Fond de jante
Le soleil de l’aube lèche les têtes givrées des piquets plantés le long de la route, comme des sucres d’orge, des bâtons de vanille. Mon vélo n’émet aucun bruit, ma pédalée est silencieuse. Je ne suis pas de trop dans le paysage, rien d’un intrus comme l’indique la couleur de mes pneus semblable à celle du goudron de la route mouillée.
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La forêt est humide et froide, un peu moche sans ses feuilles. Mais la nappe de brume, légère, gorgée de soleil qui a passé la nuit au sol, monte doucement, s’accroche aux branches des arbres, les pare d’une chevelure étoilée, d’une densité identique à celle de la mousse à raser
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A l’entrée de Lucgarier, un volée de moineaux m’encercle, me prend dans la folie de ses ailes et de ses pépiements. Me voici donc de nouveau, dans le peloton, moi qui étais distancé dans la côte de Lagos. Et maintenant, comme les moineaux, tout à droite jusqu’à la route de Lourdes où le vent vachard m’attend.
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Afin d’équiper mon vélo de braquets plus modestes, j’ai dû renoncer aux changements de vitesse intégrés au guidon, et retourner à ces bonnes vieilles manettes fixées au cadre que Luis Ocaña manipulait de sa main gantée d’orange quand il s’en allait dans le col du Peyresourde, son œil noir cherchant le lacet supérieur. J’annonce officiellement mon retour aux manettes.
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Sa Majesté le Jazz
Fondée, chez Plon, par Jean-Claude Simoën, la collection « le Dictionnaire amoureux » fonctionne ainsi : un écrivain est invité à raconter, de A à Z, sa passion pour un pays, un sport, une ville, une musique, une époque, une aventure artistique, un fleuve, un géant de l’Histoire.
Patrice Blanc-Francard, « technicien du son le jour et critique de jazz la nuit », nous propose un « Dictionnaire amoureux du jazz ». Les grincheux déploreront l’absence de moult monstres de belle planète sonore. Nous leur rappellerons qu’un dictionnaire amoureux ne saurait être exhaustif.
On pourra par contre reprocher à monsieur Blanc-Francard d’avoir, dans son dico, zappé trois des 26 lettres de l’alphabet : le O, le Q, et le U. Pour que la lettre U figurât dans ce dico, il aurait suffi de créer une entrée « Uzeste ». « Uzeste », oui, comme « Uzeste musical, » le festival de jazz animé par Bernard Lubat, compositeur poly-vaillant et multi-indisciplinaire. Une entrée « Uzeste musical » eût entraîné celles d’artistes majeurs qui d’Eddy Louiss à Michel Portal, d’Archie Shepp à Louis Sclavis, sont montés sur la scène mythique de l’Estaminet.
Laissons Claude Nougaro, poète, chanteur qui fréquentait Uzeste, parler du Jazz :
Avec un J de joie dans un D de détresse
Un A comme Amérique et l’Afrique au milieu
Et deux Z pour que les cuivres glissent mieux
Ouvrez les gaz voici l’Altesse
Laissez passer sa Majesté le Jazz
Christian Laborde
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