Ce n'est pas un scoop, la croissance française n'est pas au mieux de sa forme. Pourtant, au Pays Basque, les entreprises continuent d'avancer avec énergie, malgré le vent de face. C’est le constat du Baromètre Éco 2025 publié par la CCI Bayonne Pays Basque, qui analyse la santé économique du territoire à partir de près de 4 000 réponses d’entreprises, dont 214 locales.
« Une économie en panne d’élan, mais des entreprises agiles et combatives », résume André Garreta, président de la Chambre. Le ton est donné : si les voyants ne sont pas tous au vert, les dirigeants basques font preuve d’un pragmatisme et d’une ténacité exemplaires.
L’inflation ralentit (+1,9 %), le marché du travail résiste, mais la consommation peine à redémarrer. « Le premier semestre 2025 confirme le ralentissement de la croissance française », observe André Garreta. « Si l’inflation poursuit sa décrue et que le marché du travail reste stable, la consommation des ménages peine à redémarrer, tandis que les exportations plafonnent. Au total, la croissance annuelle devrait reculer à +0,8 %, freinée par un contexte politique et géopolitique incertain. »
Sur le terrain, la demande reste atone et pèse lourd sur les trésoreries. Moins d’un quart des entreprises locales (22 %) ont vu leur chiffre d’affaires progresser sur le semestre, tandis que la moitié se contente de le maintenir.
Trésoreries sous tension, confiance en demi-teinte
Malgré une certaine résistance, la conjoncture laisse des traces. Les marges s’amincissent, la trésorerie se tend et les carnets de commandes s’allègent. Le moral des chefs d’entreprise, bien que globalement positif, s’érode. « Ce nouveau baromètre montre que les entreprises du Pays Basque font preuve de robustesse malgré une conjoncture toujours fragile. La demande reste insuffisante, pesant directement sur les marges et la trésorerie. » explique André Garreta. Les chiffres le confirment car seuls 17 % des dirigeants envisagent d’investir au second semestre, un niveau historiquement bas.
Le président de la CCI y voit un signal d’alarme : « Quand seulement 17 % des entreprises prévoient d’investir sur le second semestre, c’est mauvais signe. C’est l’un des taux les plus faibles de ces dernières années. Et quand l’investissement se replie, c’est tout l’avenir économique qui ralentit. »
La confiance reste présente, mais prudente. 70 % des dirigeants se disent optimistes pour leur propre entreprise, un chiffre en baisse de huit points par rapport au semestre précédent. « Ce signal doit nous alerter et renforcer notre vigilance face aux futures décisions prises dans le cadre du projet de loi de finances 2026. »
Trois freins majeurs au redémarrage
Le diagnostic est sans ambiguïté : la baisse de la demande, l’inflation persistante et le poids des charges figurent en tête des obstacles cités. « Les trois principales difficultés citées par les entreprises sont la baisse de la demande (31 %), l’inflation (29 %) et le poids des charges (27 %). Toutefois, les dirigeants basques font aussi preuve d’adaptation : les investissements ont été réalisés à hauteur des prévisions, et l’industrie ou les services amorcent une dynamique plus positive. À l’inverse, la construction, le commerce de détail en centre-ville ainsi que le commerce de gros ou encore le tourisme affichent des signaux plus préoccupants. »
Le ralentissement n’épargne aucun secteur. L’industrie, pourtant dynamique (+1,5 % d’emploi), souffre d’une érosion de marges. La construction patine, victime d’un effondrement des commandes et d’une trésorerie fragilisée. Le commerce de détail voit ses clients se raréfier, surtout en centre-ville. Et dans le tourisme, la fréquentation demeure en berne malgré la saison estivale.
Seul le secteur des services tire son épingle du jeu. En effet, il reste le plus stable, soutenu par des investissements en hausse et un regain de confiance des clients.
Radiations en hausse, créations en repli
Après une embellie en 2024, la dynamique entrepreneuriale marque le pas. Les radiations bondissent de 75 % sur le premier semestre 2025, tandis que les immatriculations progressent timidement (+13 %). Le solde net de créations reste positif, mais très inférieur à celui des années précédentes (+256 entreprises contre +730 en 2024).
