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    Les dits du vendredi

    Rugby et Avenidas… regard de Christian Laborde
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    RUGBY - Tandis que le XV de France engrange les défaites, je relis Notre rugby, recueil de poèmes de Pierre Présumey, paru en 1976, aux Editions Hauteur d’Homme. Je relis et dis le poème « Amour », aussi chaud qu’une mêlée :

    Philippe Dintrans

    Il faut bien qu’on s’aime

    Pour ainsi s’entasser, s’emmêler,

    Se peloter, se pelotonner, s’estirgousser,

    Se tâter la viande et le poil,

    Se goûter le sang, la sueur,

    Se partager l’haleine, s’estifler,

    S’espanler dans le tas,

    S’escargasser, s’estirampeler le maillot,

    Les oreilles, la peau, le cuir, les os,

    S’estravirer dans la gafogne,

    S’écharougner un peu partout :

    Il faut bien qu’on s’aime.

    * * *

     

    AVENIDAS

    Des Avenues.

    Des avenues et des fleurs.

    Des fleurs.

    Des fleurs et des femmes.

    Des avenues. Des avenues et des femmes.

    Des avenues et des fleurs et des femmes

    Et un admirateur.

    Ce poème lapidaire mêlant la ville et la femme, le constat et la rêverie, l’architecture et le désir, poème qui nous rappelle le sonnet « A une passante » de Charles Baudelaire, s’intitule « Avenidas ». Il a été écrit en 1951 par Eugen Gomringer, fondateur de la poésie concrète.

    Les vers de Gomringer ornent, à Berlin, la façade sans attrait de la Haute Ecole Alice Salomon. Des étudiants fréquentant l’établissement ont exigé de la direction que soient gommés des murs les mots de Gomringer. Selon eux « ce poème reproduit non seulement une tradition artistique patriarcale dans laquelle de belles femmes sont des muses utilisées exclusivement pour stimuler la création artistique des hommes, mais il nous rappelle aussi de façon fort désagréable le harcèlement sexuel auquel les femmes sont quotidiennement exposées. »

    La ministre de la Culture allemande, Monika Grütters, commentant cette décision, écrit dans la presse : « La leçon que nous avons retirée de nos deux dictatures est que la liberté artistique et la liberté d’expression sont toutes deux constitutives de la démocratie. »

    La chasse au poème qui est ici à l’œuvre dessert le combat légitime des femmes contre l’oppression qu’elles subissent, combat avec lequel cette chasse n’a, selon nous, rien à voir. Cette chasse au poème est le fruit d’une lecture moralisatrice de l’art, d’une méconnaissance du processus de la création poétique. Ces étudiants ignorent que la célébration poétique de la femme, son élévation au statut de muse, sont par essence subversifs. La poésie oppose depuis toujours à l’ordre établi le désordre de ses mots.

    Christian Laborde

    www.christianlaborde.com

     

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