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L’aéroport de Pau en crise : entre colère et grande inquiétude. Mais…

Le propriétaire du site béarnais lance un appel à la mobilisation générale et souhaite réunir les forces vives du Béarn et des Hautes-Pyrénées pour sortir de la zone rouge. Comme nous l’avons plusieurs fois souligné, il était urgent de réagir…
en tant que gestionnaire de la plateforme aéroportuaire, la chambre consulaire a exprimé son inquiétude quant à la liaison Pau-Orly pour 2022.
L’heure est grave. C’est en substance le ton du discours qu’a tenu Nicolas Patriarche, président du Syndicat mixte de l’Aéroport de Pau Pyrénées (SMAPP), devant les représentants des organisations professionnelles et des acteurs locaux : Medef Béarn et Soule, Fédération de BTP des Pyrénées-Atlantiques, CCI Pau Béarn, Safran…
Transavia

La source de l’inquiétude du maire de Lons est affirmée avec vigueur : la liaison aérienne entre Pau et Orly est en baisse spectaculaire depuis la pandémie du covid-19 ; une chute amplifiée par la concurrence avec l’aéroport de Tarbes-Lourdes. Mais pas que...

En janvier dernier, Didier Laporte, président de la CCI Pau Béarn (actionnaire majoritaire d’Air’Py, gestionnaire de la plateforme), et François Bayrou, maire de Pau, évoquaient déjà cette menace pour l’attractivité du territoire dans leurs vœux respectifs.

« Cette situation est ubuesque ! ». Il faut dire que seulement 50 kilomètres séparent les deux belligérants : d’un côté, l’aéroport de Pau avec la compagnie low-cost Transavia, filiale d’Air France ; de l’autre, l’aéroport de Tarbes-Lourdes, qui bénéficie d’une aide financière liée à une obligation de service public (OSP), avec l'espagnole Volotea. Et en bout de ligne, une même destination : l’aéroport de Paris-Orly.

Bien qu’ils aient chacun des clientèles de base différentes (historiquement d’affaires pour Pau et touristique/religieuse pour Tarbes), l’enjeu principal est le même pour ces deux territoires : le désenclavement et l’attractivité économique. Avant le covid, l’aéroport de Pau était très largement en tête, tandis que son homologue bigourdan était à la peine. Le premier regardait de haut le second. Depuis, la situation s’est largement inversée.

Au total, en comptant l’apport des différentes collectivités, 9 millions d’euros par an seraient injectés dans l’établissement bigourdan, quand l’aéroport de Pau ne bénéficie pas du même soutien, d’après Nicolas Patriarche. « Ce déséquilibre est tout sauf sain, tout sauf normal. Si les règles de la libre concurrence étaient respectées, je pense que la situation serait à notre avantage et la ligne Pau-Orly serait stable et sécurisée », martèle le président béarnais.

Mais, bien entendu, ce n’est pas du tout l’avis de son homologie bigourdan.

Il faut souligner un point essentiel qui explique en partie l’inversion de la situation : l’aéroport de Pau est empêtré dans une discussion compliquée avec Transavia, quand Tarbes a réussi à convaincre Volotea d’installer une de ses bases françaises en Bigorre, avec une forte volonté de développement. Spirale négative d'un côté, spirale positive de l'autre.

Un "Grenelle" pour sortir de la crise ?

Même si les deux parties restent campées sur leurs positions, les acteurs béarnais assurent vouloir œuvrer conjointement avec les Bigourdans pour sortir de cette situation complexe et périlleuse. En début d’année 2024, Nicolas Patriarche souhaite réunir toutes les parties autour de discussions qu’il espère constructives.

« J’adresse aujourd’hui un cri d’alerte et un appel à la mobilisation. En mettant de l’argent, l’État crée une situation de concurrence déloyale. Ce ''deux poids, deux mesures'' n’est pas normal, ni satisfaisant. Je ne suis pas là pour vous dire : il ne doit en rester qu’un debout ! Il faut trouver une solution qui convienne aussi bien aux Béarnais qu’aux Bigourdans et permettre une coexistence apaisée », assure le président de la SMAPP, en s’appuyant sur trois rapports des Cours des comptes de Nouvelle-Aquitaine, d’Occitanie et nationale.

