« Ce métier, je ne l’ai pas choisi, mais je l’ai adapté à ma main », résume le vigneron de 57 ans. À la mort de son père, Jean-Marc Grussaute est amené à reprendre la responsabilité du domaine Camin Larredya, où quelques rangs de vignes en terrasse bordent les cultures de fruits rouges, la principale source de revenus pour la famille. Nous sommes dans les années 1970 et il est âgé d’à peine 15 ans.
« Au début, je l’ai fait par devoir, la sociologie rurale s’est imposée à moi : j’étais l’aîné de la famille. J’ai vu mes parents travailler les fraises, au ras du sol, du premier au dernier jour de l’année. Ce n’était pas une voie pour moi. »
Une fois diplômé en viticulture-œnologie, il prend officiellement la tête du domaine Camin Larredya, à la Chapelle de Rousse sur les coteaux du Jurançon (et à Lasseube). Le jeune vigneron initie alors un nouveau programme de plantation, en orientant son vignoble à 75% vers le blanc sec. Ainsi, dans les années 1990, il lance de nombreuses expérimentations.
Il donne plus de place à des cépages comme le lauzet et le camaralet, afin de monter en gamme et produire des vins secs de très haut niveau, à garder de préférence entre quatre et cinq ans pour en savourer tous les arômes. Le côté méridional du sud de Pau, le climat béarnais et le petit manseng (un cépage spécialement créé pour ce territoire) forment un environnement propice à la production de vins très différents.
« Le vin blanc sec revient de loin. Il faut dire que l’appellation est mal née. En 1975, les vignerons du Jurançon ont voulu la restructurer en créant une deuxième appellation, Jurançon sec, pour y classer les jus ayant un degré trop bas pour produire de bons vins moelleux. Nous sommes partis d’une feuille blanche, et nous avons dû tout créer », rappelle Jean-Marc Grussaute.
Dans les années 2000, il amorce avec d’autres amis un virage vers le vin biologique et la biodynamie. Pour lui, le vigneron est avant tout un acteur du territoire, un représentant de la culture et du développement de celui-ci. « Plus qu’un passionné de vin, je suis passionné par mon environnement : le Béarn est beau, le Béarn est bon et je veux le faire savoir au plus grand nombre ».
La force du collectif
Jean-Marc Grussaute l’assure, il est « un enfant du collectif ». Ancien président de la Maison des vins de Jurançon à Lacommande, qu’il a contribué à fonder, il est aujourd’hui à la tête du Conseil de développement du Pays de Béarn (créé en 2019), après avoir été conseiller municipal et conseiller départemental.
Cette instance regroupe une centaine de membres, avec comme mission de réfléchir à l’avenir du territoire autour de thématiques variées : identité, jeunesse, mobilité, culture, économie… Elle a notamment apporté sa contribution à l’élaboration d’un plan alimentaire territorial à l’horizon 2030, en collaboration avec les élus locaux.
Par ailleurs, Jean-Marc Grussaute a participé au lancement en 2005 du collectif Abisto de Nas, qui regroupe 12 vignerons du Sud-Ouest pour partager une logistique et une communication commune. « La circulation de l’information et la mutualisation des savoir-faire et des compétences sont primordiales. Ça n’en a peut-être pas l’air, mais les vignerons du Sud-Ouest sont une grande famille », assure le Béarnais.
Déjà remarquées par le guide de la Revue du vin de France, les cuvées « La Part Davant », « La Virada », « Au Capcèu », « Les Grains des Copains » (qui mêle ses raisins à ceux de trois autres vignerons, Christian Pédeflous et Philippe Vignau à Jurançon et de David Lacazette à St Faust) valent au domaine Camin Larredya trois étoiles en 2017.
« Quand cette institution commence à vous demander des échantillons deux ans de suite sur cinq millésimes différents de toutes vos cuvées, vous vous doutez qu’il va se passer quelque chose », sourit Jean-Marc Grussaute en parlant de son titre de « Vigneron de l’année 2023 ».
Avec cette récompense, c’est toute une histoire et un savoir-faire local que Jean-Marc Grussaute entraîne derrière lui. « Je suis très honoré que ce prix vienne atterrir au pied des Pyrénées. C'est beaucoup d'honneur et une reconnaissance, mais dans ma démarche, je ne suis pas seul. Cette récompense, je l’ai prise pour le Sud-Ouest et ses vignerons, que j’associe à celle-ci. Elle apporte un éclairage, mais la véritable victoire, c’est que le Béarn redécouvre une des facettes de son vignoble : le vin blanc sec ».
Noémie Besnard
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