Produire au Pays basque, c’est plus qu’une activité économique : c’est un acte de résistance, de transmission et d’avenir. Depuis des siècles, ce territoire forge son identité autour de savoir-faire uniques, enracinés dans la terre comme dans la mer. On pense aux brebis de la Soule, aux piments d’Espelette, aux ateliers de mécanique de la côte, ou encore aux charcuteries et fromageries des vallées. Mais une nouvelle voie s’ouvre aujourd’hui : celle des algues.
Longtemps perçues comme un simple tapis marin ou un ingrédient réservé aux gastronomies lointaines, elles trouvent désormais leur place dans nos assiettes, grâce à des pionniers. C’est le cas de Corentin Notte, fondateur d’Itsalga, une jeune entreprise basque née d’une conviction simple : l’océan peut nourrir le Pays basque tout en lui offrant une nouvelle dynamique économique.
Le pari d’une nouvelle vague alimentaire
Son pari ? Faire entrer les algues dans notre quotidien, non pas comme une curiosité exotique, mais comme un ingrédient familier, intégré à des recettes populaires et accessibles. De ses ateliers sortent déjà un taboulé iodé, des galettes de pommes de terre aux algues et des sticks panés à base de pommes de terre et d’algues. Trois recettes simples, locales et savoureuses, conçues pour donner envie à chacun d’adopter ce trésor marin.
Mais Itsalga, c’est bien plus qu’un projet culinaire. C’est une vision : produire propre, produire durable, produire ici. Les algues poussent sans eau douce, sans engrais, sans pesticide, et contribuent à absorber du CO₂ tout en filtrant l’eau. C’est donc une ressource à la fois environnementale, nutritionnelle et gastronomique.
Derrière cette aventure, il y a aussi un message fort : la production locale est la clé pour maintenir la vie dans nos villages, dans nos quartiers, dans nos territoires. Chaque taboulé vendu, chaque galette produite, c’est un peu de Pays basque qui se perpétue, dans l’assiette comme dans l’économie. C’est dans cet esprit que s’inscrit la rubrique « Ici, on produit la vie », qui met en lumière celles et ceux qui, par leur travail, entretiennent ce fil vital entre identité, emploi et avenir. Avec Itsalga, Corentin Notte illustre parfaitement cette ambition. Nous l'avons rencontré...
Questions à Corentin Notte, fondateur d’Itsalga
Pourquoi avoir choisi le Pays basque pour lancer Itsalga ?
Corentin Notte : C’était presque une évidence. D’abord pour une raison très simple : j’habite ici et j’ai un vrai attachement à ce territoire. Le Pays basque possède une richesse culinaire et une identité fortes, nourries à la fois par la terre et l’océan. Itsalga, c’est justement cette rencontre entre ces deux univers. J’ai voulu innover ici, dans un environnement déjà très dynamique en agroalimentaire, où de belles entreprises existent dans le fromage, la charcuterie ou d’autres filières. Monter mon projet au Pays basque, c’était aussi ma façon d’apporter une petite pierre au développement économique local.
Quel rôle joue ce territoire dans votre projet culinaire ?
C. N. - Le Pays basque est pour moi une véritable source d’inspiration. On y trouve une tradition gastronomique extrêmement marquée, et Itsalga apporte une touche d’innovation à cet héritage. C’est cette alliance entre recettes traditionnelles et création culinaire qui fait sens. Nous nous inscrivons naturellement dans ce paysage, en essayant de marier authenticité et nouveauté.
Quels savoir-faire locaux valorisez-vous ?
C. N. - Nous avons été accompagnés dès le départ par l’Institut technologique agroalimentaire du Pays basque Jean Errecart, à Saint-Palais, qui nous a aidés à mettre au point et industrialiser nos recettes. C’était un soutien essentiel. Ensuite, nous travaillons avec des producteurs régionaux : algues de l’île d’Oléron, pommes de terre du Lot-et-Garonne, piment d’Espelette, sel de Salies-de-Béarn… Nos premiers distributeurs ont aussi été des enseignes locales au Pays basque et dans les Landes, ce qui nous a offert une belle visibilité avant de nous ouvrir à Bordeaux. Enfin, côté logistique, nous collaborons avec TDS, basé à Mouguerre.
Comment sélectionnez-vous vos fournisseurs ?
C. N. - Notre premier critère, c’est le local. Quand c’est possible, nous privilégions les producteurs basques ou régionaux, nos recettes en témoignent. Quand ce n’est pas faisable, nous élargissons à l’échelle française, puis européenne si nécessaire. Ensuite vient la qualité du produit, car elle est au cœur de nos recettes.
Combien de personnes travaillent aujourd’hui chez Itsalga ?
C. N. - Nous sommes deux : Argitxu, qui s’occupe de la production et moi. Mais avec l’ouverture de notre futur outil de production, nous allons devoir recruter. L’idée est de structurer à la fois la production et les fonctions administratives, pour gérer les commandes, la facturation, et tout le suivi logistique. De mon côté, je resterai impliqué sur la création de recettes qui me tient vraiment à cœur et la partie commerciale.
