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La dune grise de l’Atlantique, un milieu naturel aux forts enjeux de conservation

À travers le programme « Les sentinelles du climat », les scientifiques ont observé une réduction de plus d'un tiers de sa surface depuis 1997.
La dune grise à Mimizan, dans les Landes. Crédit photo : Sentinelles du climat.
Fondé et porté par l'association Cistude Nature, ce programme scientifique évalue les effets du changement climatique sur la biodiversité de la Nouvelle-Aquitaine.

Lancé en 2016, ce dernier s'appuie sur une vingtaine d'espèces ou groupes d'espèces peu mobiles et réparties dans des écosystèmes sensibles de la région. Très attachées à leur milieu, ces sentinelles du climat sont sensibles aux modifications de leur environnement dues au changement climatique.

« Les alertes des scientifiques sur le changement climatique sont nombreuses, mais nous n’avions à l’époque aucune information des effets sur les espèces et les milieux en local », contextualise Michaël Guillon, coordinateur du programme les sentinelles du climat. « L’enjeu de ce programme est de comprendre les mécanismes à l’œuvre sur les espaces et les espèces. S’agissant de la flore du milieu dunaire, l’Office national des forêts avait déjà initié des études et un réseau de suivi dès 1997. Avec le Conservatoire Botanique National Sud-Atlantique nous leur avons apporté quelques adaptations et une analyse des données entre 1997 et 2021», poursuit-il.

Étudiées depuis plus de 25 ans, les dunes néo-aquitaines viennent de livrer les premières tendances : la dune grise, véritable amortisseur face à l'érosion marine et considérée comme une zone tampon entre la dune mobile et la forêt, connaît une réduction drastique de surface. Elle est prise dans un étau, entre le recul de la dune mobile et l’avancée de la forêt. La dune grise est particulièrement menacée par la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes, la progression des pins et la présence de plus en plus prégnante d’espèces invasives avec le changement climatique et la pression urbaine.

La dune grise permet de fixer le sable de la dune blanche (cf. schéma). Lorsqu’elle disparaît, cela a des conséquences sur l’arrière dunaire et pour les villes côtières. « Nous avons constaté de fortes disparités sur le littoral : certaines zones n’ont pas vraiment évolué, tandis que d’autres ont beaucoup régressé. La dynamique de recul de la côte était déjà connue, mais les chiffres que nous avons établis sont alarmants, car ils témoignent d’un phénomène rapide », expose Kevin Romeyer, botaniste au Conservatoire botanique national (CBN) sud atlantique et co-auteur de l'analyse.

Sentinelles du climat

Une faune et une flore exceptionnelles menacées

Dans le Sud des Landes et de l’Adour, où la pression urbaine et touristique est plus importante, les scientifiques ont constaté une eutrophisation (pollution) des milieux, avec une augmentation de l’azote et du phosphore. Les dunes grises offrent des conditions pour le moins contraignantes à la flore.

De nombreuses espèces se sont adaptées à cet environnement spécifique, entre terre et océan. Certaines y sont même endémiques, et on ne les trouve qu'en Nouvelle-Aquitaine. Ces dernières tolèrent mal ce nouvel apport en nutriment et doivent entrer en compétition avec d’autres plantes invasives plantées dans les jardins particuliers, à l’instar du yucca.

Si le recul de la dune grise menace la flore, elle impacte également de nombreuses espèces animales. En effet, la dune grise est par exemple l'habitat privilégié du Lézard ocellé. C’est le plus grand lézard d’Europe. Il est originaire du sud-ouest de l’Europe et vit dans les milieux méditerranéens. Mais cet animal s’est parfaitement acclimaté à la côte atlantique.

« On le retrouve notamment à Tarnos, à Vieux Boucau et en Gironde. En théorie, le réchauffement climatique lui est favorable, mais la récurrence des conditions extrêmes, l’érosion massive et la disparition de la faune endémique entraînent la réduction de surface de son milieu et la baisse de sa population, qui se retrouve de plus en plus isolée », présente Michaël Guillon.

En ce début de congé estival, Kevin Romeyer en appelle aussi aux vacanciers, afin de limiter l’impact de l’activité humaine sur ce milieu en péril : « Il faut rappeler l'importance de ne pas sortir des chemins balisés : ils préviennent d'une pression supplémentaire sur ces milieux par le piétinement, la déstructuration et l'apport d'espèces exotiques ».

Noémie Besnard

Une étude scientifique pluridisciplinaire

Pour mener ces recherches, Cistude Nature est entourée de plus de 60 structures partenaires, des associations, des conservatoires, des laboratoires de recherche, qui participent aux travaux d'acquisition des connaissances, d'analyse et de restitution. Le programme s'appuie également sur le développement d'outils de médiation pour diffuser l'information scientifique auprès du public.

« Des actions innovantes d’envergure redonnant davantage de largeur à ce cordon dunaire pourraient améliorer la résilience des dunes et des espèces associées face à la crise climatique. Si diminuer collectivement nos émissions de carbone reste bien sûr une priorité absolue, laisser vivre la dune et lui redonner un peu de liberté de mouvement est une piste à considérer. Maintenant que nous avons les informations, l’heure est à l’action », conclut Michaël Guillon.

Face à la crise climatique, plusieurs pistes sont évoquées pour améliorer la résilience de ces milieux et des espèces qui en dépendent. L'ONF expérimente en effet des actions de maintien de la dune pour soutenir la dune mobile face à l'érosion et réduire l'envahissement du pin sur la dune grise.

En 2023, le programme de recherche scientifique néo-aquitain entame un second volet, orienté sur les mesures de conservation.

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