C’est l’un des leviers de la décarbonation du chauffage, un secteur qui représente 40% des besoins en énergie. Le réseau de chaleur urbain est une action phare structurante du Plan Action Climat du territoire. Ses objectifs sont notamment de réduire de 27 % les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 et de doubler la part d'énergies renouvelables (EnR) dans la consommation énergétique finale.
« Il y a enfin en France une prise de conscience collective et une accélération des actions pour la décarbonation. Le réseau de chaleur urbain est une solution efficace, collective, locale et résiliente. Il ne représente pourtant que 5 % du chauffage urbain distribué en France », plaide Yann Rolland, directeur général délégué Engie Solutions.
Bâtiments communaux, collèges, lycées, université, hôpitaux (Centre hospitalier François Mitterrand, Hôpital des Pyrénées), cité administrative, ensemble médiathèque/halles, caserne Bernadotte… Tous les principaux édifices qui contribuent à la vie économique et sociale de la collectivité sont désormais raccordés au réseau de chaleur. Sans oublier tous les logements sociaux de Pau Béarn Habitat, dans le cadre du projet de rénovation urbaine du quartier Saragosse.
Au total, 65 millions d’euros hors taxes ont été nécessaires pour mener à bien ce projet. En service depuis l’hiver 2021, le réseau de chaleur urbain de l’agglomération paloise permet d’éviter le rejet de 24.100 tonnes de CO2 par an, grâce à une production allant de 75 % à 83 % d’énergies renouvelables (contre 66 % pour d’autres projets similaires en France).
Trois sources d’énergie
La production de chaleur est assurée par trois points de production de chaleur. La première source est issue du traitement des ordures ménagères de l'usine de valorisation énergétique de Lescar (Valor Béarn), pour environ 50 % du mix énergétique. On utilise la vapeur créée par l'incinérateur d'ordures ménagères pour chauffer de l'eau à environ 100 degrés.
La seconde source de production de chaleur est la centrale biomasse implantée à Lons. Elle permet de couvrir 25 % des besoins de chaleur du réseau. Le bois-énergie (qui ne peut pas être utilisé comme bois d’œuvre) permet de produire la chaleur au travers de deux chaudières d’une puissance thermique de 5,5 MW chacune. Il provient de forêts situées dans un rayon de 100 kilomètres autour de la chaufferie de Lons (Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques et Landes) et se compose de tout type d’essences. Même les chutes de bois et tout ce qui ne peut pas être valorisé en tant que bois d’œuvre sont aujourd’hui redirigés vers la chaufferie de Lons. Cela constitue une nouvelle source de revenus pour les agroforestiers, qui sont rémunéré 20 euros le mètre cube (soit 20.000 euros par camion).
Enfin, la troisième source de production de chaleur est la centrale gaz de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour dont la souplesse d'utilisation permet d'assurer l'appoint et le secours de tout le réseau sans rupture de service. Le gaz permet de couvrir les 25 % de besoins de chaleur restants.
La chaleur est ensuite transportée sous forme d’eau chaude ou de vapeur par le réseau de canalisations jusqu’aux points de livraison, aussi appelés « sous-stations », au pied des bâtiments raccordés. Leur fonction est de transformer la chaleur en provenance de la chaufferie et d’adapter sa distribution aux besoins, via le réseau « secondaire », intérieur à l’immeuble ou bâtiment.
Un projet écologique et économique
« Il y a eu beaucoup de débats autour de ce projet. Certains nous ont dit que l’on trompait les consommateurs et que ça allait coûter extrêmement cher. Nous avons eu la chance de pouvoir comparer en situation réelle ce qu’offre comme possibilité le réseau de chaleur, avec les résidences Carlitos. Dans cette situation, on a deux immeubles identiques, construits la même année, avec le même nombre de logements. Un immeuble est relié au réseau de chaleur, et l’autre non. Avant le raccordement, la facture était de 80.000 euros par an et par immeuble. Aujourd’hui, elle est de plus de 150.000 euros pour celui qui n’est pas raccordé et elle est toujours de 80.000 euros pour celui qui y est branché au RCU », constate François Bayrou, maire de Pau et président de l’Agglomération Pau Béarn Pyrénées.
