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Domaine Castéra : un vin de terroir enraciné dans une belle tradition

Ce petit vignoble de 12 hectares à Monein vient de recevoir le coup de cœur du Guide des Meilleurs Vins de France édition 2025, la bible de tous les amateurs de vins.
Franck Lihour, gérant du Domaine Castéra, à Monein.N.B
Réalisé par la célèbre Revue du Vin de France et ses 11 experts renommés, cet ouvrage incontournable sélectionne rigoureusement les 7.500 crus les plus remarquables de l’Hexagone.

Ce petit guide, comparable au guide Michelin, met aussi en lumière les vignerons à suivre tout particulièrement cette année, qu’ils soient de vraies références de leur région, des jeunes prometteurs ou producteurs en pleine évolution.

Plus que les millésimes, il récompense surtout les domaines avec une identité forte et la régularité dans leur travail. C’est le cas du Domaine Castéra, à Monein, l’un des 14 coups de cœur du guide vert, un domaine en polyculture (dont 12 hectares de vignes) détenu depuis 1885 par la famille Lihour.

Après un BTS viti-œno et de multiples expériences en Corse, en Bourgogne, en Champagne, dans la Napa Valley et en Afrique du Sud, Franck Lihour est revenu dans le domaine familial béarnais, dont il a pris les rênes en 2014. À 38 ans, il représente la cinquième génération de viticulteur.

Le Domaine Castéra s’est tourné vers l’agriculture biologique depuis 2020 et se dirige vers biodynamie. Il produit environ 50.000 bouteilles par an dont 30% sont destinées à l’exportation (USA, Angleterre, Belgique, Mexique, Australie, Espagne…) et près de 70 % sont distribuées auprès des restaurants et des cavistes.

Vous êtes la cinquième génération du Domaine Castéra, on peut dire que le vin coule dans vos veines…

Franck Lihour - J’ai grandi sur le domaine, dans les vignes et les chais. Comme tous les enfants, quand on voit ses parents s’amuser en faisant des choses qui ont du sens, ça donne toujours un peu envie de faire pareil. Mais c’est vraiment en étudiant la vigne et le vin que je me suis passionné pour ce monde. L’idée était de reprendre l’exploitation familiale tout en apportant ma pierre à l’édifice et d’amener des choses différentes. Je suis très attaché aux cépages locaux. Grâce à ce pool de cépage [NDLR : petit et gros manseng, petit courbu et camaralet], on a déjà beaucoup de matières. Au début, ce qui me plaisait le plus était la vinification et le style des vins, mais aujourd’hui, je m’intéresse davantage à la stratégie sur le temps moyen, voire long. Ça nous permet de construire l’avenir du domaine.

Comment décririez-vous vos vins ?

F.L.- C’est assez difficile de répondre, car je ne suis pas objectif (rires). Le plus important pour moi est de faire des vins francs, qui sont le reflet de notre terroir et qui peuvent traverser le temps. Nous n’avons pas les vins les plus exubérants de l’appellation, les nôtres sont plutôt frais. On va rechercher des vins avec du relief en bouche, de la longueur et de la densité. C’est ça le style Castéra.

Cette année, vous faites partie des 14 coups de cœur du Guide des Meilleurs Vins de France. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

F.L.- Nous avons obtenu notre première étoile en 2021 dans cet ouvrage de référence dans notre profession. Ça récompense une rigueur et on se dit qu’on travaille dans le bon sens. Ça nous apporte aussi une certaine légitimité et une visibilité. À la différence d’un restaurant, on ne bosse pas pour avoir une étoile, mais être aux côtés de vignerons prestigieux qui ont beaucoup apporté à leur région, c’est valorisant. Ce qui est amusant, c’est que plusieurs de mes anciens patrons sont également dans le guide vert : le Château Suduiraut (Bordeaux) et le Clos Venturi (Corse) viennent d’obtenir leur troisième étoile, et je me suis occupé pendant trois ans du Clos Joliette, encore assez confidentiel dans le Jurançon, qui est passé d’une à trois étoiles cette année. Je rends régulièrement visite à mes anciens employeurs et je suis assez admiratif de leur travail, pour créer des vins de qualité. C’est très inspirant.

Vous préparez actuellement les vendanges, après deux années difficiles, comment s’est passé l’été 2024 ? 

F.L.- C’est vrai qu’on vient de passer deux années assez compliquées. Même si le millésime 2021 a été relativement facile pour l’appellation, on a subi de très fortes chaleurs en 2022 et 2023 a été l’un des pires millésimes du Jurançon, avec un printemps exécrable et un été très chaud. Nous avons d’ailleurs perdu 70% de notre récolte à cause du mildiou. On a tous été un peu émoussés par les derniers millésimes, donc nous avons pris cette nouvelle année avec beaucoup de vigilance. Il a beaucoup plu, mais il a aussi fait plus froid que d’habitude, ce qui a limité le développement du mildiou. Cette saison nous a demandé beaucoup de travail et a été très stressante, mais au final, je pense qu’on s’en sort plutôt bien, dans l’ensemble. Généralement, les pluies de fin août et début septembre sont plutôt intéressantes. Le manque d’eau est de toute façon beaucoup plus préjudiciable que l’excédent. Si le soleil est de retour dans les prochaines semaines, nous pourrions avoir une très belle année. Nous avions à peu près le même climat en 2017 et ça a été un millésime magistral !

Le Domaine Castéra est passé en agriculture biologique en 2020. Comment vous adaptez-vous au réchauffement climatique ?

F.L.- Principalement, on subit. Pour ma part, j’essaie de planter mes vignes sur des terroirs plus frais, exposés à l’est. Nos sols sont enrichis de matières organiques, de roches minérales et de couverts végétaux. On essaie aussi de faire évoluer le matériel végétal, en plantant des porte-greffes plus vigoureux. Je travaille en parallèle sur les sélections massales : dans les années 1950 ou 1960, les vignobles français ont subi beaucoup de maladies. Il faut savoir qu’il y a différents individus dans un même cépage, avec des caractéristiques différentes. Un travail de clonage a été fait sur les cépages, ce qui a provoqué une baisse de leur diversité. La sélection massale consiste à récupérer des greffons sur des vignes plantées avant cette période, afin d’obtenir différentes souches d’un même cépage. Cette méthode permet de multiplier les souches saines et plus résistantes au mildiou ou aux aléas climatiques. 

Quels sont vos projets pour le Domaine Castéra ? 

F.L.- Nous allons complètement passer l’exploitation en biodynamie et continuer les massales. À long terme, nous allons essayer d’avoir plus de stock, pour pouvoir l’écouler lors des années difficiles. Pour cela, on va faire des élevages plus longs, ce qui donne aussi des vins plus complets, plus complexes et plus taiseux. Je fais rarement des choses sur un coup de tête, ou dans la précipitation, on évolue donc petit à petit. 

Vous êtes aussi le trésorier de l’association des Vignerons du Jurançon…

F.L.- C’est exact. Mais je ne suis pas aussi investi que notre président Thomas Pissondes, qui y passe un temps fou. C’est vraiment une machine de guerre. Je pense qu’au-delà de la région, l’appellation Jurançon n’est pas encore très connue et reconnue. Un des axes qu’il faudra, selon moi, travailler collectivement, c’est attaché au Jurançon une image de grand vin, lui donner ses lettres de noblesse. Nous avons la chance d’avoir un bel outil collectif et les capacités pour y parvenir.

Propos recueillis par Noémie Besnard

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