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    ARTUne peinture de Monet lance la révolution

    Philippe et Marie-José Bouscayrol vous apportent quelques minutes de divertissement à travers des anecdotes et épisodes de l’histoire de l’art…
    BOUSCAYROL MONET 1
    Initialement intitulée « Vue du Havre », la peinture « Impression, soleil levant », signée Claude Monet 72, représente un soleil hivernal sur l’avant-port du Havre, ville où a grandi le peintre. Il en parlait comme d'une « chose » peinte depuis sa fenêtre.

    Exemple d'une séance du jury - peinture de Gervex

    Comment quelques mois plus tard ce petit tableau a t-il contribué à révolutionner l'esthétique picturale ?

Cette révolution est née d'une révolte. Celle d'artistes lassés de se voir refuser l'accès au Salon. LE Salon. Vitrine d'un art officiel, il est l'héritage suranné de l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture, fondée en 1648 pour défendre une esthétique basée sur les canons classiques de l’Antiquité et l’imitation des Anciens et dont l'exposition ouverte au public était réservée aux seuls académiciens.

    Pour l'anecdote, l'exposition prendra le nom de Salon en 1725, date à partir de laquelle elle s'est tenue dans le Salon carré du Louvre...

    [caption id="attachment_120945" align="alignleft" width="317"] Le déjeuner sur l'herbe, 1863 - Edouard Manet - 
musée d'Orsay, Paris[/caption]

    Deux siècles et une Révolution Française plus tard, l'Académie a été dissoute mais le Salon a survécu. Désormais ouvert à tous les artistes, il croule sous les candidatures et la sélection faite par le jury est de plus en plus contestée. Au point que, en 1863, Napoléon III apporte son soutien au Salon des Refusés qui entre dans l’histoire par le scandale que provoque la première présentation du « Déjeuner sur l’herbe » d'Edouard Manet.

    Voilà pour le contexte historique.

    [caption id="attachment_120946" align="alignright" width="191"] Couverture du catalogue de 1874[/caption]

    Revenons au tableau de Monet. Nous sommes en 1874 et la toute jeune Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs et graveurs, créée quelques mois plus tôt, organise la première exposition de ses membres dans l’atelier du photographe Nadar, boulevard des Capucines à Paris. 

Qui trouve-t-on dans cette nouvelle Société d'artistes ? Monet, Renoir, Sisley, Pissarro, Eugène Boudin, Berthe Morisot, Degas, Cézanne… une trentaine d'artistes en tout dont bon nombre voient leurs oeuvres refusées au Salon.

    C’est à cette occasion que le titre de la peinture « Vue du Havre » devient « Impression, soleil levant ».

En 1897, Monet en donnera l’explication : « J’avais envoyé une chose faite au Havre, de ma fenêtre, du soleil dans la buée et au premier plan quelques mâts de navire pointant… On me demande le titre pour le catalogue, ça ne pouvait vraiment pas passer pour une vue du Havre. Je répondis : mettez Impression ». Soleil levant est ajouté par Edmond Renoir, frère d’Auguste Renoir et journaliste chargé de la réalisation du catalogue de l’exposition.

    [caption id="attachment_120947" align="alignleft" width="314"] Caricature de l'exposition de 1874 par CHAM, journal Le Charivari[/caption]

    L'exposition s'inscrit donc dans ce lent mouvement d'émancipation d'une tradition et de codes dans lesquels une génération de peintres ne se reconnaît pas. Elle bouscule les acquis et les habitudes, suscitant interrogation et défiance. Elle reçoit quelque 3.000 visiteurs, soit bien moins que le Salon, et les critiques d'art livrent dans les journaux... leurs impressions.

    Le critique Louis Leroy envoyé par le journal satirique Le Charivari, titre d'emblée son article « l'Exposition des impressionnistes » jetant dans ce terme son souverain mépris pour une manifestation qui ne lui inspire que des commentaires d'une ironie mordante.
Extrait : « Impression, j'en étais sûr. Je me disais aussi, puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l'impression là-dedans… »

    Ainsi, venu d'une critique acerbe, l'exposition se trouve un nom et les artistes une référence qui couvre la diversité de leurs démarches tendues vers une même libération de leur art. D'autres « exposition des impressionnistes » se tiendront, bon an mal an, pendant une dizaine d'années.

Une révolution est en marche d'où naîtra l'Impressionnisme.

    [caption id="attachment_120948" align="alignright" width="300"] Claude Monet, peignant à l’orée du bois - huile sur toile circa 1885 - John Singer Sargent
Tate Britain Londres[/caption]

    Les peintres s'éloignent de la représentation des grandes scènes d'histoire ou des portraits pour s'attacher à l'expression de leurs émotions. Ils sortent de l'atelier pour planter leur chevalet en plein air, dans la nature. Ils peignent directement, sur le motif, en se laissant porter par l'émotion, la beauté de l'instant.

    Leur technique change, ils utilisent des couleurs plus vives posées par petites touches pour traduire au mieux la légèreté des impressions, la fugacité de la lumière saisie. D'où cette illusion d'inachevé, d'imperfection qui perturbait les premiers témoins de ce mouvement.

    Qu'advint-il du tableau Impression, soleil levant ? Il fut acheté à l'exposition par Ernest Hoschedé, commerçant et collectionneur, pour 800 francs, à rapprocher du prix moyen de 1000 à 1500 francs pour un tableau au Salon. Quatre ans plus tard, suite à la faillite de Hoschedé, il est mis en vente à 210 francs et aussitôt acquis par Georges de Bellio, médecin et amateur de la peinture de Monet. En 1894, il lègue le tableau à sa fille unique Victorine mariée à Eugène Donop de Monchy. 

Mais curieusement, jamais le tableau ne suscite d'engouement particulier tandis que ses différents propriétaires le considèrent comme exceptionnel. Au début des années 1940, le couple Donop de Monchy fait don de nombreuses oeuvres au jeune musée Marmottan ouvert en 1938. où acheter de l'ivermectine en ligne ? Prix en pharmacie en ligne sans ordonnance. Continuer la lecture En accueillant un ensemble de peintures de Monet dont Impression, soleil levant le musée marque ainsi la reconnaissance officielle du mouvement impressionniste.

    En 1947, la publication par l'américain John Rewald de "La grande histoire de l'impressionnisme" impose définitivement le célèbre tableau et sa charge symbolique héritée du fameux titre de Louis Leroy, comme l'icône du mouvement.

    Informations sur la Galerie Bouscayrol – cliquez ici

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