Il n’en reste pas moins combatif et refuse de se laisser abattre, en affirmant que le recours juridique est possible, si les débats qui seront amorcés en janvier ne débouchent sur aucune action concrète. Pour les acteurs palois, l’État doit prendre ses responsabilités en intervenant dans ce dossier et faire appliquer la loi.

« J’ai le plus grand amour et respect pour les Bigourdans, je connais bien ce territoire et sa volonté de désenclavement territorial est aussi légitime que la nôtre. Mais, je n’accepterai jamais que l’aéroport de Pau soit le parent pauvre des déplacements aériens de ce bassin de vie », promet-il.

« Au final, cette situation sera perdante-perdante : nos amis bigourdans viennent de revendiquer 160.000 passagers en 2023, or, l’OSP ne doit pas dépasser les 150.000 voyageurs par an. Si la ligne Pau-Orly venait à disparaître, la majorité du trafic palois serait absorbé par l’aéroport de Tarbes. Le renouvellement de l’OSP, prévue en 2026, ne serait alors pas réattribuée et les deux aéroports se retrouveraient sans desserte vers Orly »

Pour être entendu par les Bigourdans, cet appel à un « Grenelle » autour des deux aéroports doit s'accompagner d'une volonté sincère de calmer le jeu, de part et d'autre. Ce serait la meilleure des nouvelles...

Aéroport de Pau

Pau : danger imminent...

Avant la crise covid, l’aéroport béarnais accueillait au total 600.000 passagers ; en 2022, ils n’étaient plus que 320.800. Cette baisse vertigineuse s’explique principalement par l'effondrement du trafic entre Pau et Orly. La liaison assurée par Transavia est passée de 36 à 7 vols hebdomadaires, soit à peine un par jour. Avant la pandémie, 300.000 voyageurs utilisaient cette ligne avec Paris, contre seulement 120.000 cette année. Une offre déjà insuffisante qui amène de nombreux Béarnais à décoller depuis Tarbes, y compris des élus palois.

Pour autant, les chefs d’entreprise béarnais ont besoin de la plateforme paloise. Le Syndicat mixte de l’Aéroport de Pau Pyrénées leur a envoyé un questionnaire afin d’avoir leur avis sur la nécessité d’avoir une liaison Pau-Orly. Les résultats sont sans surprise : 97% des 217 répondants jugent nécessaire cette desserte, 86% sont insatisfaits par la liaison actuelle et 73% pensent que la ligne vers Roissy ne constitue pas une alternative satisfaisante. Enfin, 64% d’entre eux constatent un impact négatif sur leur activité.

« La baisse de la ligne Pau-Orly met en danger l’avenir de l’aéroport, à très court terme. On pourrait annoncer un arrêt total de cette liaison dès le printemps prochain si un accord n’est pas obtenu. Augmentant un peu plus le phénomène de réenclavement du Béarn constaté ces dernières années », martèle Nicolas Patriarche.

Si la tendance se confirme, le trafic de l’aéroport béarnais pourrait être divisé par deux et un plan social devrait alors être envisagé par la direction. Ce scénario catastrophe aurait un impact économique considérable pour le territoire : cet enclavement pourrait remettre en question la présence d’entreprises nationales et internationales, telles que Safran ou TotalEnergies et refroidir les espoirs de renouveau du bassin de Lacq, selon l’élu.

Il faut être lucide : certains acteurs du bassin de Lacq et du Sud Ouest des Landes ont déjà tendance à choisir l'aéroport de Biarritz. Quant à ceux du Sud-Est des Landes, ils commencent à se diriger vers Tarbes.

Parmi les pistes de développement du domaine aéroportuaire palois, qui héberge le 1er Régiment d’hélicoptères de combat (RHC), le président du syndicat mixte cite un projet d’extension des réserves foncières permettant d’accueillir de nouveaux sous-traitants aéronautiques (les sites de Toulouse et Biarritz autour des aéroports sont complètement saturés), ou encore la mise en place d’une OSP sur la ligne Pau-Lyon, récemment supprimée. « D’autres modèles peuvent être créés, innovons ! », conclut-il.

Mais, il est évident que la première chose à faire reste bien de mettre en place - d’urgence - une coopération intelligente et digne de ce nom avec Tarbes, dans un respect mutuel. Cela passe d'abord par une volonté politique partagée. Souhaitons que la période de Noël apporte la bonne inspiration.

Noémie Besnard

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