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DÉCRYPTAGEBayrou à l’Élysée, « c’est écrit ! ». Mais...

C’est parti pour les élections présidentielles du côté du président du MoDem. Il lui fallait absolument organiser un coup médiatique afin de reprendre un peu de lumière. Mais, après une relaxe, un nouveau procès en appel l'attend...
DÉCRYPTAGE – Bayrou à l’Élysée, « c’est écrit ! »
Pensant en avoir fini avec la Justice, le maire de Pau a été un moment tenté par un retour au ministère de l’Éducation nationale, en exigeant le rang de N°1 bis du gouvernement. Il a, dans la foulée, fait volte-face, en mettant en scène un effet surprise. Explications…

Depuis toujours, le Béarnais ne rêve que d’une seule chose : devenir président de la République. Il s’en est maintes fois confié, et pas seulement à ses proches. Allant même jusqu’à expliquer que, venant d’où il vient, son parcours national montrait à l’évidence que sa voie était tracée, et même plus. Comme si son destin était porté par une force divine : « C’est écrit ! »
 
Obligé de renoncer provisoirement à ce destin en 2017, il n’a jamais abandonné la partie. Surpris par la percée du jeune et brillant Emmanuel Macron venu chasser sur ses terres centristes, avec son « En même temps », François Bayrou a eu le flair d’anticiper un échec potentiel pour enfiler le costume de faiseur de roi.
 
En fin politique, il met alors en scène un soutien surprise, afin d’éviter d’apparaître comme un perdant, mais au contraire comme le véritable patron de l’attelage. A contre-cœur, certes. Mais, le voici vice-roi (selon lui), en attendant un sacre personnel qu’il croit (encore aujourd'hui) inéluctable.
 
La stratégie ? Montrer qu’il est toujours le patron. En embuscade, si le roi est obligé de renoncer au trône, empêché par une crise de confiance lourde du type Gilets jaunes ; et dans les starting-blocks, en préparant sans relâche le terrain pour 2027. Il prévient : il n’aura « que » 77 ans, bien plus frais que Joe Biden, président de la plus grande puissance mondiale.

Après un jeune président et un encore plus jeune premier ministre, il faudra bien un vieux briscard, avec suffisamment de bouteille pour sortir de l’ornière un pays paralysé par des crises successives. Non ?

La logique pour le haut-commissaire au Plan  (qui ne réfléchit pas qu’à 30 ans) est aussi simple qu’évidente : parier sur un crash de la fusée Gabriel Attal, après avoir tenté – mais en vain - d’empêcher son allumage.

Cette perte d’influence auprès du président a fortement irrité le Béarnais. Impossible pour lui d’être sous les ordres de ce premier ministre là, pendant 3 ans. Surtout lorsque l’un de ses concurrents dans la course à l’Élysée, Édouard Philippe, se tient soigneusement à l’écart pour préserver sa liberté face à un Exécutif sous pression.
 
Autre pilule difficile à avaler pour François Bayrou, Emmanuel Macron a décidé de composer un gouvernement majoritairement RPR (l’ancêtre de l’UMP) avec plusieurs proches de Sarkozy. Or, il n’est un secret pour personne que ses relations avec l’ex-président et son entourage sont particulièrement tendues (pour ne pas dire plus). Clairement, une cohabitation dans un tel gouvernement devenait totalement impossible.
 
Il ne restait plus que deux options...

Soit, entrer dans ce gouvernement, en imposant des conditions exorbitantes, histoire de montrer qu’il reste le vice-roi : plusieurs sources rapportent qu’il aurait exigé un statut de ministre d’État n’ayant de compte à rendre qu’au président et surtout pas au premier ministre. Avec en tête, l'intention de démissionner dans quelques mois pour reprendre sa liberté avant la campagne électorale.

Soit, claquer la porte, dès maintenant, après avoir montré ses muscles.

C’est ce deuxième choix qui s’est imposé à lui, après avoir constaté qu’Emmanuel Macron et Gabriel Attal n’avaient pas du tout l’intention de céder à de telles exigences.

François Bayrou a donc décidé d’entrer dans une opposition bien particulière, en resservant au président un En même temps façon MoDem : un président opposant officiel et, en même temps, des ministres affichant une fidélité gouvernementale de façade.
 
Premier aperçu. François Bayrou annonce officiellement qu’il n’entrera pas au gouvernement faute « d’un accord profond sur la politique à suivre » (mercredi 7 février, AFP), et « en même temps » déclare  que : « Oui nous sommes membres à part entière de la majorité qui veut reconstruire le pays » (jeudi 8 février, France Info).

Limpide !

Mais... N'ayant pas averti ses troupes, sa décision en forme de coup médiatique a créé quelque émoi, notamment chez les ex-ministres MoDem, toujours en attente de la fumée blanche, et du côté des députés qui s’interrogent sur leur avenir dans 3 ans.

Mais... un poids lourd du MoDem, le député Jean-Louis Bourlanges, a aussitôt publié un communiqué au vitriol jugeant la stratégie de l’élu palois « politiquement inepte et moralement dégradante ». Ajoutant carrément que cela « revient à affaiblir dangereusement notre camp, tout en nous discréditant nous-mêmes ».

Chaud devant !

Voilà, ça c'est fait... François Bayrou est désormais en campagne présidentielle. Qu'on le sache ! Il va ainsi pousser Édouard Philippe à accélérer son entrée dans la course et il va inciter Gabriel Attal à s’imposer encore plus rapidement comme chef de la Majorité, en qualité d'héritier naturel du macronisme.

Il faut rajouter à ce paysage agité au coeur du pouvoir, les envies débordantes et de plus en plus affichées de Gérald Darmanin et de Bruno Le Maire qui rêvent de déménager au Palais de la rue du Faubourg Saint-Honoré.

Ouf, Rachida Dati devrait se contenter de Paris.
 
Danger... Le risque de cette agitation est de faire basculer le pays dans 3 années ingérables, avec un pouvoir déjà sans majorité à l’Assemblée nationale et affaibli encore davantage par des guerres internes. Danger d’immobilisme. Danger pour la France !
 
Mais, c’est écrit ?

Mais... Ça se complique côté Justice. Le parquet de Paris a finalement interjeté appel, ce jeudi, dans l’affaire des assistants parlementaires européens, après la relaxe "au bénéficer du doute" prononcée en faveur de François Bayrou par le Tribunal correctionnel de Paris.

La date de ce nouveau procès n’est pas encore fixée. Pour rappel, le parquet avait requis 30 mois de prison avec sursis, 70.000 euros d'amende et 3 ans d'inéligibilité avec sursis contre le président du MoDem, pour complicité de détournement de fonds publics.

Les rivaux Edouard Philippe et François Bayrou - Photo MoDem

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