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    DÉCRYPTAGEPourquoi ce tollé à propos de l’utilisation du 49.3 ?

    On en parlait depuis des semaines, et sans surprise, le gouvernement a décidé d’utiliser l’arme du 49.3 pour faire, sans vote, passer en bloc sa loi de finances, autrement dit le budget de la nation, édition 2023.
    Montage sur le 49.3

    Il faut dire que la situation était bloquée, avec près de 3 300 amendements déposés, soit 1 500 de plus que pour le budget 2022. Et pour des raisons diverses autant que contradictoires, les oppositions entendaient rejeter le texte ; la gauche l’estimait « austéritaire », la droite trop généreux et le RN trop soumis aux diktats de Bruxelles. Face à ce front pour une fois uni, l’exécutif se présentait avec un pistolet sans cartouche, car privé de majorité absolue. Ou plutôt avec une seule balle, l’utilisation du fameux 49.3. Car depuis la réforme constitutionnelle de 2008, hors projets de loi de finances ou du financement de la Sécurité sociale, cet article 49.3 ne peut être utilisé que sur un seul texte au cours d’une même session parlementaire, alors qu’auparavant, le gouvernement pouvait y recourrir aussi souvent qu’il l’estimait nécesaire.

    Et il s’en est largement servi : 89 fois sous la V République, dont 28 par Michel Rocard, un record. Depuis son accession au pouvoir, Emmanuel Macron ne l’a sollicité qu’une fois en février 2020, alors qu’Edouard Philippe avait du mal à faire passer sa réforme des retraites, vite avortée en raison de la crise sanitaire. Mais voilà, avec une Assemblée nationale qui compte désormais davantage de députés d’oppositions (280) que de macronistes (251), la solution devient inédite. Et complexe.

    Effet connexe, cette utilisation de l’alinéa à des fins budgétaires repousse d’un cran la réforme des retraites, tout autant rejetée par les diverses oppositions que critiquée du bout des lèvres par François Bayrou, impeccable allié jusqu’à ce jour de la macronie. Chacun s’accorde sur la volonté gouvernementale de la faire passer à la hussarde, alors qu’elle engage le sort de millions de Français, qu’elle concerne 14 % du PIB, et qu’elle mérite, à tout le moins, de vrais discussions, des échanges d’idées, et in fine, un consensus. D’autant qu’elle ne devrait s’appliquer… qu’en 2037.

    Venons-en au point le plus important : l’existence même du 49.3, « l’arme nucléaire », selon Nicolas Sarkozy. Vestige du temps d’avant, où le Parlement était constitué de « godillots » comme les appelait De Gaulle, cet alinéa (tout comme le vote bloqué ou les ordonnances) est aujourd’hui jugé par l’opinion comme peu démocratique, rendant inopérante l’action des élus du peuple. Tout au plus pourrait-on le conserver pour les textes budgétaires, et c’est tout. Au lieu de cela, l’exécutif vient de s’engager dans un processus mortifère, dont il ne sortira pas forcément vainqueur.

    Celà dit, aucun gouvernement n’a jamais été renversé après une motion de censure déposée en réponse au 49.3. Mais jusqu’alors, tous disposaient d’une majorité absolue. Alors, dissolution ?

    Dominique Padovani

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