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ICI, ON PRODUIT LA VIEQuand la maroquinerie fait vivre un atelier, un village, un pays

Chez Erro, le cuir ne se raconte pas seulement en matière et couture. Il se décline en histoire de famille, en savoir-faire préservé et en attachement au territoire.
La famille Devoucoux ont le cuir dans la peau
Erro DR
Cette entreprise artisanale s’inscrit pleinement dans le mouvement inédit que PresseLib’ Pays Basque initie : « ICI, on produit la vie », pour mettre en avant chaque mercredi les femmes et les hommes qui produisent ICI et qui produisent ainsi de la vie ICI...

Dans l’univers d’Erro, le cuir n’est pas seulement une matière : c’est une mémoire. Celle d’une fratrie grandie à Sare, au Pays basque, bercée par les effluves tanniques et les sonorités de l’atelier de sellerie de leur père et oncle, Jean-Michel Devoucoux. Là où d’autres enfants jouaient au ballon, les Devoucoux maniaient déjà les chutes de cuir, observaient les gestes précis des artisans, apprenaient la patience du travail bien fait.

Cette empreinte originelle a façonné un goût commun : celui de la matière noble et du geste juste. En 2018, Mathieu et Damien ouvrent leur atelier de sellerie et maroquinerie. Très vite, leur père Jean-Michel et leur sœur Noémie les rejoignent. Puis vient Benoît, le cousin, et en 2022, la tribu au complet donne naissance à Erro, une marque qui veut incarner un luxe basque, artisanal, durable et profondément humain.

De la sellerie au quotidien

Erro ne se contente pas de fabriquer de beaux objets. La marque transpose dans la maroquinerie les codes de la sellerie équestre : solidité, confort, exigence. « Comme nous avons commencé par l’équitation, nous avons voulu toucher un public plus large avec des objets du quotidien », explique Noémie Devoucoux.

De ce savoir-faire au service des chevaux et de leurs cavaliers, Erro a gardé un sens aigu de l’adaptation des matières au corps et à l’usage. Résultat : des sacs, portefeuilles et pièces de maroquinerie conçus comme de véritables compagnons de vie, pensés pour durer, vieillir et embellir.

Chaque pièce sort de l’atelier familial d’Itxassou, où les artisans selliers-maroquiniers perpétuent des gestes précis. « L’homme est présent à chaque étape. Nous n’avons pas de robotisation. On utilise des machines pour la piqûre ou la coupe, mais tout le reste passe par l’œil humain », insiste la co-gérante.

Outre la sellerie, l'entreprise fabrique de la maroquinerie pour hommes et femmes
Erro DR

Le cuir, matériau central d’Erro, fait l’objet d’une vigilance particulière. Tous proviennent de l’industrie alimentaire et sont transformés dans des tanneries certifiées Leather Working Group (LWG). Aujourd’hui, 60 % sont labellisés Gold, 40 % Silver.

« Une peau n’est jamais un matériau uniforme comme un rouleau de textile », souligne Noémie Devoucoux. « Il faut composer avec ses particularités, ses veines, ses imperfections. Certaines parties peuvent se retrouver à l’intérieur d’une poche, mais pour l’extérieur d’un sac, il faut que ce soit parfait. »

À côté du cuir, Erro intègre aussi du lin 100 % français d’Emanuel Lang, des fils certifiés OEKO-TEX® et GRS venus d’Allemagne, et réfléchit à relocaliser sa bouclerie en Europe d’ici 2025. « Nous sommes transparents depuis le début. Notre atelier est ouvert, les gens peuvent visiter, voir comment et avec quoi nous travaillons. Cela fait partie de notre identité », ajoute-t-elle.

