27% dans le bilan énergétique de l’univers, on travaille sur différentes hypothèses liées à sa composition… mais on ne l’a jamais vue. Il faut dire qu’elle tend un peu à se définir par la négative, excluant à priori ces protons, neutrons, et autres électrons qui composent les atomes et molécules de nos étoiles et de nos galaxies.

    Parmi les hypothèses actuelles sur la composition de cette étrange matière noire, il y aurait celle des « neutrinos » (des mini-neutrons, pour simplifier), et notamment ceux dits « stériles », qu’on ne peut qu’indirectement détecter en observant leurs homologues actifs, mais d’une masse supérieure, c’est-à-dire susceptible de peser assez lourd à l’échelle de l’univers si on les prend tous ensemble.

    En résumé, l’étude expérimentale de ces neutrinos permettrait de mieux comprendre la matière noire, et l’étude générale de cette matière noire permettrait de mieux comprendre notre univers, en particulier aux chapitres de son origine et de sa formation.

    Plus de 200 chercheurs des 5 continents…

    Mais revenons sur terre, ou plutôt un peu moins d’un kilomètre sous terre, à Canfranc, entre le tunnel routier de Somport et celui de l’ancienne ligne du train qui venait de Pau, où c’est bien de ces neutrinos et de cette matière noire que s’occupe l’un des 4 grands laboratoires souterrains d’Europe, avec ceux du Gran Sasso (dans les Abruzzes, en Italie, le plus grand du monde), de Modane (en France) et de la mine de Boulby (au Royaume-Uni). Ces 4 labos sont d’ailleurs affiliés entre eux.

    Créé en 1986 à l’initiative du groupe de physique nucléaire de l’Université de Saragosse et d’abord de modestes dimensions (2 salles de 10 m2), il s’est progressivement étendu et déplacé, occasionnant la création de tout un réseau de galeries.

    La dernière étape majeure de son développement a été la construction d’un nouveau laboratoire en 2010, financé par le Gouvernement d’Aragon, l’État espagnol et l’Université de Saragosse. Une construction de 1.400 m2 située 900 mètres sous la roche qui fut également synonyme d’ouverture occasionnelle au public, alors que les lieux étaient demeurés assez secrets jusque-là (se mettre au plus vite en rapport avec l’office du tourisme de Canfranc : les listes d’attente sont longues. Visites en espagnol et en anglais.). L’installation comprend deux salles d’expérience et une zone de service, avec salle blanche, atelier et espace de stockage. Quelques milliers de privilégiés ont depuis dix pu aller y respirer l’air le plus pur du monde.

    Pourquoi s’abriter derrière un petit kilomètre de roche pour traquer nos mini-neutrons et notre matière noire ? Et bien tout simplement pour préserver le cadre des expériences menées d’influences extérieures comme les radiations cosmiques ou la radioactivité, dans un cadre silencieux où l’absolue pureté de l’air doit être constamment contrôlée et maintenue. Au moyen d’outils de pointe comme des détecteurs ou des spectromètres de dernière génération (ce qui vaut au passage à l’IPREM de Pau une collaboration avec ce laboratoire), sont menés différents types d’expériences d’observation, et ce par quelque 200 à 250 chercheurs d’une vingtaine de pays différents, venus de tous les continents.

    Des expériences de pointe aux solutions concrètes…

    Ce laboratoire souterrain de Canfranc est dirigé depuis l’an dernier par Carlos Peña Garay, ancien de Princeton qui a contribué par ses études à établir la masse desdits neutrinos. En ce moment, son expérience-phare s’appelle Next et « vise à observer la double désintégration bêta à l'aide d'un isotope du gaz xénon. On cherche à observer simultanément l’énergie et les traces des électrons formés lors de cette désintégration », expliquait le directeur au moment de sa nomination. Pour tenter de débusquer leurs neutrinos et mieux comprendre la formation des électrons, nos experts emploient en effet les deux gaz nobles les plus rares et les plus chers du monde : le xénon et le radon.

    Ces expériences fort complexes ne restent cependant pas cantonnées aux hautes sphères de la physique. Les outils de pointe développés pour leur réalisation sont aussi le point de départ de potentielles déclinaisons très concrètes qui pourraient s’avérer capitales dans l’avenir. On ne citera que l’exemple d’un futur système d’imagerie médicale dix fois plus précis que notre bonne vieille IRM, et dont le développement est soutenu par l’Europe à hauteur de plus de 2 millions d’euros… On n’est pas encore tombé sur cette matière noire au fond du tiroir, mais si elle peut déjà nous enlever quelques épines du pied…

    Plus d’informations sur le site internet – cliquez ici

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