150 œuvres sont exposées jusqu’au 2 février au musée des Beaux-Arts de Pau. L’accrochage a donné congé aux canons du genre. Emmanuel Lesgourgues a préféré concevoir une scénographie sensible, très proche de la précaution et de l’égard manifestés par son père à l’endroit des artistes durant 20 ans.
On circule entre les œuvres comme dans un atelier. Ça a l’air tout simple, mais ça change tout. Le foisonnement artistique de la fin du XXe siècle s’étire sur tout le premier étage du musée : figuration libre, supports/surfaces, arte povera, hyper réalisme…
Tout sauf un jardin secret…
Pendant des années, Jean-Jacques Lesgourgues a consacré ses samedis matin à sa collection d’œuvres d’art. À Peyrehorade, dans les entrepôts de commerce de grain hérités de ses parents, il déballait les œuvres acquises et tenait son catalogue à jour.
S’en suivait parfois un moment de partage entre amis, un verre à la main. Et puis on passait à table, toujours la même, le restaurant cocardier Au bon coin.
Ce rituel fut établi entre les années 1980 à 2000. Jean-Jacques Lesgourgues est alors un chef d’entreprise prospère qui donne dans la performance agricole et le génie génétique. Un tiers des 450 salariés travaille dans la recherche. Mais la collection n’est pas le jardin secret du patron. Les bureaux ont leurs cimaises et les accrochages font l’objet de discussions entre Jean-Jacques Lesgourgues et les employés.
Parmi eux, il en est qui se piqueront au jeu de l’art par le biais de ces rendez-vous réguliers avec la collection Lesgourgues. Le boss de Peyrehorade inventait-il une forme de management participatif avant l’heure ?
L’enfance de l’art…
Jean-Jacques Lesgourgues a fait sa scolarité à Bayonne. Il squatte la salle de dessin et aiguise son regard artistique au contact de son oncle architecte à Biarritz. Il se verrait bien intégrer les Beaux-Arts, à Paris de préférence. Ses parents versent plutôt dans la filière agronomie. Direction Montpellier.
Durant ses études d’ingénieur, Jean-Jacques Lesgourgues prête main-forte à un ami pour réaliser des décors de théâtre. Il peint aussi des centaines de foulards. Leur vente lui permet d’acheter une toile par an. « J’étais loin d’avoir le goût de la collection, mais ce rapport sensible à l’œuvre était né ».
Mobilisé en Algérie, il combat avant de prendre un poste de directeur de théâtre aux armées. À la tête d’une troupe de music-hall, le jeune appelé dirige entre autres Jacques Revaux, le compositeur du hit planétaire Comme d’habitude, adapté en My way. Une vie de roman qui commence.
De retour en France, à la tête de l’entreprise familiale, le jeune chef d’entreprise attrape le virus de la possession, lors d’un voyage initiatique en Espagne où dit-il « J’ai trouvé mon supermarché au musée d’art abstrait de Cuenca ». Les gravures espagnoles s’accumulent signées Chillida, Oteiza, Saura…
À 32 ans, en 1969 vient le mariage avec Anne-Marie. Elle lui transmet le goût de la musique, lui l’initie aux arts plastiques. Cinq enfants naîtront. Six avec la collection. « Nous nous sommes mis à acheter au gré de nos envies, dans les salles de ventes. Toujours de jolies choses car le temps a fait son œuvre, mais sans aucune prise de risque ».
Devenir collectionneur…
En 1980, quand Jean-Jacques et Anne-Marie Lesgourgues décident de s’intéresser à l’art de leur temps, vient aussi celui de la prise de conscience. Difficile, même pour un amateur éclairé, de frayer sans boussole dans la galaxie de la peinture contemporaine. Le circuit n’est plus celui des salles de ventes, il faut passer par les souterrains.
Jean-Jacques Lesgourgues se met en quête d’un sherpa. Il le rencontre à huit kilomètres de Peyrehorade. Le peintre, agrégé d’histoire de l’art et théoricien Stéphane Hazéra sera ce fidèle équipier avec qui Jean-Jacques Lesgourgues va sillonner la France et moissonner parmi les jeunes créateurs à l’avant-garde et les talents plus reconnus.
Préalablement, les deux hommes ont rédigé une charte : pas d’achat guidé par une intention financière ou spéculative, pas d’achat sans connaître l’artiste, pas d’achat sans accord entre le collectionneur et son conseiller.
Au bout de cette aventure, 750 œuvres d’art de 92 artistes composent la collection de Jean-Jacques et Anne-Marie Lesgourgues. « Au-delà d’un réseau d’artistes, j’ai tissé un réseau d’amis » témoigne le collectionneur.
La preuve de cette fidélité se situe en 1991. Cette année-là, le marché de l’art explose. Alors que les prix s’envolent, Jean-Jacques Lesgourgues ne bouge pas. Il ne vend rien. La collection est solide, cohérente et de fait repérée par les conservateurs de musées qui la sollicitent pour des prêts. Elle est le reflet de tous les courants de l’art qui ont parcouru la fin du millénaire précédent.
C’est à voir sans retenue puisque la ville de Pau pratique la gratuité de ses musées, pour tous, pendant un an.
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