Avoir à la maison un enfant, ado, adulescent, né à partir de l’an 2000, c’est se confronter à une nouvelle race : les écolos natives.
Leurs slogans sont aussi alarmistes que culpabilisateurs pour nous, pauvres parents, bêtement nés avant, dans une société qui se vantait d’être de consommation : « There’s no planet B » (il n’y a pas de planète B), « J’ai mal à ma Terre », « On n’a pas 20 ans et on n’en aura jamais 60 »… Désabusés ? Pas vraiment, c’est même tout le contraire ! Les jeunes s’emparent du sujet du dérèglement climatique avec la même passion brûlante que nous en mettions à demander une « mobylette » à nos propres parents… On nous aura menti : les digital natives sont en fait des ecolos natives.
Mais au fait, à quoi reconnais-tu un ecolo native chez toi ? Le reportage a été facile à faire : on est restés à la maison et on s’est contentés d’observer (et de se faire engueuler, oui, c’est le premier signe qu’un ecolo native vit sous ton toit, prends ça dans les dents : tout ce que tu fais est mal, et tu as une claire responsabilité dans le marasme planétaire actuel, oui !).
Tu ne peux plus accepter de poches plastiques au supermarché, sinon dans les deux secondes, c’est le scandale public…
Tu ne peux plus aller faire tes courses les mains dans les poches, sans apporter tes propres emballages, récipients, verres, couverts. Ton coffre est désormais une annexe à mi-chemin entre la boutique de Tupperware et Emmaüs…
Au restaurant, si tu ne finis pas ton assiette, tu es sommé(e) de demander un doggy bag (et si tu le files aux poules en arrivant à la maison, engueulo mitigé mais engueulo quand même…)
Terminées les après-midi shopping mère-fille à faire chauffer la carte bleue dans les grandes enseignes. Désormais, c’est de la seconde main, et point. Et à petite dose encore, car dépassé un certain montant, c’est trop dépenser et retomber dans tes « vieilles manies consuméristes, maman… »
Par conséquent, comme l’ado que tu étais se cachait pour signer le carnet de notes ou se fumer une cigarette, à plus de cinquante balais, te voilà en douce surfant sur la page de ©Shein, pour cette ravissante petite robe à fleurs pas chère du tout… C’est bien ! À condition de pas te faire choper. Sinon, tu auras droit au couplet sur le travail et l’exploitation des enfants en Chine, la pollution de l’eau, et le prix pour la planète de ta robe mal taillée…
Prendre la voiture ? Tu n’y penses pas ! D’ailleurs, tu as remarqué que là où tu ne rêvais que de permis de conduire à tes 18 ans car c’était synonyme d’indépendance, ta ou ton rejeton traîne et préfère les transports en commun. Pire, si ta voiture n’est ni hybride ni électrique… (Solution : les envoyer chez tata en Bretagne depuis Pau avec la voiture électrique. Comme il n’y a pas de bornes pour recharger, ou que celles qu’ils vont trouver sont assaillies, voire en panne, cela devrait calmer l’éco-lère pour un moment. Non mais !)
Ils utilisent des mouchoirs en tissu, et ne veulent pas entendre parler des Kleenex (nous, on ne jurait que par les Kleenex ! Le mouchoir en tissu, c’était pour les vioques et c’était dégueu…)
Leurs films référence ne sont pas Top Gun ou Matrix, mais « Demain » (2015) ou « Animal » (2021)
Tu as bousillé l’anniversaire de ta progéniture en lui offrant un tee-shirt griffé ultra cher. En voyant qu’il/elle avait les larmes aux yeux, tu as cru avoir réussi ton coup, jusqu’au moment où il/elle, quasiment avec des sanglots dans la voix, s’est écrié : « Mais maman, je t’avais dit que je ne voulais plus jamais porter des vêtements fast fashion ! » Jusqu’à ce jour fatidique, tu ne savais même pas ce que cela voulait dire…
Il t’a fallu du temps, mais ça y est, après bien des brimades, tu ne laisses plus couler le robinet pendant que tu te brosses les dents, et tu coupes la douche pendant que tu te shampouines…
Idem à l’heure de la vaisselle (« mais maman, tu n’y penses pas, tu sais combien ça consomme un lave-vaisselle ? »), que tu fais à la main, éponge savonneuse sans eau d’un côté, mince filet d’eau pour le rinçage de l’autre. D’ailleurs, tu ne peux pas y échapper depuis que, partout dans ta cuisine, tu retrouves punaisées au mur des injonctions du style « Ne gaspillons pas l’eau », « Éteignons la lumière », « Protégeons la planète », voire « Une bouillotte réchauffe plus que le chauffage électrique, ce n’est pas bon pour la santé de dormir dans une pièce surchauffée » que tu as retrouvé accroché au radiateur de ta chambre.
Il/Elle refuse fermement de prendre un bain, et tu as un regard nostalgique en arrière vers tes bains moussants d’antan avec la baignoire super remplie, super chaude, qui garantissaient ta relaxation. Avant !
Tu ne peux plus jeter un verre où il reste un fond d’eau. « Maman ! Bois-la au lieu de la jeter ! »
Parfois, tu t’enfuis, espérant qu’ailleurs, tu y échapperas mais les repas chez les grands-parents virent au cauchemar : « Mais mamie, pourquoi tu laisses couler le robinet ? Et n’utilise pas de gel douche, c’est super contaminant… Ouhlala tous ces plastiques ! »
Engueulo sur la plage, quand il/elle voit quelqu’un jeter un déchet par terre ou un mégot. Tu pries toujours pour qu’il/elle s’en prenne à cette freluquette là-bas, et pas à ce gros mastodonte apparemment très testostéroné et qui travaille, de toute évidence dans une salle de sport… « Bonjour monsieur, plaît-il, l’ado qui fulmine là-bas et vous a menacé d’une nuit d’amour avec Greta Thunberg ? Ah non, connais pas… »
Tu as économisé sou après sou pour l’été : « Des vacances à Tahiti dans un hôtel de luxe ? Ah non, l’empreinte carbone ! Non, en plus, je suis déjà inscrite à un atelier collectif de collecte de déchets dans les rivières, on va dormir à la belle étoile, ça va être super… » Si tu le dis, mon/ma chérie ! On fait quoi des économies ? Ah oui, une chaudière à granulats, quelle bonne idée, pourquoi n’y avais-je point pensé ! Et glamour, avec ça…
Mais avouons, toute honte bue, si au début, tu trouvais qu’il/elle abusait, désormais, cette discipline finit par forcer ton admiration, et tu te surprends à regarder vilain ceux qui continuent à faire comme avant, sans prise de conscience.
Eh oui, le monde à l’envers, ou ce que l’on nomme désormais une « éducation descendante », à savoir des enfants vers les parents, et pas l’inverse, ainsi que le décrypte la psychologue Jeanne Siaud-Facchin. Peut-être le biais idéal pour remettre le monde à l’endroit ?
Ça ne se fait pas sans danger. Nos chères têtes blondes, dans la tranche 16-25 ans sont à 60% des écolo-anxieux, trop préoccupés par la tâche d’une ampleur qui les dépasse. Autres temps, autres stress… Mais ça, c’est ailleurs, parce qu’à la maison, je les trouve pas du tout écolo-anxieux, mais alors, vraiment pas… Tant mieux ? Moi, en revanche…
Gracianne Hastoy, écolo-enguirlandée
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