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DÉCRYPTAGEAugmenter les salaires. Comme en 1968 ?

C’est une petite musique qui commence à s’entendre à tous les coins de rue. La panacée, le remède universel : il faut augmenter les salaires. Vraiment ? Le débat est lancé…
Photo d'une personne cherchant de l'argent dans son portefeuille

D’où vient cette impression que le pays part à vau-l’eau ? Que l’on marche sur la tête ? Que les fondamentaux ne sont plus respectés ? La ménagère, éberluée, voit le contenu de son Caddie diminuer et son portefeuille se vider, et l’automobiliste peste contre le prix de l’essence, quand il y en a. Oui, ça ne tourne pas rond dans le royaume de France. Dans ce cas, pourquoi ne pas imposer un remède miracle, et augmenter les salaires ?

Au moins, tout le monde est d‘accord sur le constat : tout augmente, ma bonne dame, et à la vitesse grand V. Selon les chiffres publiés par l’Insee vendredi dernier, les prix à la consommation ont augmenté de 5,6 % en un an. Le gouvernement, conscient du problème, a aussitôt multiplié les aides, comme la prime inflation, le bouclier tarifaire, un chèque énergie supplémentaire de 100 euros. Autant de mesures qui se sont avérées insuffisantes depuis le déclenchement du conflit ukrainien et la flambée du marché des matières premières, gaz, pétrole, blé, etc. Donc la situation est claire, nous sommes entrés dans l’inflation, les prix grimpent, tandis que les salaires stagnent. D’où une question largement partagée : peut-on les augmenter ?

Pas question, rétorquent les tenants d’une ligne libérale, représentés par Élisabeth Borne, au prétexte que cela risquerait de faire plonger les petites entreprises déjà fragilisées par l’inflation. Cette posture porte un nom, la courbe de Phillips, qui veut que lorsqu’une entreprise augmente les salaires, elle augmente ses coûts de production et par conséquent ses prix de vente. Elle participe de la sorte à faire grimper davantage les prix et l’inflation. CQFD, et démonstration implacable. Face à elle se tient la CGT, qui vient d’appeler à la grève et défend au contraire une augmentation des salaires, avec « un coup de pouce » au Smic, afin de relancer l’économie. La réponse du gouvernement est sèche, en déclarant vouloir augmenter le pouvoir d’achat via des primes, de aides et la fameuse prime à la pompe. Et c’est tout. Circulez, y’a rien à voir, et de moins en moins à manger.

On en vient à rêver d’une grande conférence sociale, mettant autour de la table gouvernants, oppositions, chef d’entreprises, syndicats, dans le but d’obtenir un consensus et de marcher du même pas. Une vue de l’esprit ? Pas vraiment. Souvenez-vous de 1968, de ces Accords de Grenelle, qui avaient abouti à une augmentation de 35 % du Smig (le salaire minimum interprofessionnel garanti). Le pays ne s’était pas effondré pour autant, malgré la chienlit dans les rues et De Gaulle à Baden-Baden. En attendant cet hypothétique rendez-vous, le secteur privé colle des rustines, puisque 40 % des entreprises prévoiraient une augmentation de salaires située entre 2 et 3 %, 38 % sur +3 à 5 % et 13% au-delà de 4 %. Cela ne couvrira pas l’inflation, mais démontre que les entrepreneurs ont à cœur de protéger leurs salariés et sont solidaires. Et eux ne descendent pas hurler dans la rue.

Nous ne pouvons conclure sans saluer sans retenue les heureux actionnaires de nos entreprises, puisque, avec en tête Airbus et LVMH, elles leur ont versé 44,3 milliards d’euros de dividendes au deuxième trimestre 2022, un record d’Europe, et un chiffre en hausse de 32,7 % par rapport à 2021. Nos félicitations pour cette indécence. C’est l’or, monseignor

Dominique Padovani

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