Abonnez-vous
Publié le
Contenu partenaire

CONJONCTUREEn Béarn, l’instabilité pèse lourdement sur l’économie

Baisse des carnets de commandes, de la demande et du chiffre d’affaires, difficultés de recrutement et confiance des chefs d’entreprises au plus bas… Tous les secteurs sont impactés.
Entrepreneuse qui regarde ses factures devant son ordinateur. Crédit photo FreepikFreepik
C’est ce que révèle l’enquête réalisée par la CCI Pau Béarn, du 4 au 9 juillet 2025, auprès de 250 chefs d’entreprises béarnais. Les entrepreneurs attendent un sursaut de la classe politique.

Au niveau national l’indicateur d’optimisme des dirigeants, créé par CCI France, retombe à un niveau historiquement bas. Cette donnée issue d’un baromètre mensuel prend en compte les questions de confiance à l’égard de l’évolution de l’économie et d’appréciation de la situation actuelle.

« Nous sommes dans un contexte politique très instable depuis la dissolution de juillet 2024, avec déjà trois premiers ministres… La situation du pays est loin d’être confortable, avec une dette publique de 3.416 milliards d’euros », contextualise Didier Laporte, président de la CCI Pau Béarn.

Cet indicateur de confiance avait déjà chuté sur la fin d’année 2024, et après un léger sursaut avant l’été, il a perdu neuf points en septembre par rapport à juin, pour se fixer à 68. Le Béarn est clairement frappé par ce pessimisme ambiant…

Le moral des 250 chefs d’entreprise interrogés est au plus bas : seulement 19% se déclarent confiants pour l’économie française (-20 points par rapport à l’année dernière), tandis que 68% ont confiance dans leur propre entreprise (-4 points).

Dans ce contexte, lorsqu’on sonde l’état d’esprit des dirigeants, c’est l’inquiétude qui domine. À l’inverse, le sentiment de sérénité a perdu 10 points en un an pour s’établir à 10%

« Nous n’avons quasiment jamais atteint de tels chiffres. Même pendant le Covid-19, 72% des chefs d’entreprise avaient confiance en leur entreprise et 26% en l’économie française », constate le président de la CCI.

Une baisse de l’investissement et de l’emploi

Cette confiance en berne se traduit par des investissements au plus bas en Béarn, avec des prévisions assez pessimistes pour le deuxième semestre 2025. Seuls 21% des dirigeants ont investi depuis janvier et 17% envisagent de le faire dans les prochains mois.

Le recrutement est également en panne, avec seulement un quart des dirigeants qui ont eu besoin d’embaucher. C’est le niveau le plus bas observé dans ce baromètre depuis 2021. Les chiffres évoqués par France Travail confirment cette mauvaise tendance : les recrutements effectifs ont baissé de -1,6%, sur un an en Béarn, alors qu’ils ont plutôt progressé en Nouvelle-Aquitaine.

Logiquement, les dirigeants sont significativement moins nombreux à évoquer des difficultés de recrutement, même si elles restent importantes (63% des chefs d’entreprise, soit une baisse de 5 points en un an). « Le problème principal reste le même : une mauvaise adéquation de l’offre et de la demande », assure Didier Laporte.

Le taux de chômage sur les territoires béarnais demeure toutefois à un niveau inférieur aux moyennes nationale et régionale (6,1% sur la zone de Pau et 4,6% sur la zone d’Oloron).

Chiffres d’affaires et carnets de commandes en berne 

D’après l’étude dévoilée par la CCI Pau Béarn, 32% des répondants déclarent un chiffre d’affaires en baisse, une progression significative et inquiétante de + 5 points par rapport au 1er semestre 2024. La tendance au niveau des carnets de commandes est similaire, avec 32% des dirigeants qui déclarent une détérioration (4 points).

« Toutefois, les indicateurs financiers tendent à se stabiliser, la période inflationniste étant derrière nous, les entreprises retrouvent des marges et des trésoreries plus stables. Ainsi, 63% des dirigeants déclarent une meilleure tendance (+7 points vs le 1er semestre 2024) », précise le président de la chambre consulaire béarnaise.

Parallèlement, l’étude met en lumière un nombre d’entreprises en difficulté qui demeure élevé, malgré une légère baisse observée par rapport à 2024. Depuis le début d’année, 137 procédures collectives ont été enregistrées par le tribunal de commerce de Pau, dont 64% de liquidations judiciaires.

Au premier semestre 2024, l’institution avait comptabilisée 152 procédures, ce qui représente une baisse de 10%, quand la France affiche un chiffre en augmentation. 

Parmi les principales difficultés rencontrées par les dirigeants, le poids des charges est largement mis en avant. En effet, et pour la première fois depuis quelques années, 32% des dirigeants déclarent qu’elles impactent leurs activités, 32% pointent également l’inflation et un chef d’entreprise sur trois soulignent une baisse de la demande.

