Photo : Danièle Cayla.Né à Sabres en 1923, Bernard Manciet (ou Bernat en gascon) est plongé dans les langues et les lettres assez jeune. En effet, après une enfance dans les Landes, il poursuit sa scolarité en Gironde, logé chez ses oncles curés, où il apprend le grec et le latin. Baccalauréat en poche, il s'envole pour Paris, et étudie les Lettres Classiques. Cependant, la première partie de sa vie d'adulte est plus diplomatique que littéraire, puisque grâce à un diplôme décroché à Science Po Paris, le Landais se retrouve à travailler dans l'Allemagne occupée, auprès du Général Koenig. C'est en 1955 qu'il rentre dans les Landes, pour une famille, et gérer les établissements Dayon et Manciet, une entreprise dans le secteur du bois appartenant à sa belle-famille.
C'est seulement dix ans plus tard, en 1965, qu'il se lance pleinement dans l'écriture. Sortent alors de son bureau de nombreuses nouvelles, romans, pièces de théâtre, poèmes, et autres essais. L'occitan gascon, langue de sa terre natale, devient alors son moyen d'expression privilégié, sans pour autant omettre le français, au contraire. « Bernard Manciet a construit son œuvre dans deux langues, l'occitan gascon, et le français. L'une ne se réduisait pas à l'autre. Chacune des deux langues charriant son imaginaire, son émotion, sa texture, et plus encore, un ordre du monde, et un monde sans ordre dans lequel la poésie en particulier, la littérature en général, pouvaient se travailler », peut-on lire sur le site internet des Amis de Bernard Manciet, une association qui œuvre pour conserver la mémoire de l'auteur landais.
Une œuvre immense...
Durant sa carrière d'écrivain, ce ne sont pas moins de 85 œuvres qui figurent dans sa très vaste bibliographie. Toutes conçues pour être lues à haute voix, car le poète « savait que la langue est d'abord un son, une matière à prononcer, clamer, éructer chuchoter, et que c'est dans cette mise en voix qu'elle donne son possible ». Parmi ses nombreuses publications, on peut notamment citer L'Enterrement à Sabres, œuvre majeure qui a intégré depuis 2010 la collection emblématique Poésie-Gallimard. C'est d'ailleurs, encore à ce jour, la seule œuvre de la collection en langue régionale avec une traduction en français.
Son style, sa précision, et la façon dont il jonglait avec les mots et leurs sonorités auront permis à Bernat Manciet de remporter plusieurs prix : le prix Broquette-Gonin (prix décerné à une œuvre jugée susceptible d'inspirer l'amour du vrai, du beau, du bien), le prix Paul-Froment (qui récompense les auteurs en langue occitane), et le Prix Antigone de la ville de Montpellier, entre autres. Il est également décoré en tant qu'officier de l'Ordre des Arts et des Lettres en 1999.
René Nelli, poète, historien, et philosophe occitan, disait de Bernat Manciet dans La poésie occitane parue aux éditions Seghers, que c'était « un monstre d'originalité dont le renouvellement verbal incessant et le jaillissement lyrique intérieur ne [devaient] rien aux dernières modes littéraires de Paris ». Il le considérait d'ailleurs comme « l'un des grands poètes – méconnus – de l'Europe moderne ». « Aujourd’hui, il est considéré comme l’un des poètes du monde ayant donné à la poésie épique son expression la plus aboutie, plus universelle », assure également l'association des Amis de Bernard Manciet.
Un héritage donc majeur, que l'association souhaite préserver et perpétuer, notamment grâce à son site internet on ne peut mieux renseigné et riche. « Il se veut une contribution à une meilleure connaissance de l’homme et de son œuvre occitane (gascon) et française. Les profanes comme les spécialistes pourront y trouver sa biographie, sa bibliographie établie par François Pic, regroupant l’essentiel des ouvrages publiés par les diverses maisons d’édition qui l’ont accueilli. (...) Ils font vivre un poète dans toutes ses dimensions, dans son environnement proche, mais aussi dans son imaginaire. Nous espérons qu’il permettra à tout un chacun de mieux connaître l’œuvre d’un des plus grands poètes français et occitans », explique-t-elle.
Mais ce n'est pas la seule à œuvrer pour conserver la mémoire de l'auteur. En effet, le 15 mars dernier, les Archives Départementales des Landes accueillaient une veillée poétique en hommage à Bernat Manciet. L'entrée y était libre et gratuite, et les spectateurs ont pu apprécier une conférence contée par Guy Latry et Isabelle Loubère, qui revenaient sur la vie de l'artiste et son œuvre poétique gasconne.
C'était également l'occasion de présenter la « Malle Manciet », un dispositif unique et original développé par les Archives Départementales. « Cet objet unique a été imaginé pour tous les publics et pour les plus jeunes en particulier, à partir du précieux fonds littéraire de l’auteur confié par sa famille (…). S’inspirant à la fois des cabinets de curiosités et des maisons d’écrivains, c’est une véritable maquette articulée qui se déploie sous vos yeux pour faire découvrir d’une manière poétique et vivante ses archives, ses récits et son histoire », explique le Département des Landes dans un communiqué.
Dans le cadre du Projet gascon, politique de promotion de la culture gasconne portée par le Département, le dispositif prendra la route de 50 classes landaises dès le printemps. Un moyen de faire découvrir aux plus jeunes un artiste emblématique de la région, afin de perpétuer son héritage, et continuer à faire rayonner la richesse de la littérature gasconne.
Timothé Linard
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