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Feu vert pour l’innovation agrivoltaïque de Terr’Arbouts

Des agriculteurs autour de Mont-de-Marsan ont trouvé une solution pour compenser la baisse de rendement due notamment aux restrictions phytosanitaires.
L'agrivoltaïque combine production agricole et énergie verte
Ce projet, à la croisée de l’agriculture et de l’énergie solaire, permettra non seulement de protéger les terres agricoles, mais aussi de générer de l’électricité pour 140.000 foyers d'ici 2028.
Quelques porteurs du projet Terr'Arbouts
DR

Au cœur d'une époque focalisée sur l'environnement, beaucoup d'entreprises se tournent vers les énergies vertes. A cet effet, le projet agrivoltaïque Terr’Arbouts, situé à l'est de Mont-de-Marsan dans les Landes, a franchi une étape décisive avec la délivrance des 53 permis de construire par la préfecture des Landes le 23 août 2024. Défini comme l'un des plus ambitieux en France, ce projet combine agriculture et énergie solaire sur une surface totale de 700 hectares, dont 200 hectares seront dédiés à l'installation de panneaux photovoltaïques. Ces installations permettront de produire suffisamment d’électricité pour alimenter environ 140 000 foyers, l’équivalent d'une ville comme Angers, avec une mise en service prévue entre 2027 et 2028.

L’objectif est ambitieux mais nécessaire pour atteindre les objectifs de décarbonation énergétique fixés par la région. Pour Jean-Marc Fabius, Fondateur chez Green Lighthouse Développement Cultivateur d’énergies (GLHD), cette approche est cruciale : « Ma conviction : l’énergie décarbonée ne peut plus s’envisager autrement qu’au cœur des solutions d’avenir, pour l’agriculture, l’industrie, les territoires, le citoyen. »

Un modèle innovant face à la crise environnementale

L'initiative Terr’Arbouts a été lancée en réponse à une crise environnementale majeure. En 2018, des résidus de pesticides ont été détectés dans deux captages d'eau potable, menaçant la qualité de l’eau pour 20 000 habitants de la région. Face à cette situation, les agriculteurs locaux ont dû réduire progressivement l'utilisation de produits phytosanitaires, avec pour objectif de passer au « zéro phyto » d'ici 2028. La baisse de rendement due à cette transition a ainsi poussé les 35 agriculteurs impliqués à rechercher des solutions innovantes pour maintenir la viabilité économique de leurs exploitations.

Selon Franck Trégouët, Directeur Général des Services mutualisés, Terr’Arbouts représente « une transition nécessaire pour le devenir du territoire. Terr’Arbouts a construit une réelle démarche locale systémique avec les acteurs du territoire pour répondre à une problématique locale de ressources en eau sur des terres en déprise. Oui, Terr’Arbouts est un modèle de solidarité locale de transition globale et de cohabitation complémentaire. »

Le projet expérimentera de nouvelles cultures à forte valeur ajoutée
DR

Le projet Terr’Arbouts a ainsi vu le jour, mêlant production agricole et énergie verte. Sur les parcelles de terres délaissées en raison des contraintes phytosanitaires, les agriculteurs cultiveront des plantes adaptées aux nouvelles conditions, comme la cameline, le chia et le lupin, des cultures riches en oméga-3 et oméga-6, moins gourmandes en eau et mieux adaptées à l’absence d’herbicides. Les panneaux solaires, disposés sur 200 hectares, offriront un revenu fixe grâce à la production d’électricité, assurant ainsi la pérennité financière des exploitations agricoles.

Jean-Marc Fabius explique que « l’agrivoltaïsme fait partie des solutions pertinentes à développer pour les agriculteurs en première ligne des dérèglements et des aléas. »

Agriculture et énergie solaire : une alliance stratégique

Jean-Michel Lamothe, président de l'association PATAV (Pujo Arbouts Territoire Agrivoltaïsme) et l’un des principaux acteurs du projet, voit dans cette initiative un modèle de développement durable. Selon lui, l’installation des panneaux photovoltaïques permettra non seulement de produire de l'énergie verte mais aussi de réinventer l'agriculture locale, en expérimentant de nouvelles cultures à forte valeur ajoutée, comme la cameline. Il assure qu'aucune surface agricole ne sera perdue, les cultures se développant sous et entre les panneaux solaires.

Le projet, qui devrait coûter environ 300 millions d'euros, a suscité un large intérêt au-delà des frontières du département. D'autres régions françaises commencent à se renseigner sur le modèle collaboratif mis en place par les agriculteurs landais et l’énergéticien GLHD, qui accompagne ce projet. Si l’objectif est de créer une nouvelle dynamique agricole et énergétique dans les Landes, le modèle pourrait inspirer d'autres territoires confrontés aux mêmes défis environnementaux.

Aucune surface agricole ne sera perdue, les cultures se développant sous et entre les panneaux solaires
PATAV DR

Comme l’explique Franck Trégouët, « l’agrivoltaisme est un réel enjeu territorial. L'enjeu n'est pas une seule mixité d’usage mais une réelle invitation à repenser l'exploitation dans un écosystème en évolution face aux nombreux défis. »

Un projet sous surveillance environnementale

Cependant, malgré l'enthousiasme des porteurs de projet, Terr'Arbouts ne fait pas l'unanimité, certaines voix s’élevant en soulevant quelques critiques. L’association environnementale Sepanso a critiqué l’impact paysager de l’installation massive de panneaux photovoltaïques, affirmant que ces infrastructures défigureront les paysages ruraux de la région. De plus, la commission d’enquête publique avait émis un avis défavorable en mai 2024, pointant des insuffisances dans les études d’impact environnemental et l’absence de retours d’expérience sur des projets similaires en France.

C'est dans cet esprit que la préfecture des Landes a assorti les permis de construire de nombreuses prescriptions. La Commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CD-PENAF) a par exemple exigé des garanties sur la préservation des terres agricoles et le respect des obligations environnementales réelles (ORE). Un suivi régulier sera effectué pour s’assurer que ces mesures sont bien appliquées, en particulier en ce qui concerne la protection des ressources en eau.

Au-delà des enjeux locaux, Terr’Arbouts pourrait devenir un modèle à suivre dans la transition vers une agriculture plus durable en France. Le projet représente une réponse innovante aux défis de la production agricole face aux nouvelles normes environnementales, tout en intégrant une dimension énergétique qui renforce l’autonomie des exploitants agricoles. Si le modèle fonctionne, il pourrait offrir une voie d’avenir pour d’autres territoires en quête de solutions durables à l’échelle nationale.

La phase de construction devrait commencer après la levée des éventuels recours et le bouclage du financement du projet. Une fois opérationnel, Terr’Arbouts produira 600 gigawattheures par an, faisant de ce parc photovoltaïque l'un des plus importants de France. Pour les agriculteurs impliqués, c’est une occasion unique de pérenniser leur activité tout en contribuant à la transition énergétique du pays.


Sébastien Soumagnas

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