Certains naissent sur la terre ferme, d’autres ont l’océan pour berceau. Hugues Oyarzabal faisait partie de ces derniers. Dès son plus jeune âge, le gosse de Biriatou a trouvé à Hendaye de quoi nourrir sa soif d’aventure et de sensations. Tennisman doué et bodyboardeur prometteur, il a vite compris que sa place n’était ni sur les courts ni sur les planches en mousse. Ce qu’il voulait, c’était le frisson du take-off, la claque des tubes parfaits, la liberté de tracer sa route sans obéir à d’autres règles que celles dictées par les vagues.
À 16 ans, il quitte le Pays basque pour l’Australie, emportant avec lui un appétit féroce pour le surf et la découverte. C’est là-bas qu’il perfectionne son art, loin du formatage des compétitions, toujours à la recherche de nouvelles manières de glisser. Et de nouvelles manières de voir.
Un surfeur visionnaire, artiste de l’image
Car Hugues ne se contentait pas de surfer les vagues, il les capturait aussi comme personne. À une époque où les caméras embarquées n’étaient pas encore légion, il était déjà en train d’expérimenter des angles inédits, des points de vue jamais vus. Sa série Peace & Left témoigne de cette approche unique, où la performance et l’esthétique s’entrelacent dans une danse hypnotique.
En 2012, son talent est récompensé au plus haut niveau. À Hawaii, devant l’élite mondiale du surf, Kelly Slater lui remet le premier GoPro Award de l’histoire pour une séquence hallucinante tournée à Skeleton Bay, en Namibie. Un tube interminable, filmé de l’intérieur, qui donne au spectateur l’impression d’être lui-même aspiré dans cette spirale liquide. Un chef-d’œuvre de fluidité et d’instinct.
Mais Hugues Oyarzabal n’était pas du genre à s’arrêter à un trophée, aussi prestigieux soit-il. Il voulait voir, sentir, surfer le monde entier. Son passeport était une mosaïque de tampons et ses souvenirs, une collection de vagues mythiques. Parlementia, Mundaka, Desert Point, Uluwatu, Teahupo’o… Il les a toutes explorées, domptées, apprivoisées.
Mais s’il devait choisir un foyer aquatique en dehors du Pays basque, c’était l’Indonésie. Là-bas, il était plus qu’un surfeur de passage. Il était Wayan Hugues, celui qui connaît chaque recoin des reef breaks balinais, chaque section capricieuse de Desert Point. Là où d’autres venaient en touristes, lui évoluait en local, traçant son sillage avec l’aisance d’un homme qui avait trouvé son deuxième chez-lui.
Vanthrax, le pari d’un pionnier
Avant de partir explorer les horizons lointains, Hugues avait déjà laissé son empreinte sur un spot resté longtemps inabordable : Vanthrax, ce slab au large d’Hendaye, massif, imprévisible, semé de marches traîtresses. Beaucoup l’avaient regardé, peu avaient osé s’y aventurer. Hugues, lui, n’a pas hésité.
Il l’a apprivoisé, l’a surfé, et en a fait une couverture mémorable de Surf Session. Un exploit qui résume tout ce qu’il était : un homme qui ne reculait devant rien, qui voyait le possible là où d’autres voyaient l’impossible.
Ces dernières années, une autre vague a pris de plus en plus de place dans la vie d’Hugues : celle de la transmission. Voir sa fille Kailani tomber amoureuse du surf a été son plus grand bonheur. Il l’a accompagnée, conseillée, encouragée, trouvant en elle la même intensité, la même passion insatiable.
Aujourd’hui, le monde du surf est en deuil. Hendaye, Mundaka, Desert Point, tous ces spots qu’il a marqués de son empreinte semblent orphelins. La mer pleure l’un de ses plus grands fils, mais elle continuera à porter son sillage, éternellement inscrit dans l’écume.
On dit souvent que les légendes ne meurent jamais. Hugues Oyarzabal en est la preuve. Tant qu’il y aura des vagues, des free surfeurs pour repousser les limites, des riders pour rêver de barrels infinis, son nom continuera de résonner.
Bon voyage, Hugues.
Sébastien Soumagnas
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