Derrière les rouleaux qui déferlent sur les plages océanes, un nouvel horizon se dessine. Celui d’un littoral où la sécurité ne s’interrompt plus avec les vacances scolaires, où la vigilance se fait permanente, même lorsque l’agitation touristique retombe. Ce tournant, les Landes s’apprêtent à l’incarner pleinement avec un projet unique en Europe, baptisé "Nageurs-sauveteurs à la puissance XL". Porté par le Département des Landes et le Syndicat Mixte de Gestion des Baignades Landaises (SMGBL), ce dispositif ambitieux entrera en action dès le 1er octobre 2025.
Un virage majeur dans la politique de surveillance des zones de baignade du département, à la fois préventif, solidaire et structurant. Sur les 106 kilomètres de côtes landaises et leurs nombreux plans d’eau intérieurs, la marée montante de la fréquentation ne connaît plus de saison. Et face à cette réalité, la réponse ne pouvait qu’être à la hauteur des enjeux.
Montée en vigilance face à une fréquentation toute l’année
Depuis plusieurs années, les plages landaises ont vu leurs saisons s’étirer comme un filet sous tension. Le contexte post-COVID, les effets du réchauffement climatique, l’engouement pour les activités aquatiques douces, ou encore la recherche de sérénité loin des pics touristiques ont contribué à ce glissement progressif. Désormais, la moitié de la fréquentation touristique annuelle se concentre hors été. En 2024, sur les 26,8 millions de touristes recensés, plus d’un tiers fréquentaient les plages avant ou après l’été.
Or, si les vagues et les courants ne prennent jamais de vacances, les moyens de surveillance, eux, restent encore largement dépendants du calendrier estival. La disparité des périodes de surveillance entre communes complexifie la lisibilité des zones sûres pour les usagers. Et dans cette faille temporelle, les risques augmentent. D’autant plus que les plages landaises, avec leur forte houle, leurs baïnes sournoises et leurs courants imprévisibles, figurent parmi les plus dangereuses du littoral français.
Sur la ligne de crête qui sépare l’accident de la prévention, il y a les femmes et les hommes en rouge et jaune. Près de 500 nageurs-sauveteurs sont mobilisés chaque été sur les 58 postes de secours landais. Mais seuls la moitié d’entre eux sont originaires du département, une donnée révélatrice des difficultés d’accès à cette profession pourtant cruciale.
Le projet NSXL entend inverser la tendance. En recrutant 24 agents à temps complet pour 27 mois, avec un statut de contrat de projet, le SMGBL pose les jalons d’un véritable corps de sauveteurs professionnalisés. Ces "soldats de la vague" seront répartis par binôme sur trois zones : nord, centre et sud du département. Leur mission ? Assurer la surveillance, renforcer les actions de prévention, former les jeunes, mais aussi épauler les communes selon les besoins.
Le dispositif inclut la création d’un centre départemental itinérant de sensibilisation. Objectif : faire germer l’idée du sauvetage aquatique dès la maternelle, jusqu’à la formation complète de futurs professionnels. Une réponse directe aux freins identifiés – coût des diplômes, éloignement des centres, manque de logements – pour démocratiser l’accès à ce métier exigeant.
Prévenir pour mieux sauver
La meilleure intervention reste souvent celle que l’on évite. Ce principe fonde une part essentielle du programme NSXL : renforcer la prévention. Désormais, hors saison, des patrouilles de prévention océanes sillonneront les plages, de Biscarrosse à Tarnos, en passant par les lacs de Sanguinet ou Léon. Les 24 NSXL seront également chargés d’interventions pédagogiques dans les écoles et collèges du département. Car on n’apprend jamais trop tôt à respecter la mer.
Des cours de natation en milieu naturel, adaptés aux conditions réelles, seront expérimentés pour sensibiliser les enfants aux dangers des baïnes, des vagues et des courants. Cette approche immersive, loin des lignes bleues d’une piscine, permettra de créer une culture aquatique collective, essentielle à la sécurité durable du littoral.
Avec 69 846 personnes prises en charge par les sauveteurs en 2024, il ne s’agit plus de renforcer un simple service public, mais bien de refonder un rempart citoyen autour de la sécurité aquatique.
Le dispositif NSXL repose aussi sur un principe de solidarité intercommunale. En centralisant le recrutement et en mutualisant les moyens, le SMGBL entend réduire les disparités d’un territoire à l’autre. L’ensemble des plages, océanes comme lacustres, bénéficieront ainsi d’une vigilance renforcée, lisible et coordonnée, au-delà du calendrier estival.
Cette solidarité opérationnelle permettra aussi une meilleure adaptabilité en cas d’aléa : météo capricieuse, événement sportif, forte affluence imprévue. Les NSXL interviendront comme des vigies mobiles, capables de s’adapter au rythme du littoral et de ses usagers.
Un projet pilote
Avec un budget prévisionnel de 2,7 millions d’euros, le Département des Landes s’engage à hauteur de 1,2 million, répartis sur trois exercices budgétaires. Cette enveloppe permettra de stabiliser l’expérimentation jusqu’à fin 2027. Un comité de pilotage, composé d’élus et de techniciens, supervisera son évolution et ses ajustements.
Car le projet NSXL dépasse les frontières départementales. Il incarne un modèle reproductible, susceptible d’inspirer d’autres territoires français confrontés à l’évolution des usages littoraux. Une réponse concrète à une demande de sécurité, d’éducation et de continuité de service public, dans un contexte où les saisons ne suffisent plus à contenir les risques.
Sébastien Soumagnas
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