Ville de Pau

Une détérioration du chiffre d’affaires pour l’industrie et le commerce

Lors des derniers points conjonctures, l’industrie et le commerce arrivaient à tirer leur épingle du jeu, avec de bonnes performances. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.

Pour la première fois depuis quelques années, l’industrie montre des signaux d’alerte : 27% des dirigeants déclarent un chiffre d’affaires en baisse, soit +10 points en un an. Leurs carnets de commandes se contractent également, traduisant une visibilité réduite sur les prochains mois. Seuls 15% constatent une amélioration au niveau des commandes, soit une forte chute de -35 points par rapport à la dernière étude.

Sur le plan financier, les délais de paiement s’allongent, la trésorerie se détériore avec des marges qui reculent à nouveau. Cette dégradation se traduit par une chute brutale de la confiance dans l’économie française, qui tombe à 19% seulement (-20 points en un an).

Tout comme les industriels, les commerçants béarnais n’échappent pas non plus à un recul de leur activité. Ils doivent faire face à la fois à une baisse de fréquentation en magasin et à une détérioration du chiffre d’affaires.

Le poids des charges constitue désormais la première difficulté rencontrée par les commerçants (34%), devant l’inflation. Cependant, si la situation financière reste tendue, elle ne s’aggrave pas : les marges montrent même quelques signes de stabilisation.

La construction et le tourisme, entre inflation et baisse de la demande

Les perspectives demeurent prudentes dans ces secteurs, d’autant que la confiance dans l’économie française y est particulièrement faible : 17%, le plus bas parmi l’ensemble des domaines d’activités.

Le BTP confirme sa trajectoire baissière. Plus d’une entreprise sur deux constate une réduction de son carnet de commandes, et 43% signalent un recul du chiffre d’affaires. La principale difficulté exprimée par les dirigeants est la faiblesse de la demande (53%), dans un contexte où l’investissement reste contraint.

Sébastien Labourdette, président de la Fédération du bâtiment et des travaux publics des Pyrénées-Atlantiques et président du groupe Sogeba, tire la sonnette d’alarme : « Notre secteur est complètement chahuté et les délais de travaux sont allongés : en dix ans, nous sommes passés de trois à sept ans, entre le projet et la livraison. Qui aujourd’hui va prendre le risque d’investir dans un projet de construction pour le voir aboutir dans sept ans ? ».

Les tensions financières persistent, avec des trésoreries fragilisées par une détérioration des délais de paiement (pour 32% des chefs d’entreprise) et des marges comprimées. Les niveaux d’emploi, déjà réduits fin 2024, se stabilisent à un plancher bas, sans perspectives de reprise à court terme.

« Dans le département, la construction représente environ 20.000 emplois, portés par 4.500 entreprises, en majorité artisanales. Aujourd’hui, notre principale problématique est le logement. Sur les dix dernières années, le département construisait environ 6.000 logements par an. Aujourd’hui, ce chiffre est divisé par deux, alors que les besoins sont de plus en plus prégnants. Les dispositifs comme le Prêt à Taux Zéro et Ma Prime Rénov aident, mais pas à des niveaux suffisants. Pourtant, les métiers de la construction sont des acteurs fondamentaux pour la décarbonation et la rénovation énergétique de notre pays. Il faut que les politiques comprennent que le BTP est un vecteur de croissance pour la France ».

Quant au secteur des cafés-hôtels-restaurants (CHR), il connaît lui aussi un ralentissement significatif : fréquentation en baisse et chiffre d’affaires légèrement dégradé au 1er semestre 2025.

La fragilité financière reste marquante : la part des dirigeants constatant une baisse de leur trésorerie ne cesse de progresser depuis 2023. L’inflation est la première difficulté citée (48%), suivie par la hausse du coût de l’énergie (35%), qui pèse directement sur les charges d’exploitation. Les marges restent elles aussi sous tension.

Enfin, le secteur des services est finalement celui qui se maintient le mieux, localement commet en Nouvelle-Aquitaine. Il apparaît ainsi comme l’un des rares à afficher une certaine résilience.

L’activité se stabilise et les carnets de commandes montrent même un léger redressement : 27% des répondants déclarent une hausse de leur carnet de commandes et 42% aucun changement.

Les trésoreries et marges se maintiennent globalement au même niveau que l’an passé, sans dégradation notable, avec 29% de chefs d’entreprise qui déclarent une hausse du chiffre d’affaires et 41% aucun changement.

Face à ces constats inquiétants, Didier Laporte a voulu tirer la sonnette d’alarme, en espérant être entendu par la classe politique.

Même s’il croit plus que jamais dans la capacité des chefs d’entreprise à surmonter les obstacles, le président de la CCI Pau Béarn mesure le danger de continuer à laisser le pays s’enfermer dans l’incertitude, alors que l’entreprise a un impérieux besoin de visibilité pour investir et pour créer des emplois.

Noémie Besnard

CCI Pau Béarn

Commentaires


Réagissez à cet article

Vous devez être connecté(e) pour poster un commentaire

À lire aussi