LURRAMAVingt ans à cultiver la terre… et les consciences

Sous la voûte de la Halle d’Iraty, ça sentira bientôt la paille fraîche, le fromage affiné et la convivialité paysanne. Du 7 au 9 novembre 2025, Lurrama fêtera ses 20 ans, vingt récoltes d’idées, de débats et de gestes enracinés. Organisé par Euskal Herriko Laborantza Ganbara (EHLG), le salon de “la ferme Pays Basque” s’est imposé comme bien plus qu’un rendez-vous agricole : une véritable vitrine vivante de l’agriculture paysanne et durable, une autre manière de nourrir le monde sans l’épuiser.

Lurrama, c’est “Lurra” pour la terre, “Ama” pour la mère : une étymologie qui, à elle seule, résume tout le programme. Ici, on laboure les consciences autant que les sols, on cultive la solidarité, on récolte la fierté d’un territoire et de ceux qui le font vivre.

Les racines à l’honneur

Pour souffler ses vingt bougies, Lurrama a choisi de se regarder en face : le territoire invité cette année, c’est le Pays Basque lui-même, dans toute sa diversité. Des vallées d’Iparralde (Pays basque nord) aux montagnes d’Hegoalde (Pays basque sud), les sept provinces seront réunies dans un même sillon. Une manière de rappeler que la terre basque ne s’arrête pas à la Bidassoa, mais se prolonge d’un versant à l’autre, irriguée par la même sève.

Du marché paysan aux conférences, en passant par le grand repas du vendredi soir, tout portera cette année la marque du terroir basque : les goûts, les savoirs, les sons et les visages.

Le thème choisi pour cette édition anniversaire, à savoir “Paysan.nes de demain”, prend racine dans une évidence : sans relève, la terre finit par se taire. Dans un monde où le bitume grignote les prairies, Lurrama rappelle que l’avenir reste à semer. Les chiffres le disent : au Pays Basque Nord, 75 % des nouveaux installés ont moins de 40 ans. Mais la réalité, elle, est moins idyllique : 15 % d’exploitations perdues en dix ans, 57 % depuis 1970, et une moyenne d’âge des chefs d’exploitation qui frôle les 50 ans. Autant dire qu’il y a urgence à replanter.

Pourtant, le terreau reste fertile. « Mon installation n’a pas été un long fleuve tranquille », confie Elena Aguerre, marraine de cette édition 2025. « J’ai dû trouver mes terres, créer une entreprise, tout reprendre à zéro. Mais je ne regrette rien : aujourd’hui, je cultive des pommes bio à Baigorri, et j’ai trouvé du sens dans chaque geste. »

Face à elle, le parrain Iñaki Intxausti, producteur du Gipuzkoa, partage la même conviction : « Avec mon frère, on travaille nos vergers et nos bovins en bio. On vend tout en direct, parce qu’on veut garder le lien avec ceux qui mangent nos produits. Être paysan, c’est aussi cultiver la confiance. »

Ces deux visages, l’un d’Iparralde, l’autre d’Hegoalde, incarnent l’esprit même de Lurrama : une agriculture à taille humaine, enracinée dans la terre et tournée vers l’avenir.

Une autre manière de travailler

À contre-courant d’un modèle agricole souvent déshumanisé, Lurrama promeut une agriculture paysanne fondée sur six grands principes : autonomie, équité, viabilité, respect de la nature, qualité et ancrage local.

Ici, pas de rendement à la chaîne, mais du bon sens paysan. Pas d’agrochimie ni de monoculture à outrance, mais des fermes vivantes, durables et transmissibles. Chaque ferme qui s’éteint, c’est un paysage qui s’efface. Chaque installation réussie, c’est un village qui retrouve sa respiration. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : pour un paysan actif, six à sept emplois indirects sont générés. Autrement dit, nourrir la terre, c’est aussi nourrir la société.

Pour ses 20 ans, Lurrama mettra aussi à l’honneur les AOP du Pays Basque, ces labels qui font saliver autant qu’ils protègent les savoir-faire. Ossau-Iraty, Piment d’Espelette, Irouléguy, Kintoa… des noms qui fleurent bon le terroir et le travail bien fait. Lurrama entend renforcer le lien entre ces appellations d’Iparralde et celles d’Hegoalde, prouvant que la qualité ne connaît pas de frontière.

Car ici, les AOP ne sont pas de simples étiquettes : ce sont des racines communes, une manière de résister à l’uniformisation et de rappeler que chaque fromage, chaque verre de vin ou chaque tranche de jambon est un morceau de culture vivante.

Une ferme grandeur nature

Mais Lurrama, ce n’est pas qu’un salon, c’est une ferme géante en plein cœur de Biarritz. Entre deux conférences, les visiteurs pourront caresser les brebis, observer la tonte, la traite ou la fabrication du fromage. Les enfants y apprendront que le lait ne pousse pas en bouteille et que la terre, ça se respecte avant de se récolter.

Le marché fermier, véritable “marché des sept provinces”, regroupera producteurs, artisans et cuisiniers. Les repas seront concoctés par des chefs et des lycéens hôteliers, dans un joyeux mélange de traditions et d’innovations culinaires.

Et parce qu’à Lurrama, la fête n’est jamais loin du champ, concerts, animations et concours ponctueront les trois jours : le meilleur fromage AOP Ossau-Iraty, la baguette Herriko la plus croustillante, ou encore le miel de châtaignier le plus parfumé. Trois récompenses symboliques pour célébrer la richesse d’un terroir et la passion de ceux qui le font fructifier.

Vingt ans après sa première édition, Lurrama continue de creuser son sillon avec la même énergie militante et bienveillante. Entre un passé fertile et un futur encore à semer, le salon rappelle qu’une autre agriculture est non seulement possible, mais déjà à l’œuvre.