Quelles qualités recherchez-vous chez vos futurs collaborateurs ?
C. N. - Au-delà des compétences techniques, l’humain est primordial. Nous sommes une petite structure et passons beaucoup de temps ensemble. J’ai envie que l’entreprise garde cette dimension familiale et bienveillante, même quand nous serons cinq ou six. Pour moi, Itsalga doit rester avant tout une aventure humaine.
Votre futur outil de production au Pays basque sera une étape clé. En quoi ce projet dépasse-t-il l’aspect industriel ?
C. N. - C’est un vrai défi. Et pour le relever, je travaille à m’associer d’ici la fin de l’année afin de renforcer nos fonds et bâtir une base plus solide. Mais au-delà, cet outil de production, c’est aussi un moyen de créer de l’activité ici : plus d’emplois, plus de partenariats, et un ancrage local renforcé.
En quoi Itsalga contribue-t-elle à « produire la vie » au Pays basque ?
C. N. - Aujourd’hui, notre impact est encore modeste, mais il va grandir. Dès la mi-2026, avec notre outil de production, nous allons évoluer, recruter, créer de l’emploi, donner une visibilité nationale à une marque basque : c’est ça, « produire la vie ». Pour moi, ce sera une vraie réussite le jour où Itsalga rayonnera en France tout en mettant en avant l’identité basque.
Où voyez-vous Itsalga dans cinq ans ?
C. N. - Je nous vois bien ancrés dans le Sud-Ouest, avec une forte implantation régionale, et déjà présents au niveau national. Dans cinq ans, nos produits devront être accessibles dans toutes les enseignes françaises. Même si l’Alsace est loin de nous, j’espère qu’on y trouvera aussi nos recettes ! Dans 5 ans, on aura un joli développement en France.
Qu’attendez-vous des institutions et réseaux pour développer la production au Pays basque ?
C. N. - Déjà, je dois dire que nous avons été très bien accompagnés par la CCI de Bayonne et par d’autres structures comme Bultza ou la Banque Populaire. Les dispositifs régionaux existent, notamment pour l’investissement matériel, ce qui est essentiel dans notre secteur. Monter une entreprise de production demande des moyens bien plus importants qu’une start-up de services. Bien sûr, ce n’est jamais simple, surtout en période d’incertitudes budgétaires, mais le soutien est là.
À votre échelle, comment pensez-vous renforcer encore les liens avec le territoire ?
C. N. - Nous voulons développer nos partenariats avec les collectivités. Avec l’obligation d’un repas végétarien par semaine dans les cantines scolaires qui vient d'être mis en place, nous avons une vraie carte à jouer. Dès 2026, nous proposerons nos recettes aux écoles et aux collectivités. Ce sera une manière d’allier innovation alimentaire, ancrage local et utilité sociale.
Produire, c’est aussi transmettre
À travers les mots de Corentin Notte, on comprend que l’ambition d’Itsalga dépasse largement la seule création d’une gamme alimentaire. Demain, avec son futur outil de production, Itsalga pourra approvisionner plusieurs dizaines de magasins chaque semaine, tout en recrutant de nouveaux collaborateurs. À travers cette montée en puissance, c’est toute une dynamique qui se dessine : celle d’un Pays basque qui retrouve sa vocation productive.
Car la réalité est là : en quelques décennies, les emplois industriels ont chuté de 25 % à 10 % dans la région, tandis que le monde agricole connaît une baisse spectaculaire du nombre de fermes. La production locale, qu’elle soit agricole, artisanale ou industrielle, est donc un enjeu vital pour la survie et l’équilibre du territoire. Sans production, pas de vie.
Itsalga, par son originalité et son ancrage, illustre qu’il existe encore des marges d’innovation pour redonner souffle à cette économie de production. L’algue devient alors un symbole : une ressource humble mais porteuse d’avenir, qui rappelle que l’océan, tout comme la montagne, fait partie intégrante de notre identité basque.
En valorisant les algues, Itsalga ne se contente pas de proposer de nouvelles recettes : l’entreprise invente une nouvelle culture culinaire, à l’image de ce qui existe déjà en Asie. Une révolution douce, enracinée ici, mais tournée vers le monde. Dans cinq ans, Corentin Notte espère voir ses produits présents dans toutes les enseignes françaises. Et à travers eux, c’est le Pays basque qui rayonnera.
Sébastien Soumagnas
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Un défi majeur à relever ensemble…
Plus nombreux qu’on ne le pense, ceux qui produisent au Pays Basque montrent la voie. On pense souvent à quelques fleurons industriels, à des grands groupes, mais une multitude de femmes et d’hommes font partie de l’aventure production, avec des structures de toutes tailles. Les petits ruisseaux font les grandes rivières.
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