Aujourd’hui zoom sur le pari technologique, mais surtout humain, qui prouve qu’ICI, au Pays basque, on peut réinventer la production industrielle et produire la vie… en grand format.
En 2016, une poignée d’ingénieurs audacieux s’est lancé un défi : créer une entreprise capable de repousser les limites de l’impression 3D. Pas à Paris, pas dans une Silicon Valley lointaine, mais ici, à Bayonne, au cœur du Pays Basque. C’est ainsi qu’est née Lynxter, une société qui illustre parfaitement cette volonté de produire localement, tout en visant globalement.
Dès ses débuts, l’entreprise s’est démarquée en développant la S600D, une machine pionnière dans l’utilisation de plusieurs matériaux sur une même plateforme. Une innovation majeure qui a permis à Lynxter de se tailler une place dans le paysage mondial de la fabrication additive. Mais au-delà de la prouesse technologique, l’aventure raconte surtout la force d’un territoire où l’on ose encore produire.
Produire, c’est vivre : une philosophie en 3D
Dans un monde où les emplois industriels se raréfient, Lynxter a pris le contre-pied des tendances. Ici, on embauche des ingénieurs, des techniciens, des opérateurs qui conçoivent, assemblent, testent et perfectionnent des machines destinées à l’industrie mondiale. Chaque imprimante sortant de l’atelier bayonnais est un concentré de savoir-faire local, de créativité et de persévérance.
« Tout est produit sur place : les imprimantes, les matériaux et les logiciels », insiste Thomas Batigne, co-fondateur et président de Lynxter. « Nous avons un atelier d’assemblage à Bayonne et nous travaillons aussi avec un réseau de sous-traitants pour la tôlerie ou l’usinage. La grande majorité de nos composants viennent d’Europe. »
Après avoir conquis le marché de l’impression d’élastomères avec le modèle S300X – LIQ21 | LIQ11, Lynxter est revenu sur le devant de la scène en lançant la S300X – FIL11 | FIL11, une machine dédiée aux filaments haute performance.
Cette imprimante industrielle IDEX (Impression Double Extrudeur Indépendant) répond aux besoins de secteurs exigeants comme la santé, la défense et le luxe. Avec des vitesses de déplacement atteignant 1000 mm/s, une chambre chauffée à 80 °C et une capacité à imprimer des thermoplastiques de pointe comme le PEKK ou le PA-CF, elle repousse les standards actuels de la fabrication additive.
Mais au-delà des chiffres, il y a une réalité : chaque innovation de Lynxter est conçue ici, testée ici, produite ici, avant de partir équiper des ateliers dans le monde entier. « On génère déjà plus de la moitié de notre chiffre d’affaires à l’international, mais on continue de produire au Pays basque. »
Des machines, mais surtout des femmes et des hommes...
Ce que produit Lynxter, ce ne sont pas uniquement des machines : ce sont des histoires humaines. Celles des ingénieurs qui, sortis des écoles de la région, ont trouvé ici une entreprise à la mesure de leurs ambitions. Celles des techniciens qui, au quotidien, assemblent et perfectionnent des pièces avec une minutie artisanale.
« Aujourd’hui, nous sommes une trentaine de personnes à Bayonne, et nous allons continuer à recruter. Cinq postes supplémentaires devraient s’ouvrir dans les 12 prochains mois. »
Au-delà des emplois directs, Lynxter irrigue tout un tissu économique, notamment un usineur local, et travaille avec des partenaires industriels en Nouvelle-Aquitaine, mais aussi en Bretagne ou à Toulouse.
Produire au Pays basque, un acte de résistance
Les chiffres sont connus : en 1975, l’industrie représentait encore 25% des emplois du territoire ; aujourd’hui, à peine 10%. Dans ce contexte, chaque entreprise qui choisit de produire localement devient une pièce maîtresse d’un puzzle fragile.
Thomas Batigne en est conscient : « Ce n’est pas toujours simple de produire ici. Le tissu industriel n’est pas très dense, et trouver des locaux adaptés est compliqué. Mais malgré ces freins, on prévoit de rester au Pays basque de continuer à y développer et à y produire, on est bien, on est très aligné avec la politique de réindustrialisation et de souveraineté. »
En choisissant Bayonne, Lynxter s’est aussi affranchi d’une dépendance trop forte au secteur aéronautique, très présent à Toulouse. « Être ici, ça nous a donné de la lumière et de la visibilité. On a été très bien accompagnés par la Région et par les partenaires locaux. »
La stratégie de Lynxter ne s’arrête pas aux machines. L’entreprise investit dans de nouveaux matériaux, diversifie son offre, et mise sur un écosystème complet de services et de logiciels.
Thomas Batigne insiste sur la dimension collective : « Nous faisons partie de Pays basque Industrie et nous sommes très impliqués dans la dynamique locale. Par exemple, le projet Iparla sur la revalorisation de déchets plastiques au Pays basque ouvre des perspectives intéressantes pour nous. On pourrait utiliser ces matériaux dans nos propres machines et permettre à nos clients d’en faire autant. C’est une boucle vertueuse, unique en France, et elle est ici. »
Et demain ? « Nous allons continuer à nous développer à l’international, avec des antennes en Europe, aux États-Unis et en Asie. Notre volonté, c’est de produire au Pays basque, de rester alignés avec la politique de réindustrialisation et de souveraineté portée par France 2030. »
Ici, on produit la vie… et le futur
À Bayonne, entre Atlantique et Pyrénées, Lynxter illustre à merveille ce que signifie « produire la vie ». Des machines qui sortent de ses ateliers naîtront des objets capables de soigner, de protéger, d’embellir. Mais au-delà des pièces, c’est une dynamique collective qui s’anime : celle d’un Pays basque producteur, créateur et fier de l’être.
Produire au Pays basque, c’est contribuer à une réindustrialisation responsable et à une souveraineté technologique. Et c’est une aventure humaine que Lynxter continue à écrire, ici.
Sébastien Soumagnas
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