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Village landais Alzheimer : un modèle d’avenir qui fait ses preuves

Ouvert il y a trois ans à Dax, le Village Emmanuelli révolutionne la prise en charge des patients atteints de cette maladie. Une expérimentation inédite qui semble porter ses fruits.
Village landais Alzheimer : un modèle d’avenir qui fait ses preuves
Le 11 décembre dernier, un point d’étape était organisé par le Département des Landes au village Alzheimer de Dax. L’occasion de présenter les premiers résultats très positifs de l’évaluation menée sur place par une équipe de l’Inserm – Université de Bordeaux.

Unique en son genre, le village « Henri Emmanuelli » est entré en fonctionnement en mai 2020. Une véritable rupture avec la manière traditionnelle de prendre en charge les patients atteints de la maladie d’Alzheimer.

La solution landaise ? Un village planté sur un parc arboré de 5 hectares, avec ses maisonnées de 7 ou 8 chambres disposées en quartiers autour d’une bastide, lieu de rendez-vous regroupant médiathèque, brasserie, salon de coiffure, supérette et auditorium. Le tout ouvert au monde extérieur et piloté par une équipe pluridisciplinaire.

L’atmosphère se veut plus humaine et familière, avec un mot d’ordre : « pas de blouse blanche, pas d’heure de lever ni de coucher ou de douche ». On ne parle d’ailleurs plus de patients ou de malades, mais tout simplement de « villageois » dont on cherche avant tout à sauvegarder « l’autonomie fonctionnelle et le sentiment d’identité ».

Ce lundi 11 décembre, était organisée au village une table ronde en forme de premier bilan, à mi-chemin d’une évaluation censée durer jusqu’en 2026 et menée par l’équipe de l’Inserm - Université de Bordeaux que dirige le professeur Hélène Amieva. Une évaluation dont les premiers résultats sont plus qu’encourageants. Ceux-ci témoignent d’abord « d’une évolution positive des représentations associées à la maladie d’Alzheimer dans les communes ayant été fortement exposées à la médiatisation du Village ».

Autrement dit, l’image négative de la maladie régresse auprès du public : évolution positive encore modeste, mais estimée alors que le village ne donnait pas encore sa pleine mesure.

Bénéfices pour les patients… et les aidants

Car comme l’a indiqué Cécile Bertet, directrice de l’établissement depuis février, « l’ouverture de l’établissement vers le grand public est une composante essentielle du projet. À cause de la pandémie, il nous aura fallu attendre trois ans pour la mettre en œuvre. Depuis septembre 2023, les spectacles, concerts, résidences d’artistes se succèdent à l’auditorium et la médiathèque est dorénavant ouverte deux jours par semaine ».

« Le lien humain permet de créer et maintenir des capacités sociales mais aussi cognitives. Le bien-être des Villageois nécessite un accompagnement personnalisé, la présence des familles, mais pas seulement : toute la société est concernée et notre volonté est aussi de déstigmatiser la maladie d’Alzheimer dans sa globalité, en prouvant que les interactions sont possibles et bénéfiques ».

Sur le plan médical, ensuite, « les premières tendances ne montrent pas de dégradation de la santé cognitive et mentale au cours des douze mois qui suivent l’arrivée au Village des résidents ». Voilà qui légitime l’expérimentation, car « ces résultats contrastent fortement avec les nombreuses publications internationales qui rapportent, après l’entrée en institution classique, une accélération du déclin des fonctions cognitives des malades d’Alzheimer ».

Enfin, l’étude met en relief « une absence d’augmentation des scores d’anxiété et de dépression chez les aidants » et « une diminution substantielle du sentiment de fardeau observée entre l’admission du proche au Village Landais et la visite à 6 mois, diminution qui se maintient à 12 mois ». Là encore, contraste avec l’admission dans les établissements plus conventionnels. À l’arrivée, cette révolution dans la prise en charge serait aussi bien positive du point de vue du public que de ceux des patients et des aidants.

Président du Département et du GIP Village Landais Alzheimer, Xavier Fortinon s’est félicité de ces bons résultats : « Ces premiers enseignements nous encouragent et renforcent notre responsabilité. Celle, d’ici à la fin de l’expérimentation en 2026, de continuer à progresser sur la qualité de l’accueil, des soins et de l’accompagnement pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et leur famille. La responsabilité aussi de renforcer le travail en réseau dans les Landes, mais aussi aux niveaux national et international. Et enfin, la responsabilité partagée avec l’État d’inventer le modèle administratif et financier qui permettra de garantir, dans la durée, la spécificité du Village », a-t-il expliqué.

Avec cette initiative de village audacieuse et inédite, les Landes se positionnent en département leader de la prise en charge des malades d’Alzheimer. Et c’est quand même quelque chose !

3 questions à…

Hélène Amieva, neuropsychologue et professeur à l’Université de Bordeaux

Comment avez-vous vécu ce temps d’enquête ? Les résultats semblent très positifs : voyez-vous tout de même des pistes d’amélioration ?
Hélène Amieva -
La recherche s'est progressivement déployée en s'articulant remarquablement bien avec la vie du Village. C'est déjà en soi une grande réussite. L'heure est à l'évaluation du dispositif tel qu'il a été conçu et tel qu'il fonctionne réellement. Une fois l'étude d'évaluation terminée, viendra le moment d'identifier plus précisément les réussites et les échecs et donc imaginer de potentielles pistes d'amélioration.

Comment va se poursuivre le travail d’évaluation ?
H. M. -
L'étude n'est pas terminée, seules les premières tendances des indicateurs les plus importants (fonctions cognitives, qualité de vie, santé mentale, troubles du comportement des villageois et sentiment de fardeau des aidants) sur les 6 et 12 premiers mois suivant l'entrée dans le Village ont été analysés. Ces premiers résultats sont très positifs et permettent d'être optimistes. Néanmoins, pour tirer des conclusions plus robustes, nous nous baserons sur des données prenant en compte deux années au moins de suivi des différents acteurs et sur la comparaison de nombreux indicateurs recueillis au Village et dans des Ehpad plus « classiques ».

Peut-on déjà conclure à ce stade sur l’intérêt de dupliquer le modèle à plus grande échelle ?
H. M. -
Pour répondre à cette question, en plus des indicateurs de santé des Villageois, il faudra prendre en compte des indicateurs médico-économiques. En effet, pour statuer sur la viabilité économique et la réplicabilité du modèle, il sera indispensable de calculer précisément les coûts directs et indirects de la prise en charge des résidents au Village mais aussi les dépenses possiblement évitées (en termes d’hospitalisations évitées par exemple). C'est ainsi que nous pourrons déterminer le ratio coût/efficacité, et ce faisant la pertinence de dupliquer ce modèle à plus grande échelle.


Informations sur le site internet du Village Alzheimer

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