Cette contraction reflète le climat d’incertitude et le coût croissant de la trésorerie. Pour autant, l’envie d’entreprendre demeure, et la CCI continue d’accompagner les porteurs de projets, notamment dans les services et le numérique, secteurs les plus dynamiques du territoire.
« Dans cet environnement mouvant, la CCI Bayonne Pays Basque poursuit son engagement auprès des entreprises, avec des accompagnements ciblés sur les transitions, la compétitivité et le rebond. Parce que les entreprises basques, bien qu’éprouvées, restent debout. Et que, plus que jamais, elles doivent pouvoir compter sur un appui solide pour franchir ce cap. » souligne André Garreta.
Sur le front de l’emploi, la stabilité prévaut. Les effectifs salariés affichent un léger recul (-0,1 %), compensé par la vitalité industrielle. Le taux de chômage reste historiquement bas à 5,8 %, bien en dessous de la moyenne nationale.
Mais le tableau n’est pas sans ombre puisque le nombre de demandeurs d’emploi progresse (+4,8 %), particulièrement chez les jeunes (+14,7 %) et les cadres (+14,6 %). Les difficultés de recrutement persistent, touchant six entreprises sur dix.
Les salaires continuent d’augmenter (+2,3 %), soutenant le pouvoir d’achat, mais pesant aussi sur les marges. L’équilibre entre attractivité et viabilité devient un exercice d’équilibriste.
Le nerf de la guerre : l’investissement
Le ralentissement de l’investissement inquiète autant qu’il interroge. Car investir, c’est préparer l’avenir. Et au Pays Basque, les entrepreneurs sont plus attentistes que jamais. Les signaux faibles de reprise observés dans l’industrie et les services ne suffisent pas à compenser les doutes.
André Garreta insiste : « Oui, notre territoire reste robuste. Oui, il garde sa vitalité entrepreneuriale. Mais aujourd’hui, le mot d’ordre, c’est prudence. Et dans ce climat, plus que jamais, le rôle de la CCI est d’accompagner, de soutenir, et de donner de la visibilité aux entreprises. »
Pour le président de la CCI, le sursaut passera par plusieurs leviers, à savoir réduire les dépenses publiques, récompenser le travail et l’investissement, réindustrialiser, exporter davantage, et intégrer les nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle. Une journée dédiée aux TPE-PME sur ce sujet est d’ailleurs prévue le 22 octobre à la CCI.
Un territoire encore solide
Malgré ces vents contraires, le Pays Basque conserve ses atouts : une économie diversifiée, une démographie dynamique et un tissu d’entreprises ancrées localement. Les transitions, qu'elles soient écologique, numérique ou énergétique, offrent autant de défis que d’opportunités.
Le port de Bayonne illustre ce potentiel. Après un léger repli du trafic (-69 000 tonnes au 1er semestre), les projections restent positives pour 2025. L’aéroport de Biarritz, lui, s’adapte avec de nouvelles lignes internationales (Amsterdam, Milan) et insulaires (Bastia, Figari) pour compenser la baisse du trafic intérieur.
Ces signaux, s’ils ne suffisent pas à inverser la tendance, montrent qu’une résilience économique territoriale existe, fondée sur la capacité d’adaptation et la coopération entre acteurs publics et privés.
Face à une économie nationale en perte de vitesse, le Pays Basque fait le choix du collectif. La CCI Bayonne Pays Basque poursuit son travail d’accompagnement, en s’appuyant sur des dispositifs d’aide à la transition et sur la mise en réseau des entreprises.
En conclusion, André Garreta résume l’esprit de la démarche :« Ensemble, construisons un territoire économique plus robuste, plus agile et tourné vers l’avenir. » Car au-delà des chiffres, le Baromètre Éco 2025 rappelle une vérité simple : quand le moteur cale, c’est l’énergie des entrepreneurs qui relance la machine.
Sébastien Soumagnas
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