Produire au Pays basque : un choix assumé

Plus qu’un slogan, la fabrication locale est une conviction profonde. « Concrètement, nous fabriquons tout à Itxassou, dans notre atelier. Notre équipe compte quatre maroquiniers, trois femmes et un homme, et nous avons aussi une partie de notre cuir qui vient d’Espelette », détaille Noémie Devoucoux. « Notre but est de faire le maximum ici, dans notre première boutique. On voulait être très forts localement. »

La sellerie, là par où tout a commencé
Erro DR

Cet ancrage dépasse l’atelier. La boutique Erro a été aménagée avec du mobilier conçu par un ébéniste basque, mais aussi grâce à des collaborations avec des maisons emblématiques comme Goicoechea et Alki. « On essaie toujours de faire travailler les entreprises locales quand c’est possible, que ce soit pour le mobilier, les machines, ou même le café avec Kafea », poursuit-elle.

L’entreprise accepte également la monnaie Eusko, un geste symbolique mais fort d’intégration dans l’économie locale.

Produire au Pays basque permet de garder une maîtrise totale de la qualité. « Nous sommes au plus près de notre production et de nos clients. Si un sac a besoin d’une retouche, d’une personnalisation, ou même d’une réparation, nous pouvons le faire immédiatement. Cette proximité, on ne l’aurait pas ailleurs », affirme Noémie Devoucoux.

Mais les défis existent. « La concurrence avec des productions délocalisées, à la main-d’œuvre moins chère, est bien réelle. On se retrouve face à des produits qui peuvent paraître équivalents et coûter moins cher. Et localement, un autre enjeu, c’est la surface des ateliers et le logement des salariés. Trouver un local ou un logement au Pays basque est de plus en plus difficile », constate la co-gérante.

Un luxe sincère et responsable

Dans un marché dominé par des géants mondiaux, Erro trace une route singulière. Pas de volumes industriels ni de course à la mode éphémère : chaque pièce est conçue pour durer. « On met en avant la proximité et l’humain. Quand quelqu’un achète un sac Erro, il achète aussi une histoire, un lien direct avec ceux qui l’ont fabriqué », insiste Noémie Devoucoux.

Erro peut réparer vos sacs
Erro DR

Cette philosophie s’accompagne d’une ouverture vers le territoire. L’entreprise collabore avec RESO Cuir, qui fédère les acteurs de la filière régionale, et travaille ponctuellement pour des projets locaux comme les selles des draisiennes de la marque Ibilki.

L’atelier d’Itxassou emploie aujourd’hui quatre maroquiniers et deux responsables de boutique. « Dans notre prévisionnel, on table sur une croissance qui pourrait nous amener à embaucher deux à trois personnes l’année prochaine », confie Noémie Devoucoux.

Une nouvelle boutique est également prévue. « Nous réfléchissons encore à l’emplacement, mais c’est un projet familial. Nous aimons aussi impliquer nos salariés dans la réflexion, même si la décision finale nous appartient », explique-t-elle.

Valoriser l’économie basque autrement

Erro DR

Pour Noémie Devoucoux, il est important de rappeler qu’au Pays basque, l’économie ne se limite pas au tourisme. « On entend souvent dire qu’il n’y a que ça ici, et c’est terrible. Bien sûr que le tourisme est important, mais il y a beaucoup d’autres secteurs d’activité qui créent de l’emploi. »

« Nous proposons même des visites de notre atelier, et les offices de tourisme viennent nous encourager. Cela prouve qu’il existe une vraie curiosité pour ces savoir-faire », se réjouit-elle.
Et de conclure : « Les jeunes doivent savoir qu’ils n’ont pas besoin de partir pour trouver du travail. Ici aussi, il y a de l’avenir, et pas seulement dans un secteur. »

En deux ans, Erro a déjà trouvé sa place dans le paysage basque. En alliant tradition familiale, savoir-faire artisanal et ancrage territorial, la maison d’Itxassou incarne un luxe sincère et durable, qui dépasse la simple maroquinerie. Chaque sac, chaque pièce, porte en lui un fragment d’histoire : celle d’un territoire qui veut prouver qu’il sait produire, créer et faire rayonner.

Sébastien Soumagnas

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