Non loin de l’établissement thermal actuel de Préchacq-les-Bains, un sentier forestier conduit à un lieu chargé d’histoire : le Trou de Madame. C'est dans la prairie du Sesca, tout près des rives de l’Adour, que cette source chaude jaillit encore, libre et claire, au milieu des herbes hautes. Isolé de toute habitation, le site semble figé dans le temps, comme suspendu entre nature et mémoire.
On y accède par une balade d’environ trois kilomètres depuis le parking du Clos Pité, en suivant une route forestière puis un petit sentier. Peu à peu, à mesure que l’on approche, un parfum singulier se fait sentir. C’est cette odeur de soufre, à la fois âcre et familière, qui signale l’arrivée, celle des sources thermales.
Un joyau thermal né du hasard et du soufre
Le Trou de Madame n’a pas toujours été un simple lieu de promenade. À la fin du XIXᵉ siècle, il fut un véritable établissement thermal. On venait s'y baigner dans les eaux tièdes et sulfureuses qui jaillissaient alors d’un simple trou dans la terre, mêlées à des boues grises réputées bienfaisantes. Les habitants des environs les fréquentaient tels quels, avec la conviction que la nature leur offrait là ses propres remèdes.
Mais à l’aube du XXᵉ siècle, la France thermale vit une véritable effervescence. Partout dans le pays, on capte, on canalise, on bâtit. La source du Trou de Madame n’échappa pas à cet engouement : captée, protégée sous un bâtiment, elle devint rapidement un petit centre thermal à part entière.
En 1922, la source connut son âge d’or. Déplacée de quelques mètres pour aménager le terrain, elle fut dotée d’un hôtel thermal de deux étages. Dix chambres s’alignaient à l’étage, tandis qu’au rez-de-chaussée se trouvaient vestiaire, douches, baignoire, pompe à eau et chaudière. L’eau, naturellement à 30 °C, y était réchauffée pour atteindre les 37 °C nécessaires aux soins.
Ce petit établissement, à taille humaine, attirait curistes et promeneurs venus soigner eczéma et psoriasis, mais aussi goûter à la douceur d’un séjour landais. On raconte qu’on y servait des repas simples, parfumés aux produits du terroir, dans une atmosphère que l'on imagine douce.
L’exploitant de l’époque, Paul Dumartin, avait vu juste : le bien-être était déjà une promesse d’avenir. Pourtant, la Première Guerre mondiale et la concurrence des grandes stations thermales mirent fin à ce rêve local.
La source s’éteint, mais la mémoire reste chaude
Après plusieurs décennies de fonctionnement, la source fut exploitée jusqu’en 1963. La commune finit par racheter le site, souvent menacé par les crues de l’Adour qui venaient saper ses fondations. Les bâtiments, fragilisés, furent démolis dans les années 1970. Seuls subsistent aujourd’hui quelques vestiges, à savoir le bassin maçonné, les pieux de bois, des tuiles rongées par le temps.
Depuis 1998, la source appartient à l’établissement thermal de Préchacq-les-Bains, qui veille sur ce patrimoine fragile. Les curistes et randonneurs s’y rendent encore, non pour y plonger, mais pour admirer l’endroit, écouter le clapotis apaisant de la source.
Pour les promeneurs, le site reste un havre de paix. L’eau, claire et légèrement bleutée, dégage un parfum d’œuf soufré qu’on finit par apprivoiser. Le décor, lui, oscille entre prairie et sous-bois, offrant à chaque saison soit une brume légère sur l’Adour au matin, un éclat doré de la lumière d’automne ou encore le silence profond des après-midi d’été.
Le lieu a gardé quelque chose d’intime, presque confidentiel. Peut-être ce charme d'un bout d’histoire dissimulé dans la nature, un secret bien gardé que seuls les curieux et les amoureux d’authenticité viennent encore visiter.
Vers un renouveau thermal ?
Aujourd’hui, le Trou de Madame suscite un regain d’intérêt. Le projet de valorisation du site, envisagé à l’horizon 2026, vise à redonner vie à ce lieu chargé d’histoire sans trahir son esprit. L’idée serait de créer un espace de découverte alliant mémoire thermale, patrimoine local et nature préservée.
Les thermes de Préchacq-les-Bains, propriétaires du lieu, souhaitent en faire un complément à l’expérience thermale, un écrin pour la détente, la culture et la contemplation. “Ici, tout coule de source : l’histoire, la beauté du paysage, et ce lien presque sacré entre l’homme et l’eau.”
Dans un département où les plages attirent les foules et les forêts s'étendent à l’infini, le Trou de Madame reste un lieu à part, discret et poétique. Il incarne le calme, la curiosité ainsi que la redécouverte du patrimoine rural. On y vient pour se souvenir que dans les Landes le bien-être ne se mesure pas à la température d’un bassin, mais à la chaleur du moment partagé avec la nature.
Sébastien Soumagnas
Le Trou de Madame - Préchacq-les-Bains
Accès : départ du parking du Clos Pité (avenue des Sources, face à l’hôtel-restaurant du même nom).
Balade : environ 3 km aller-retour, sans difficulté majeure (attention terrain glissant par temps humide).
Température de la source : environ 30 °C.
Particularité : odeur soufrée marquée, eau claire non potable.
Accès libre et gratuit toute l’année.
Propriétaire : Thermes de Préchacq-les-Bains (depuis 1998).
Intérêt : vestiges de l’ancien établissement thermal (bassin maçonné, tuiles, fondations visibles).




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