Ainsi, contrairement aux fluctuations des tarifs des énergies fossiles, du gaz et de l’électricité, le prix de la chaleur est stable dans le temps. En effet, en 2022, les personnes raccordées à un réseau de chaleur ont payé 35 % moins cher en moyenne que des personnes raccordées à un réseau de gaz ou à d’autres moyens de chauffage.
Autre atout non négligeable, la transition du chauffage fossile vers les énergies renouvelables est rapide et centralisée : il suffit d’une décision d’investissement pour faire passer plusieurs milliers de logements d’un mode à l’autre.
Le raccordement, en pratique
Tout immeuble équipé d'un chauffage collectif au gaz ou au fioul peut demander à être raccordé au réseau de chaleur, s'il est suffisamment proche des canalisations du RCU. « À voir comment il a été reçu par la population, ce projet est une vraie réussite. Ici, le challenge principal a été de satisfaire les habitants de l’agglomération. Nous avons été obligés de revoir notre copie, afin d’étendre le dispositif de 30 % supplémentaire », raconte le directeur général délégué Engie Solutions.
Pour être raccordé au chauffage urbain, le propriétaire devra remplacer sa chaudière par un échangeur de chaleur. Tous les travaux nécessaires pour le raccordement au réseau de chaleur sont de la responsabilité du concessionnaire du réseau : réalisation des socles maçonnés, fourniture et pose des échangeurs de chaleur et des éléments de comptage et de régulation, raccordement au(x) réseau(x) secondaire(s)...
Le concessionnaire est aussi en charge des finitions, comme la remise en peinture. Le réseau secondaire, propre à l'immeuble, en aval de l'échangeur, reste à la charge des propriétaires de l'immeuble.
Le mix énergétique du réseau de chaleur a été conçu de façon à rassembler de manière cohérente et pertinente le maximum d’énergie renouvelable et de l’étendre demain à d’autres projets vertueux de l’agglomération. L’agglomération Pau Béarn Pyrénées souhaite aujourd’hui poursuivre son développement.
« Nous allons travailler à étendre le réseau de chaleur, à la fois dans les nouveaux quartiers que nous construisons et aussi dans le reste de la ville. Nous devons trouver un scénario d’expansion qui soit aussi efficace écologiquement et une garantie économique pour les foyers », relève François Bayrou.
En parallèle de l’expansion du réseau, les perspectives de développement sont nombreuses : valoriser encore davantage le surplus d’énergie fatale issue de l’unité de valorisation énergétique pour l’utiliser lors d’appels de puissance importants, le matin et le soir. D’autre part, le stockage de l’énergie dans un ballon d’eau chaude de grande capacité permettrait d’augmenter de 4 à 5 % le taux d’énergies renouvelables sur le réseau pour augmenter encore le pourcentage d’énergies renouvelables et de récupération sur le réseau. La production de froid, notamment pour l’hôpital où les besoins de climatisation sont importants, est également envisagée pour développer les énergies vertes du RCU.
En attendant, d’autres opérations emblématiques sont en cours de réalisation, à l’instar du projet de biométhanisation et méthanation à l’unité de dépollution des eaux usées de Lescar (sur le site Cap Ecologia), dont les nouvelles installations de biométhanisation produiront du biométhane (énergie verte, renouvelable et décarbonée) injecté directement dans le réseau de gaz de ville.
La production de biométhane est maximisée par deux innovations technologiques majeures : l’ultra-déshydratation par carbonisation hydrothermale des boues d’épuration, et la méthanation catalytique du CO2 émis. Grâce à cette double première mondiale et à la mise en œuvre de procédés sobres en énergie, l’unité de dépollution des eaux usées devient une installation à énergie positive, c’est-à-dire qu’elle produit plus d’énergie qu’elle n’en consomme.
Noémie Besnard
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