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Billet d'humeur

Passe ton bac avec mention d'abord !

Ça y est, pour les étudiants de terminale qui s'apprêtent à passer le baccalauréat en juin, les vacances de Pâques sonnent la fin de la tranquillité estudiantine. On entre dans le grand bain des révisions, des fiches, du bachotage, de la gestion des impasses (évitez, l'impasse est vicieuse, elle sort toujours à l'examen, bougre d'elle !)... Franchement, je compatis !

Et c'est pourquoi dans un grand élan de solidarité qui habituellement n'est pas mon fort, j'ai décidé de vous aider à avoir le bac... avec mention ! Histoire que papounet et mamounette aient le regard mouillé en annonçant au voisinage que le crétin (ou la crétine, on n'est pas machistes ici) de la famille, qu'on vouait au poste suprême de serpillothérapeute, est capable de décrocher le Graal, et surtout pour que mamie gâteau ne puisse faire autrement que de vous féliciter en glissant un joli billet de 500 euros dans votre poche (pour ma commission, contactez la rédaction de PresseLib' qui transmettra, merci).

Eventuellement, cerise sur le pompon, un bac avec mention vous ouvrira toutes les portes des grandes écoles. Au cas où vous rêveriez d'un poste de chômeur en chef, ou de technicien supérieur en grouillothérapie, voie d'avenir par excellence.

C'est qu'obtenir la mention est devenu chose aussi facile que le baccalauréat…

Du jour où l'on a sacrifié l'éducation sur l'autel de la facilité et de l'égalité des chances pour tous, bla bla bla..., on a ainsi fabriqué une fausse élite, visant à enorgueillir les parents persuadés d'avoir fabriqué des petits Einstein à la pelle, et à rassurer le pays sur l'état de sa culture générale et de sa jeunesse. Hauts les coeurs.

Donc, l'année dernière, les statistiques ont parlé, et plus de 50% (54 exactement) des étudiants de la filière générale ont décroché le sésame, la mention. À ce rythme-là, bientôt, sans mention, on sera un ignare, un analphabète, bref... un mec qui a juste son bac, quoi !

Après une enquête rigoureuse dont je tairais les sacrifices, les abnégations et autres douleurs secrètes à jamais, j'ai enfin élucidé le mystère de cette brusque hausse du nombre de mentions. Car enfin, j'ai beau être encore très crédule, je me doutais bien que le niveau ne s'était pas brusquement élevé, d'un coup de baguette magique, et que les surdoués ne s'étaient pas reproduits en masse... Malgré tout ce qu'on tend à nous faire croire...

La mention repose sur l'option. Non, ceci n'est pas le thème de la dissertation prochaine au bac de philo. Mais s'il y a quelques années, c'était lancé comme une boutade envers les cancres assumés, le "t'as un bac, option pêche et pétanque, toi, non ?" est devenu une réalité, la garantie de grappiller des points faciles, et de filer illico vers "THE university". Oxford, Cambridge, nous voilàààààààààààààààààààà...

Même si le latin et le grec continuent de payer davantage (histoire de conserver les apparences d'une culture sauve), les options offertes à l'aspirant bachelier peuvent laisser pantois : en dehors des langues régionales, vous pourrez toujours tenter la pelote basque ou le "gouren", la lutte bretonne. Oui, oui, pas la peine de hausser un sourcil étonné, cette enquête est tout ce qu'il y a de plus sérieux. Demandez à l'Education Nationale si vous ne me croyez pas, mécréants.

Les "glisseurs" pourront, version aquatique, opter pour l'option surf, tandis qu'à Grenoble, on gagne des points en pratiquant... le snowboard au bac. Il y a aussi, en vrac, le golf, la pétanque, la pêche à la ligne, le swahili, le chinois, la langue des signes, tandis que ceux qui choisissent l'histoire de l'art, le cinéma, le théâtre, ou la musique passent pour des "ringards" de la pire espèce.

Je rappelle à ceux qui mettraient en doute ma théorie de "la mention, c'est l'option" qu'au baccalauréat, pour l'option, seuls les points supérieurs à 10 entrent en ligne de compte dans le calcul final, et que si vous vous mangez une vague en surf et terminez à bouffer du sable, votre zéro pointé ne sera pas retenu.

Donc, exemple à l'appui, le scientifique qui se prend un 15 sur 20 en snowboard, rafle 10 points de bonus à l'examen. Pas mal. D'autant que vous avez droit à deux options même si sur la deuxième les points ne sont pas multipliés (zut, zut et crotte !).

Certains points de notre enquête demeurent toutefois troubles et méritent une investigation approfondie. À partir de combien de truites chopées obtient-on un 20/20 en pêche à la ligne ? En golf, un swing parfait donne-t-il plus de points ou seuls les 18 trous sont-ils récompensés ? À la pétanque, mieux vaut viser ou pointer pour ramasser un max de points ? (J'imagine le gars qui, un jour, montrera son diplôme à ses petits-enfants : Baccalauréat X, mention pétanque et pêche à la ligne ; Y a pas, ça a autrement plus de gueule qu'une pauvre mentionnette en mathématiques ou en grec ancien !) À quand l'option belote ou tarot ?

Enfin, tout ça pour en arriver à la conclusion, fiston chéri, et fifille adorée, que si vous ne ramenez pas une screugneugneu de mention à votre baccalauréat, que ce soit en pétanque, en snowboard ou en chinois, vous serez collés au pain sec et à l'eau pendant trois semaines. Sans oublier qu'il faudra cesser de parler aux voisins qui vont nous mater en ricanant pendant dix ans, merci !

Signé : votre maman chérie qui a eu sa mention avec des matières nobles (et définitivement ringardes), elle !

Gracianne Hastoy

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