À Mugron, dans les Landes, ça sent bon le pain tout juste sorti du four et les projets collectifs mûris à feu doux. Après cinq années de préparations et de rebondissements, la coopérative Haria Blanca – « farine blanche » en gascon – a enfin mis la main à la pâte. Depuis l’automne 2024, ses premières farines ont été moulues, ensachées et livrées à quelques boulangers du département. Et les miches font déjà parler d’elles.
Walter Hubert, de la boulangerie La Rose des sables à Saint-Sever, fait partie des premiers convertis. Il propose désormais “L’Intégral”, une miche rustique à base de levain de seigle et de farine T80 issue du moulin de Mugron, élaborée à partir de blés cultivés à quelques kilomètres. En l'espace d'un mois, il a doublé sa production et travaille même sur une nouveau type de pain à sandwichs. D’autres artisans locaux ont suivi, jusqu’à une petite dizaine pour le moment. Un premier palier, certes modeste, mais porteur d’espoirs.
Agrilocal 40 : une piste pour sortir du pétrin
Malgré ces premiers pains qui lèvent bien, la coopérative n’est pas encore sortie du pétrin. Avec une première production de 30 tonnes de farine à écouler, les débouchés doivent encore se multiplier pour que le projet devienne viable. Les boulangers ne manquent pas, mais les contrats à long terme avec de grands groupes pèsent lourd.
Yann Bette, boulanger à Arengosse et désormais meunier de la coopérative, explique que tout le monde a le mot traçabilité la bouche mais que lorsque vient le moment d'acheter, la provenance de leur farine passe au second plan. Car même avec une capacité annuelle pouvant grimper jusqu’à 400 tonnes, Haria Blanca ne prétend pas concurrencer les géants du secteur. Elle préfère miser sur le circuit court, les relations humaines et la qualité artisanale.
Pour que cette aventure collective fasse son beurre, les regards se tournent aujourd’hui vers la restauration collective. Le réseau Agrilocal 40 a ainsi organisé, le 26 mars 2025, une visite de la minoterie pour des responsables d’Ehpad et de cantines scolaires. L’objectif ? Fournir les cuisines du département en farine 100 % landaise.
Un débouché précieux qui pourrait assurer un roulement régulier et sécurisé. Muriel Beyris, agricultrice et membre active de la coopérative précise que les prix restent raisonnables, leur farine débutant à 1,10 € le kilo. Si la commande publique joue le jeu du local, alors peut-être que la pâte prendra enfin pour de bon.
Une coopérative née sur un terreau collectif
Tout commence en 2017, quand une poignée d’agriculteurs lassés du tout-maïs cherchent à diversifier leurs cultures. Le blé, le seigle et autres céréales d’hiver font leur retour dans les champs landais. Mais très vite, se pose la question de la transformation et de la valorisation. L’idée d’un moulin collectif germe : il faut "faire du blé" au sens propre comme au figuré.
Avec le soutien de structures locales comme l’ALPAD et la Fédération départementale des Cuma 640, les paysans visitent d'autres minoteries artisanales, se forment, testent, planifient. Trois commissions sont mises sur pied : production, qualité, communication. De la conception du moulin à la création de la marque, tout est pensé et mutualisé.
Le projet repose sur une philosophie simple : créer un outil au service des agriculteurs, pas une multinationale. Une charte garantit l’autonomie des coopérateurs sur le choix des variétés cultivées. Les céréales sont stockées dans des cellules en bois, pour une meilleure conservation. Le moulin, à meules de pierre, assure une farine riche en nutriments et en goût. Les sacs sont vendus sous la marque “Faire du blé”, clin d’œil à l’esprit du projet.
Côté technique, la capacité annuelle de transformation est fixée à 200 tonnes de farine, avec possibilité de grimper à 400. L’investissement initial de 300 000 euros a fini par monter à 500 000, en raison des aléas conjoncturels : crise sanitaire, guerre en Ukraine, envolée des prix de l’énergie, retards d’approvisionnement... jusqu’à des pièces du moulin bloquées en Turquie durant de longs mois.
Des graines pour demain
Au fil des campagnes, les surfaces cultivées ont fleuri : moins de 10 hectares en 2018, près de 100 hectares en 2022, dont 85 % en agriculture biologique. La plupart des techniques culturales se passent désormais de labour, certaines même en semis direct. Et surtout, les agriculteurs landais ont mis les mains dans la semence.
Les semences paysannes, longtemps marginales, ont été remises au goût du jour. Certes, les premières tentatives furent mitigées – rendements faibles, champs versés – mais l’expérimentation et la sélection variétale ont permis des améliorations notables. Une partie des coopérateurs continue à les cultiver, seules ou en mélange avec des variétés certifiées. Et le chantier de la reproduction et conservation des semences continue de pousser, en parallèle de la production.
Et pour ne pas mettre tous leurs grains dans le même sac, certains membres de Haria Blanca diversifient encore davantage. À la ferme Birouca, à Mugron, Benoît Cabannes et sa nièce Marie ont lancé une petite fabrique de pâtes artisanales. Baptisées les “Blondes”, ces tagliatelles maison sont confectionnées à base de blé dur local, extrudées à travers des moules en bronze, puis séchées vingt heures durant à basse température.
Alors que le monde agricole traverse une période houleuse, Haria Blanca propose un modèle alternatif : une farine de proximité, pétrie de valeurs, qui ne cherche pas à gonfler artificiellement ses profits mais à faire lever un territoire. Reste à trouver assez de boulangers, restaurateurs, cantines et épiceries pour écouler les sacs et assurer la viabilité du moulin.
COUP DE POUCE
Et si on arrêtait de se faire rouler dans la farine ? Si on décidait enfin de soutenir une démarche qui a du sens, du goût, et surtout des racines bien ancrées dans les terres landaises ? La coopérative Haria Blanca, c’est un levain d’espoir pour une agriculture paysanne, autonome, et tournée vers l’avenir. Depuis Mugron, des agriculteurs passionnés ont retroussé leurs manches pour remettre du blé dans les champs… et du bon sens dans nos assiettes. Leur farine, moulue à la meule de pierre à partir de céréales locales, parfois même issues de semences paysannes, a déjà séduit une poignée de boulangers engagés.
Mais pour que le projet sorte du pétrin, il faut maintenant que la mayonnaise (ou plutôt la pâte) prenne à plus grande échelle. La démarche mérite vraiment un coup de pouce de notre part. Comment ? N'hésitez pas à partager cet article sur les réseaux sociaux afin de semer les graines du succès !
Boulangers, restaurateurs, épiciers, gestionnaires de cantines scolaires ou d’Ehpad : la balle est dans votre camp. Avec des prix accessibles, une qualité artisanale irréprochable, et un impact local immédiat, Haria Blanca coche toutes les cases du bon, du juste et du durable. Chaque sac commandé, chaque miche vendue, chaque plat cuisiné avec cette farine contribue à faire tourner le moulin, au sens propre comme au figuré. Ce n’est pas seulement une farine qu’on achète, mais une vision collective, une alternative au modèle agro-industriel dominant. C’est le moment de mettre la main à la pâte...
Sébastien Soumagnas
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