Abonnez-vous
Publié le Mis à jour le

Airbus confirme sa réduction de voilure

Les suppressions de postes ont été confirmées par l’avionneur européen de Toulouse. Ici, c’est toute la filière qui retient son souffle avec ses 1.200 entreprises et 159.000 emplois…
AIRBUS GAMME
Ce mardi 30 juin, la mauvaise nouvelle tant redoutée est tombée officiellement : l’avionneur prévoit de supprimer 15.000 postes dans le monde avant l’été 2021, dont 5.000 rien qu’en France.

Le mois dernier, les annonces de ce genre se sont multipliées dans la filière aéronautique. En Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine, on craint les effets des réductions de cadence des donneurs d’ordres sur le large réseau de sous-traitants.

C’était dans l’air du temps, et malgré l’annonce du plan de soutien de l’État à la filière aéronautique, Airbus a indiqué ce mardi que « pour préserver l’avenir de la société », il faudrait en passer par une réduction « d’environ 15.000 postes » dans le monde, et ce avant l’été 2021. Des accords devraient être signés d’ici l’automne avec les partenaires sociaux.

La crise sanitaire a contraint l’entreprise à « redimensionner son activité dans les avions commerciaux », laquelle aurait chuté de 40% ces 3 à 4 derniers mois. On rappelle que l’avionneur emploie 136.000 personnes dans le monde, dont 90.000 sur ce segment-clé de l’aviation commerciale. En gros, plus d’un salarié sur 10 est appelé à quitter le navire, à peu près comme chez le concurrent Boeing, qui avait quant à lui annoncé la suppression de 16.000 postes.

« Airbus est reconnaissant du soutien gouvernemental qui a permis à la société de limiter ces nécessaires mesures d'adaptation. Cependant, le trafic aérien ne devant pas retrouver son niveau d'avant la crise avant 2023 et potentiellement avant 2025, Airbus doit désormais prendre des mesures supplémentaires pour s’aligner sur les perspectives industrielles de l’après Covid-19 », s’est justifiée l’entreprise.

40% d’activité en moins jusqu’en 2022…

Sur ces 15.000 suppressions de postes, 5.000 concernent la France (sur 49.000 salariés), 900 l’Espagne, 5.100 l’Allemagne, 1.700 le Royaume-Uni et 1.300 le reste du monde. Les filiales Stelia Aerospace, en France, et Premium Aerotec, en Allemagne, sont également concernées. Airbus déclare faire le maximum pour éviter les licenciements secs, espérant avant tout recourir aux départs volontaires, aux retraites anticipées, au gel des embauches, à la fin des CDD et au régime de chômage partiel de longue durée. Le détail des suppressions de postes en France devait être évoqué ce jeudi.

« Airbus fait face à la crise la plus grave que le secteur ait jamais connue », a déclaré le PDG Guillaume Faury. De fait, le dernier plan de cette envergure remonte à 2007, lorsqu’il avait été prévu de supprimer une dizaine de milliers de postes en 4 ans. « Les mesures que nous avons prises jusqu'à présent nous ont permis d'absorber le choc initial de cette pandémie mondiale. Maintenant, nous devons nous assurer que nous pouvons soutenir notre entreprise et sortir de la crise en tant que leader mondial de l'aérospatiale en bonne santé, en nous adaptant aux défis majeurs de nos clients », a ajouté le dirigeant.

Ce dernier a cependant indiqué à nos confrères de La Dépêche que les mesures de l’État pouvaient permettre de limiter la casse. En France, 1.000 postes pourraient être sauvés via le dispositif de chômage partiel de longue durée, et environ 500 grâce aux mesures de soutien à la R&D de la filière. Guillaume Faury a également estimé que sans le plan annoncé le mois dernier par le gouvernement, l’addition aurait pu être plus lourde avec 30 à 35.000 suppressions de postes… Le dirigeant table sur une baisse d’activité de 40% pour les deux prochaines années.

