Se lancer dans l’agriculture aujourd’hui, c’est un peu comme planter sous un ciel incertain : il faut de la foi, de la patience et un bon coup de pouce pour que ça prenne racine. Conscient de ces réalités, le Conseil départemental des Landes a choisi en 2019 de donner un vrai coup de jeune à l’agriculture locale avec un dispositif inédit : ETAL40, pour Espaces Tests Agricoles Landais.
L’idée est simple mais fertile : permettre à des futurs maraîchers de tester leur projet en conditions réelles, sans avoir à s’endetter jusqu’aux bottes dès le départ. Dans un département où les circuits courts et l’alimentation locale reprennent du poil de la bête, ETAL40 agit comme une pépinière de talents, un incubateur rural où l’on cultive autant la terre que les vocations.
Derrière ce dispositif se cache une conviction forte, à savoir que le renouvellement agricole ne se fera pas sans accompagnement humain. Dans les Landes, territoire vaste et gourmand en diversité, il fallait une structure capable de transformer les envies en projets et les projets en exploitations durables. Pari tenu.
Une expérimentation grandeur nature
ETAL40, c’est un peu la salle de répétition des futurs producteurs. Pendant une période de un à trois ans, les candidats bénéficient de parcelles d’environ 1,5 hectare, équipées de serres, de matériel agricole et d’un système d’irrigation prêt à l’emploi. Un espace test grandeur nature où l’on apprend à manier le tracteur autant que les bilans comptables.
Le tout est encadré par un réseau de partenaires départementaux, à savoir la Chambre d’Agriculture des Landes, Agrobio 40, AgriCampus, qui mettent la main à la pâte pour accompagner les porteurs de projets dans leurs premières semailles. L’objectif ? Leur permettre de mesurer la viabilité technique et économique de leur projet, mais aussi l’adéquation entre leur mode de vie et leur futur métier.
Ici, chaque saison est une leçon, chaque récolte un test grandeur nature. Les candidats apprennent à composer avec les caprices du ciel, les rythmes du sol, les exigences de la vente directe et la gestion d’une micro-entreprise. Une immersion complète, où la théorie laisse place à la pratique, les bottes aux idées.
À Magescq, Roxanne Couttet et Enzo Fitzgerald ont planté les premières graines de leur aventure maraîchère. Après avoir découvert le dispositif en 2023, ils ont pris racine sur une parcelle d’1,5 hectare pour fonder la Ferme des Jeunes Pousses. Fruits et légumes biologiques, cultivés à la main, vendus sur les marchés de Lit-et-Mixe et Soustons : un modèle de proximité qui a séduit les habitants, même face aux grands étals des marchés voisins.
En parallèle, Laura et Pascal Evrard ont rejoint le dispositif sur une parcelle voisine. Chaque dimanche, ils écoulent leur production au marché de Saint-Geours-de-Maremne, faisant découvrir aux consommateurs le goût retrouvé des produits cueillis à maturité.
Plus au nord, à Mimizan, Yan Abécassis s’est lancé à son tour en février 2024. Son expérience au sein d’ETAL40 lui a permis de roder ses techniques, d’expérimenter des cultures diversifiées et de construire des débouchés commerciaux solides. 
Un modèle d’accompagnement sur mesure
Le grand atout d’ETAL40, c’est son accompagnement global, pensé pour lever les freins à l’installation. Outre la mise à disposition de terres et d’outils, les porteurs de projets bénéficient d’un suivi technique, juridique, fiscal et administratif. Le dispositif agit comme une rampe de lancement où chaque détail compte : rotation des cultures, gestion de l’irrigation, démarches réglementaires, commercialisation… Rien n’est laissé en jachère.
Les maraîchers conservent leurs minima sociaux tout en pouvant percevoir un complément de revenu selon leur production. Cette sécurité financière, rare dans les débuts d’activité agricole, leur permet d’expérimenter sans crainte et de bâtir leur modèle économique sur des bases solides.
Depuis 2019, quatre maraîchers issus d’ETAL40 ont sauté le pas pour s’installer durablement dans les Landes, notamment à Léon, Saint-Geours-d’Auribat et Arengosse. Des fermes à taille humaine, souvent biologiques, qui contribuent à alimenter les marchés de proximité et les cantines locales.
Ces réussites illustrent parfaitement la vocation première du dispositif : transformer l’essai. ETAL40 n’est pas une fin en soi, mais un tremplin, une étape avant la pleine autonomie. En aidant de jeunes agriculteurs à franchir le cap, le Département participe activement à la relocalisation de l’alimentation et à la revalorisation du métier de maraîcher, longtemps perçu comme trop contraignant pour les nouvelles générations.
Morcenx-la-Nouvelle : un nouveau champ d’action
Après Magescq et Mimizan, ETAL40 s’apprête à pousser plus loin ses sillons. À Morcenx-la-Nouvelle, un troisième site ouvrira ses portes en janvier 2026, en partenariat avec la commune. Baptisé Les Jardins de Moré, il accueillera deux lots d’1,5 hectare chacun, pour une durée maximale de trois ans.
Ce nouveau site obéit à la même philosophie que ses aînés, à savoir offrir à des entrepreneurs à l’essai un terrain d’apprentissage grandeur nature, en agriculture biologique. Particularité locale : la production sera en grande partie destinée aux cantines de la ville, privilégiant un circuit ultra-court qui relie directement la fourche à la fourchette.
Comme ses grandes sœurs, les parcelles bénéficieront d’équipements modernes : 600 m² de serres, irrigation au goutte-à-goutte, et labellisation bio dès leur mise en service. À partir de janvier, quatre lots seront disponibles, deux à Morcenx, un à Magescq et un à Mimizan, pour accueillir de nouveaux exploitants à l’essai. Le Département invite d’ailleurs les candidats à se manifester sans tarder. Le mot d’ordre ? « À vos candidatures ! », une formule qui sonne comme un appel à la moisson des vocations.
ETAL40 fait ainsi éclore des modèles. Le dispositif s’inscrit dans le cadre du Plan alimentaire territorial “Landes au menu”, qui vise à renforcer la production locale, bio et de saison. En encourageant les circuits courts et la diversification agricole, il participe pleinement à la transition alimentaire du territoire.
L’expérience landaise attire d’ailleurs les regards d’autres départements, séduits par ce format de « couveuse agricole » qui permet de sécuriser les parcours d’installation. Dans un contexte où le foncier se raréfie et où le climat complique les cultures, ETAL40 montre qu’une autre voie est possible, celle d’une agriculture raisonnée, humaine et résiliente.
Sébastien Soumagnas





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