Tout a commencé pendant le confinement. Alors que les rayons de pâtes se vidaient, Quentin Duplantier a pris les choses au pied du plat. « J’habitais déjà au Pays basque, donc ça s’est fait naturellement », raconte-t-il. De son garage d’Arbonne, il imagine un atelier de fabrication artisanale de pâtes fraîches, ancrées dans le territoire, avec un ingrédient secret : la passion du local.
En 2020, Irina Pasta voit le jour. Irina, c’est « farine » en basque, un nom simple, évident, comme un clin d’œil à la matière première et au terroir. Rapidement, le bouche-à-oreille fait son œuvre : ravioles, gnocchis et tagliatelles aux saveurs d’Euskal Herria conquièrent les marchés.
« Les retours des clients ont été immédiats et positifs », se souvient Quentin. « Les gens étaient contents de retrouver des produits de qualité, faits à la main et avec les producteurs du coin. » En quelques années, l’aventure artisanale s’est transformée en entreprise solide, tout en gardant la tête froide et les pieds dans la farine.
De son garage à Bidart
L’histoire d’Irina Pasta est aussi celle d’une montée en puissance maîtrisée. « J’ai commencé dans mon garage à Arbonne, puis à Villefranque, et maintenant on est à Bidart », résume Quentin. Un déménagement dicté par la croissance et par la réalité du foncier local : « Le site précédent ne correspondait plus à nos besoins. Ici, on a enfin un bâtiment adapté à l’agroalimentaire, avec les chambres froides et les normes d’hygiène nécessaires. »
Ce nouveau lieu représente une bouffée d’air et un espace à la hauteur de leurs ambitions. « Pour les trois prochaines années, on devrait être tranquilles », souffle-t-il. Tranquilles, mais pas immobiles : avec cinq salariés et une production annuelle de 70 tonnes, Irina Pasta pétrit l’avenir à pleines mains.
Chaque lot de pâte raconte une histoire : celle d’un territoire, d’une équipe et d’un savoir-faire. Et même si l’entreprise grandit, son fondateur veille à ne jamais se laisser emporter par la machine. « On reste artisans avant tout. On fait tout nous-mêmes, du choix des produits à la fabrication. »
La signature d’Irina, c’est la garniture. Là où d’autres se contentent de recettes convenues, Quentin et ses associés ont choisi d’associer les saveurs du Pays basque à la douceur de la pâte. « Nos recettes sont originales et identitaires », explique-t-il. « Les ravioles, on en trouve partout, mais pas avec du jambon de Bayonne, du fromage de brebis, de la truite de Baïgorri ou de la piperade. »
Ces alliances inattendues font tout le charme d’Irina Pasta : une bouchée raconte un paysage, une culture, une rencontre. Et chaque ingrédient provient du territoire. « On travaille avec des producteurs locaux, parce qu’on veut faire vivre le circuit court et l’économie du pays. » La farine, elle, est bio et française, choisie avec soin. « On ne fait pas de compromis sur la qualité », assure Quentin. Le résultat, c’est une pâte plus ferme, plus goûteuse, et un produit haut de gamme, loin des standards industriels. Ici, on ne court pas après la quantité, mais après la justesse.
Produire local, un défi relevé au quotidien
Fabriquer artisanalement a un prix et Quentin ne s’en cache pas. « Nos coûts sont plus élevés, forcément. Mais on essaie de rester accessibles à une majorité de consommateurs. » Pour y parvenir, l’équipe joue sur la diversité des points de vente : marchés, halles Biltoki d’Anglet, Halle de Biarritz, épiceries fines et désormais grande distribution sous la marque Ona Pasta. « On travaille directement avec les magasins. L’an prochain, on devrait être présents dans tous les Intermarché, et sur une plateforme Leclerc. »
Un bel appétit de développement, sans perdre de vue l’essentiel : la proximité. « Tous nos salariés viennent du Pays basque, et on contribue à la vie locale. Quand un club de foot fait une tombola, ce sont les petites entreprises comme la nôtre qui participent. » Car pour Quentin, produire la vie, c’est aussi nourrir le tissu social. Derrière chaque paquet de ravioles, il y a un emploi, une famille, une dynamique. « Les grands groupes ne feront jamais ça. Nous, on donne du sens à ce qu’on fait, même si c’est dur. »
Le fondateur d’Irina Pasta n’a rien d’un rêveur naïf. Il connaît les écueils de la production artisanale : le coût du foncier, le manque de soutien institutionnel, les marges fragiles. « On n’est pas encore vraiment rentables. Tout coûte cher, et il n’y a pas grand-chose qui aide à ce genre d’aventure. » Il dénonce aussi une forme d’injustice économique : « On subventionne des startups qui ne produisent rien de concret, pendant que des entreprises comme la nôtre doivent se débrouiller seules. »
Pourtant, pas question de baisser les bras. « On continue, parce qu’on y croit. On fait ça par passion, pas pour la fortune. » Et cette passion, elle se voit. Chaque jour, dans l’atelier de Bidart, la pâte tourne, les machines ronronnent et les idées mijotent. L’équipe façonne les tagliatelles du futur, avec la même exigence qu’au premier jour. « Notre plus belle récompense, c’est de savoir que nos produits sont mangés ici, par nos voisins, nos enfants, nos amis. »
Une philosophie de la pâte
Chez Irina, la pâte ne se contente pas de nourrir : elle relie. Elle tisse un lien entre producteurs, artisans et consommateurs. Une filière courte, solide et goûteuse. « Ce qu’on fabrique, ce n’est pas juste des pâtes, c’est un peu de notre territoire », résume Quentin. « On est la première entreprise du Pays basque à faire de la pâte artisanale, et on veut montrer que c’est possible, même ici. »
Mais cette réussite repose sur une conviction : sans infrastructures adaptées, la production locale restera fragile. « Il faudrait que les collectivités libèrent du terrain et développent un vrai parc foncier artisanal. Aujourd’hui, la spéculation empêche les jeunes entrepreneurs de s’installer. »
Un appel du pied que beaucoup partagent dans le monde de l’agroalimentaire. Car produire localement, c’est un combat de tous les jours : contre la pression immobilière, contre la standardisation, contre la déconnexion entre prix et valeur. Mais c’est aussi, et surtout, une fierté.
La production, pour lui, n’est pas qu’une affaire d’usine : c’est une histoire de vie. Celle d’un homme qui a su transformer un simple plat de pâtes en levier économique et social. Une preuve, s’il en fallait, que la pâte basque ne manque pas de nerf. Quand on lui demande ce que signifie pour lui l’expression “produire la vie”, Quentin marque une pause. Puis sourit : « C’est exactement ce qu’on fait. On crée de l’emploi durable, on travaille avec les producteurs du coin, on fait circuler l’énergie locale. »
Produire la vie, ici, c’est transformer de la farine et des œufs en projet collectif. C’est l’idée simple qu’une pâte bien faite peut faire beaucoup : nourrir, relier, et donner envie de rester.
Sébastien Soumagnas
Irina Pasta - Repères
Année de création : 2020
Lieu : Bidart (anciennement Villefranque, puis Arbonne)
Fondateur : Quentin Duplantier
Salariés : 5
Production : 70 tonnes de pâtes/an
Produits : ravioles, gnocchis, tagliatelles artisanales
Points de vente : Halles Biltoki (Anglet), Halle de Biarritz, épiceries fines, grande distribution (Ona Pasta)
Partenariats locaux : producteurs de Baïgorri, Oso-Irati, etc.
Philosophie : produire localement, valoriser le terroir et créer des emplois durables au Pays basque.
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