On rappelle que l’avionneur n’a livré que 14 appareils en avril et 24 en mai (contre plus de 80 en mai 2019). Avec une baisse de 55% du trafic aérien, l’activité de la filière serait revenue à son niveau… de 2005. Guillaume Faury a aussi précisé que le projet de nouvelle ligne d’assemblage toulousaine pour l’A321 n’était pas remis en cause, mais simplement mis en stand-by jusqu’à ce qu’un retour à la normale le rende de nouveau nécessaire.

Du côté du ministère du travail, Bruno Le Maire a jugé le nombre de suppressions de postes envisagé excessif compte tenu des dispositifs en place. La seule bonne nouvelle, c’est que l’avionneur n’aurait pas encore enregistré d’annulations de commandes notables, ce qui laisse tout de même une petite lueur d’espoir dans la grisaille.

Quel impact sur la filière ?

Évidemment, cette annonce dépasse largement le seul cadre d’Airbus. En aval de la filière, les compagnies sont à la dérive. Air France prévoit 7.500 suppressions de postes avant la fin 2022 (plus de 6.500 côté Air France et 1.000 chez Hop!). C’est d’abord la situation des compagnies aériennes telles qu’Air France qui dicte les choix de l’avionneur… et de ses fournisseurs.

Outre Airbus et Safran, un autre donneur d’ordres et équipementier important vient d’annoncer d’inquiétantes nouvelles. Daher, qui aurait déjà supprimé 1.700 emplois d’intérimaires et 400 postes à l’étranger, espèrerait limiter ses réductions d’effectifs à un total de moins d’un millier de CDI (environ 500 postes seraient directement menacés en France).

L’entreprise va fermer son usine de pièces composites de Saint-Julien-de-Chédon (Loir-et-Cher) : elle lui cherche un repreneur pour sauver tout ou partie des 300 emplois concernés avant fin 2022. Ses activités seront transférées d’ici là sur d’autres sites de Daher, dont celui de Tarbes, pour l’instant relativement préservé. L’entreprise enregistrerait actuellement une baisse de charge de 55%, et prévoit 35 à 40% d’activité en moins pendant les 3 prochaines années.

Daher, qui a récemment obtenu un PGE de 170 millions d’euros, perdra entre 300 à 400 millions d’euros de chiffre d’affaires cette année (ses revenus se sont montés à 1,2 milliard d’euros en 2019). Il serait tout de même question de sauver des emplois en obtenant le renouvellement des flottes de TBM des armées, ou encore en profitant du soutien de l’état à la R&D dans la filière. Autre piste étudiée : une ouverture du capital de l’entreprise familiale (dont les propriétaires détiennent 87,5%).

Derrière ces acteurs d’envergure, on n’oublie leurs nombreux sous-traitants et fournisseurs de rang 1, 2 ou 3. On rappelle qu’en Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine, la filière aéronautique représente 159.000 emplois répartis dans plus de 1.200 entreprises. Près de chez nous, on pense à Lauak en Pays basque, à Potez dans les Landes, aux acteurs établis dans le Gers, dont l’aéronautique serait la seconde industrie derrière l’agro-alimentaire (le site Latécoère de Gimont emploierait par exemple plus de 150 personnes), ou bien encore à ceux installés dans le secteur de l’aéroport de Tarbes-Lourdes.

Outre le fonds d’un milliard du plan national (en partie doté grâce aux donneurs d’ordres), la Région Occitanie va présenter un plan « Ader 4 » ce vendredi. Celui-ci visera à accompagner les salariés mis en difficulté, ainsi que les entreprises sur le plan économique.

Toute la filière a évidemment intérêt à ce qu’il y ait le moins de défaillances d’entreprises possible. C’est un marathon de plusieurs années qui s’annonce, mais si la filière dans son ensemble parvient à résister, elle se retrouvera peut-être en bonne position à l’arrivée… On se console comme on peut…

Informations sur airbus.com

 

Commentaires


Réagissez à cet article

Vous devez être connecté(e) pour poster un commentaire

À lire aussi