Il y a des vins qui se contentent de flatter le palais, et d’autres qui racontent une histoire. L’Irouléguy appartient sans conteste à la seconde catégorie. Derrière chaque verre se cache un paysage de montagnes, de vallées et de villages où la vigne s’accroche depuis des siècles. En ce mois de septembre 2025, l’appellation viticole basque convie amateurs et curieux à célébrer ce patrimoine autour d’une grande fête au cœur du village d’Irouléguy. Une invitation à découvrir un terroir, mais aussi une culture où le vin se vit comme un lien social et un symbole d’identité.
L’Irouléguy, un vin enraciné dans la montagne
Parler d’Irouléguy, c’est d’abord évoquer la rudesse et la beauté d’un vignoble de montagne. Sur une quinzaine de communes bas-navarraises, de Saint-Étienne-de-Baïgorry à Saint-Jean-Pied-de-Port en passant par Bidarray ou Ossès, les vignes s’épanouissent sur des pentes parfois abruptes, entre 200 et 400 mètres d’altitude.
L’appellation, reconnue dès 1970 en AOC et consolidée en AOP en 2013, a marqué l’histoire viticole du Pays Basque. Elle est la seule AOP viticole du territoire, la plus ancienne aussi, preuve de son ancrage et de sa singularité. On y produit des rouges charpentés, aux tanins élégants, capables de rivaliser avec de grandes appellations françaises, mais aussi des rosés fruités et des blancs secs, vifs et minéraux, qui trouvent leur place sur les tables gastronomiques comme dans les repas de famille.
L’Irouléguy, c’est aussi une aventure humaine. Depuis 1945, le Syndicat des vins fédère aujourd’hui près de soixante adhérents, parmi lesquels vingt-deux domaines indépendants et une cave coopérative. Une mosaïque de producteurs qui, chacun à leur manière, perpétuent un savoir-faire transmis par les générations. Dans leurs cuvées, on retrouve cette volonté farouche de préserver un patrimoine vivant.
Quand la vigne se transforme en fête
C’est dans ce décor que le Syndicat des vins organise chaque année la Fête de l’Irouléguy. Le dimanche 14 septembre 2025, le petit village basque va vibrer au rythme des verres qui s’entrechoquent, des bandas qui résonnent et des visiteurs venus trinquer avec les producteurs. Plus qu’un rendez-vous viticole, l’événement se veut une expérience immersive, pédagogique et festive.
L’idée est simple : permettre au grand public, habitants, touristes de passage ou amateurs de vin de plonger dans l’univers de l’appellation. Entre dégustations, balades dans les vignes et animations pour petits et grands, chacun trouvera une façon d’apprécier le vignoble autrement.
Le clou de la journée, c’est bien sûr l’espace de dégustation. De 10 h à 18 h, les visiteurs pourront rencontrer les 20 producteurs de l’appellation, regroupés sous un même chapiteau. Une occasion rare de parcourir en quelques gorgées toute la diversité du vignoble avec modération bien sûr : cuvées de coopérative, vins de domaines familiaux, rouges de garde, blancs subtils ou rosés désaltérants.
Au-delà de l’expérience sensorielle, l’intérêt est aussi humain : discuter avec celles et ceux qui travaillent la vigne, comprendre leurs méthodes, découvrir les particularités de chaque parcelle. Dans un monde où le vin tend parfois à se standardiser, l’Irouléguy revendique au contraire son identité multiple et vivante.
La convivialité comme millésime
La journée ne se limite pas à lever le coude. Elle propose aussi de lever les yeux vers les collines et de mettre les pieds dans les vignes. À 10 h et à 15 h 30, des balades guidées emmèneront le public au cœur des ceps, avec les commentaires d’un vigneron et d’un historien. L’occasion de conjuguer culture et agriculture, et de voir que derrière chaque grappe se cache une mémoire collective.
À 12 h, place à la tradition avec la pressée de raisins ancestrale. Ce geste, simple et symbolique, rappelle les vendanges d’autrefois, quand tout un village se mobilisait pour récolter le fruit de l’année. Et comme dans tout bon banquet basque, la musique n’est jamais bien loin : la txaranga Kuxkuxtu animera les rues, donnant à l’événement un air de kermesse viticole.
Les enfants ne sont pas oubliés, avec des ateliers de goût proposés par l’association Sarde Sardexka et des jeux gonflables. Les sportifs retrouveront leur compte lors de la partie de pelote programmée à 17 h, en partenariat avec la Zaharrer Segi. Et pour les oiseaux de nuit, la fête se prolongera en musique, avec un concert de Kalume à 19 h, suivi d’un set de la DJ Estelle pour faire danser le village sous les étoiles.
Un verre de vin, c’est encore meilleur accompagné d’un bon repas. Là aussi, la fête d’Irouléguy a pensé à tout. Le restaurant Jarapea proposera un menu unique en self-service, tandis que l’établissement Agerria régalera les gourmands de sandwiches. Pour les douceurs, la maison Milika apportera une touche sucrée avec ses glaces artisanales. En soirée, le foodtruck Mutturfin prendra le relais pour rassasier les noctambules.
Et parce qu’une fête du vin sans bar à vins serait un contresens, un espace dédié permettra de savourer les cuvées de l’appellation tout au long de la journée. De quoi allier plaisir gustatif et soutien aux producteurs.
Un terroir qui se partage
En fait, la fête de l’Irouléguy est devenue un symbole de la vitalité du vignoble basque. Elle incarne l’attachement d’un territoire à ses racines, mais aussi sa capacité à se réinventer et à s’ouvrir. En proposant une approche pédagogique et ludique, le Syndicat des vins rappelle que le vin n’est pas réservé aux initiés : il est un langage universel, une façon de dire l’hospitalité et la fierté d’un peuple.
En ce sens, l’événement dépasse largement la dégustation. Il devient une vitrine du Pays Basque intérieur, de son patrimoine, de ses traditions et de son art de vivre. Chaque année, il attire un public plus large, preuve que le vin reste un formidable vecteur de rencontres et de transmission.
Sébastien Soumagnas
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