Parmi les premiers à réagir, le Cifog, Comité interprofessionnel français du foie gras, a regretté que « au pays des libertés, on en arrive à interdire la commercialisation d’un produit inscrit au patrimoine gastronomique et culturel et ce, sous la pression de quelques anti… ». Tout en rappelant que cette mesure ne touchait pas les producteurs français (70% de la production mondiale) qui n’exportent quasiment pas aux Etats-Unis.
De son côté, l’Association gersoise pour la promotion du foie gras a décidé d’apporter son soutien sans réserve au combat mené par Ariane Daguin Outre-Atlantique. Elle a insisté en s’élevant contre ceux qui veulent faire croire qu’un canard a la même morphologie qu’un humain, et en rappelant que « seul un palmipède en bonne santé et sans maltraitance peut donner un bon foie gras ».
Quant à Ariane Daguin, la fille du célèbre chef gersois André Daguin, installée aux Etats-Unis depuis plus de 30 ans, elle est directement concernée par cette mesure. Elle nous a donné son point de vue.
Comment avez-vous pris cette décision ?
Ariane Daguin – Je suis très en colère. Cette décision est absurde parce qu’elle ne veut pas prendre en compte la spécificité du canard qui permet de procéder au gavage sans stress ni douleur. Ce qui est d’ailleurs une condition fondamentale pour produire du bon foie gras. Comme l’a souligné Daniel Guéméné, chercheur à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), faire du foie gras revient à reproduire un phénomène physiologique naturel. Un canard avant la migration se gave naturellement afin de stocker de nombreuses calories dans le foie ; après la migration, ce dernier revient à l’état normal. De plus, son œsophage est insensible, ce qui lui permet par exemple d’avaler un poisson entier avant de le digérer au calme. Un canard n’est pas un homme.
A. D. - C’est un choix purement politique dicté par des conseillers municipaux influencés par des associations de défense des droits des animaux qui ont financé leur campagne électorale. Dès le départ, le résultat était connu. Nous n’avons pu nous exprimer officiellement que 3 fois 2 minutes, quand les anti foie gras ont bénéficié d’une demi-heure de temps de parole. Nous avons invité tous les conseillers à venir visiter les fermes proches de New York. Aucun n’est venu. Depuis, une dizaine d’années, chaque fois que le débat a été ouvert localement, les élus accompagnés de vétérinaires se sont déplacés et ils ont chaque fois été convaincus par le respect des animaux dans les élevages. Cette fois-ci, le lobby animaliste a été plus puissant, grâce aux dollars de quelques vedettes américaines qui veulent imposer le végétarisme.
A. D. - Avec les fermiers et les restaurateurs, nous allons nous battre pour attaquer en justice cette décision, qui n’a pas encore été ratifiée par le maire de New York, Bill de Blasio. D’abord, parce que nous considérons que cette décision est inconstitutionnelle : il n’est pas normal qu’un conseil municipal légifère en la matière. Ensuite, parce qu’elle résulte d’un financement politique par des activistes qui ont choisi de s’attaquer à une filière modeste plutôt qu’aux géants de l’élevage et de l’agroalimentaire. Tout le monde a bien compris qu’après le foie gras, ils s’attaqueront au veau, à la pêche à la ligne, etc. Heureusement, nous avons avec nous une bonne partie de la population qui n’est pas dupe et qui reste particulièrement attachée aux libertés individuelles. On va gagner, comme à Chicago.
Quelles conséquences pour vous ?
A. D. - Dans l’entreprise que j’ai créé, il y aune trentaine d’années à New York, D’Artagnan, le foie gras représente 10% de l’activité, soit un chiffre d’affaires annuel de 15 millions de dollars. C’est potentiellement un gros coup dur pour nous et nos 300 collaborateurs. Mais, ce sont surtout les fermiers installés aux Etats-Unis et au Québec qui se retrouveront en grande difficulté. En attendant, le tapage médiatique autour de cette décision a fait grimper les ventes de 20%. Et à Noël, nous devrions battre tous les records. C’est un signe très positif.
A savoir…
Comme les oiseaux sauvages avant la migration, les palmipèdes gras ont une tendance spontanée à se suralimenter afin de constituer des réserves importantes. Pour pouvoir parcourir de grandes distances (jusqu’ à 10.000 km), il leur faut de l’énergie. La synthèse des lipides se fait dans le foie, avec l’accumulation de la graisse. Selon Daniel Guéméné, chercheur à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), « la stéatose hépatique est un phénomène naturel, une réponse physiologique normale à une activité boulimique intense. D'ailleurs, des chasseurs ont rapporté des cas d'oies ou de canards sauvages présentant des foies gras ».
La phase de gavage est une étape très courte dans la vie du canard. Sur un cycle d’environ 105 jours, cette période ne représente que 10 à 14 jours (soit 10 à 13%), à raison de 2 à 3 repas plus abondants chaque jour. Le gavage lui-même ne dure qu’une dizaine de secondes. Il consiste à déposer délicatement dans le jabot du canard ou de l’oie un mélange d’eau et de maïs entier ou broyé. Pour cela l’éleveur utilise un tube lisse, appelé embuc, qui évite toute blessure de l’animal. Il procède de manière à éviter tout stress au canard, ce qui est absolument indispensable pour obtenir un foie gras de qualité.
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