« C’est ce qui rend ce déploiement assez unique ici : 100 000 prises et 11 000 kilomètres de réseau, aucun département de France n’a ce ratio » souligne Jean-Sébastien Massenez.
Mais le directeur général de Gers Fibre a vite compris la nécessité d’impliquer les maires de ce territoire rural, à partir d’un incident qui pourrait être perçu comme comique.
Face à cette méconnaissance du monde rural, ce sont les maires qui sont les mieux placés pour nous aider
« J’ai pris cette décision, car dans le premier secteur où nous sommes intervenus, il était prévu d’installer la fibre chez un client dans la niche des chiens. En fait, le bureau d’études, qui a travaillé sur photo satellite, a estimé que son grand chenil devait correspondre à la maison ! De plus, quand vous avez un lieu-dit qui fait 6 km², la géolocalisation s’avère un peu plus compliquée que quand il fait 100 m², et vous n’êtes pas sûrs de ne pas vous retrouver à 2 kilomètres de l’habitation. Or, face à cette méconnaissance du monde rural, ce sont les maires qui sont les mieux placés pour nous aider, et ce sont les premières personnes que je rencontre, avant même que les études soient lancées ».
D’autant que ces mêmes maires vont souvent être sollicités pour délivrer les permissions et autorisations de voiries. Le dialogue et la concertation en amont sur le passage des fourreaux ou la pose des panneaux éviteront alors de ralentir les opérations au moment où arriveront les installateurs. Surtout quand il s’agit de déployer 11 000 kilomètres en trois ans.
« À cette obligation “technique” vient s’ajouter une intention un peu plus égoïste, car après avoir construit ce réseau, il va falloir le commercialiser. Et c’est encore le maire qui va être le préconisateur en répondant aux administrés sur la nécessité de s’abonner, l’intérêt d’avoir la fibre… Si je suis brouillé avec lui, je n’aurai pas un bon taux de pénétration commerciale, y compris dans les communes voisines. Enfin, ce sera toujours lui qui nous aidera à la commercialisation lorsque nous viendrons avec les opérateurs pour une permanence à la salle des fêtes, des abonnements en direct sur la place de la mairie… ».
À cela s’ajoute une troisième raison, et non des moindres. Le déploiement de la fibre exige de n’oublier aucun logement, y compris au fin fond de la forêt. Le premier travail va donc consister à envoyer à tous les maires une carte de leur commune, pour vérifier que chaque habitation soit référencée à la bonne adresse, qu’une maison n’ait pas été transformée en plusieurs appartements, qu’un bâtiment n’ait pas été construit entretemps…
La difficulté ici, c’est que la fibre arrive, alors que 80% des villages n’ont pas encore fait l’adressage
« La difficulté ici, c’est que la fibre arrive, alors que 80% des villages n’ont pas encore fait l’adressage, devenu aujourd’hui obligatoire pour la Base Adresse Nationale. On trouve souvent des gens domiciliés “Au Village”. Si le facteur s’y retrouve, l’opérateur commercial, qui sous-traite parfois depuis un pays étranger, ne va pas effectuer cette recherche. Malheureusement, l’adressage coûte très cher pour le budget d’une petite commune ».
Pour cette raison, Gers Numérique, acteur public qui a débuté le déploiement dans le département (avant de devenir l’un des deux actionnaires, avec Orange, de Gers Fibre) se consacre désormais à l’étape suivante, l’usage du numérique, en proposant hotline, soutien et sécurité informatique, tout en aidant les petites localités à rattraper leur retard dans l’adressage.
Car s’il ne reste aujourd’hui que 3 000 kilomètres à déployer d’ici 2025, ils s’annoncent comme les plus compliqués, avec deux années de travaux intenses pour y parvenir.
« Quand j’arrive dans une commune de 80 lignes, c’est l’équivalent d’un immeuble à Toulouse qui demandera une semaine de travail maximum, alors qu’ici, cela peut aller jusqu’à trois mois… Et pourtant à l’arrivée, la recette commerciale sera la même, puisque le tarif est national ».
Marielle Fourcade
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