Derrière ses portes se cache une histoire riche, tissée sur plus d'un siècle, mêlant la mémoire des pasteurs pyrénéens à la passion d'une famille dévouée, les Pando.
Reconnue par le prestigieux label d'État "Entreprise du Patrimoine Vivant" (EPV), la maison incarne l'excellence d'un artisanat authentique, résistant aux vents du temps comme ses célèbres créations résistent aux bourrasques montagnardes.
L'histoire de ce lieu emblématique prend racine en 1896, lorsque la famille Capel fonde à Pau une fabrique spécialisée dans un accessoire alors indispensable aux hommes des montagnes : le parapluie de berger.
À cette époque, les bergers basques et béarnais, notamment ceux de la vallée d’Ossau, rythmaient leur vie par la transhumance. Leurs haltes à Pau, où ils parquaient leurs troupeaux sur l'actuelle place de Verdun, étaient l'occasion de s'équiper.
Ils venaient acheter, faire réparer ou remplacer la toile de leur parapluie, un compagnon fidèle qu'ils gardaient souvent toute une vie. Bien plus qu'un simple abri contre les intempéries, cet objet robuste était un outil essentiel, protégeant du soleil ardent comme des pluies battantes, et conçu pour offrir une certaine sécurité face aux orages fréquents en montagne.
La Seconde Guerre mondiale marque cependant une rupture, entraînant la fermeture des ateliers Capel. Le savoir-faire unique risquait de disparaître, mais c'était sans compter sur la détermination d'Hervé Pando.
Animé par le désir de préserver cette tradition, il relance la fabrication après-guerre, en respectant scrupuleusement les méthodes et les caractéristiques du modèle originel.
Christophe Pando, l’actuel gérant, a rejoint son père Hervé, en 1986, alors qu’il n’avait que 17 ans. « Je suis né dans ce monde. J’étais un peu touche à tout et bricoleur. J’ai passé mon enfance dans l’atelier, et mon père m’a transmis sa passion. Dès que j’ai pu, j’ai intégré l’entreprise », raconte l’actuel gérant de 56 ans.
Depuis quelques temps, il travaille aux côtés de son propre fils, Théo, lui transmettant son savoir-faire. Le fameux parapluie de berger, souvent affectueusement surnommé "Pando", sans doute en hommage à celui qui l'a sauvé de l'oubli, n'est pas un parapluie ordinaire.
Pour les bergers d'autrefois et d'aujourd'hui, il est un compagnon indispensable. Il protège bien sûr de la pluie et du soleil, mais sa conception robuste et son large diamètre (environ 1,30 m à 1,35 m pour le modèle homme) en font aussi un excellent coupe-vent et même une sorte de cabane de fortune pour la sieste ou le repas au milieu des pâturages. Certains anciens le considéraient comme un véritable "couteau suisse", un outil polyvalent adapté à la vie en extérieur.
Des parapluies fabriqués à la main avec passion
Chaque choix est une réponse directe aux contraintes et aux besoins spécifiques de la vie pastorale dans les Pyrénées. C'est cette adéquation parfaite, née d'un savoir empirique transmis et affiné, qui explique sa longévité, sa robustesse légendaire et son statut d'objet emblématique.
Le mât et le pommeau sont taillés dans du bois de hêtre. Le pommeau rond caractéristique n'est pas qu'esthétique : il permet au berger de caler le parapluie sur l'épaule ou dans la poche de sa veste, gardant ainsi les mains libres pour conduire le troupeau ou se réchauffer dans ses poches par temps froid.
La structure du produit repose traditionnellement sur neuf baleines, gage de résistance au vent. Initialement en fanon de baleine, elles sont aujourd'hui fabriquées en rotin, jonc ou bois. La préparation de ces baleines, coupées à la bonne dimension depuis de longues tiges de rotin, est une étape clé dans la fabrication du Pando.
De plus, la toile est réalisée en coton à double tissage et est traitée pour résister à la pluie comme au soleil grâce à une résine naturelle de pin. La couleur traditionnelle dans le Béarn est le bleu, mais d'autres teintes existent, comme le noir pour le Pays basque ou le rouge pour les Alpes.
Enfin, les quelques parties métalliques nécessaires, comme la bague maintenant les baleines, sont en laiton, un matériau résistant à la rouille.
La fabrication est entièrement manuelle, un ballet artisanal précis qui demande entre trois et quatre heures et demie de travail par pièce.
Les gestes sont précis, répétés à l'identique, de la préparation minutieuse des baleines à la découpe et la couture de la toile – Théo Pando utilisant même les ciseaux qui furent les premiers de son grand-père Hervé – jusqu'à l'assemblage final et la pose, non sans fierté, de l'étiquette "Fabrication artisanale" et "Made in France".
Une des caractéristiques les plus remarquables de ces parapluies est leur capacité à ne pas se retourner, même face à des vents violents, grâce à leur structure spécifique à neuf baleines.
Si le parapluie de berger est la pièce maîtresse, l'atelier fabrique également des parapluies plus classiques et propose un service essentiel : la réparation et la restauration. Cette offre permet non seulement de prolonger la vie de ces objets de valeur, mais aussi de les transmettre aux générations futures.
Noémie Besnard
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