À première vue, le nouvel immeuble de Bil Ta Garbi, rue Joseph Latxague à Bayonne, ressemble à une extension de siège administratif classique. Mais à y regarder de plus près, il condense en cinq étages tout ce qu’une collectivité peut faire de mieux pour bâtir autrement. Pensé comme une vitrine de la transition écologique, il accueille depuis septembre dernier les équipes du Syndicat mixte et celles de la Communauté Pays Basque dans un ensemble à très haute efficacité énergétique, alimenté par 542 m² de panneaux photovoltaïques et chauffé grâce à la chaleur issue de la méthanisation des ordures ménagères du site voisin de Canopia.
Pour Andoni Tellier, Responsable des projets et de l’innovation au Syndicat, ce bâtiment est d’abord le fruit d’une volonté politique : « Les élus ont voulu faire de cette extension une vitrine, montrer que c’est possible techniquement à un coût identique à une construction plus classique, tout en générant des économies d’énergie à long terme. »
Conçu par le cabinet « Les Architectes Anonymes », l’ouvrage s’élève en hauteur pour limiter son emprise au sol. Cette verticalité, couplée à une isolation en fibre de bois (un matériau biosourcé )permet de se passer de climatisation, grâce à un système de ventilation naturelle performante. L’eau de pluie alimente les sanitaires, le béton n’a été utilisé que lorsque la structure l’exigeait, et toujours en version bas carbone.
« C’est une construction qui conjugue sobriété et efficacité », résume Andoni Tellier. « L’emprise au sol a été réduite au minimum, la chaleur récupérée sur site, et l’électricité produite sur place grâce aux ombrières solaires. » Un modèle du genre, qui prouve qu’écologie et rationalité économique peuvent marcher main dans la main.
Quand le réemploi s’invite dans les bureaux
Mais c’est à l’intérieur que le bâtiment dévoile son véritable visage. Ici, pas de mobilier flambant neuf ni de décoration standardisée : tout a été pensé pour réutiliser, réemployer, prolonger. Les étagères, bureaux, tables de réunion ou abris à vélos racontent chacun une histoire de matière retrouvée, passée entre les mains d’acteurs locaux du réemploi et de la réutilisation, Aima, Patxa’ma, Resak et Les Ateliers du Singe.
« Dès le marché de travaux, la dimension du réemploi a été intégrée avec les entreprises retenues », raconte Andoni Tellier. « On a déconstruit une ancienne bâtisse pour récupérer ses pierres, poutres et tuiles. Ces dernières servent aujourd’hui de brise-soleil sur la façade. Même les gravats ont été broyés pour réaménager les parkings. »
Dans cette logique, l’aménagement intérieur a fait l’objet d’un travail main dans la main entre Bil Ta Garbi et les artisans de la réutilisation, à commencer par Grégory Tanchon « Les Ateliers du Singe ». Son mobilier en bois de volets et métal de récupération équipe désormais les bureaux du Syndicat.
« L’idée, c’était d’apporter des solutions à la fois fonctionnelles et écoresponsables. Dans l’atelier de prototypage du Syndicat, Luzatu, il a été réalisé 35 bureaux à partir de volets récupérés dans les déchetteries du territoire. Les plateaux gardent même la trace de leurs couleurs d’origine, pour rappeler la source de la matière », explique Patrick Ferret, chargé d’innovation en économie circulaire au Syndicat .
Le reste de l’aménagement prolonge cette même logique. L’atelier Luzatu permet ainsi la fabrication d’étagères à partir des mêmes volets réutilisés associés à des bancs achetés chez Aima, la production de tables de réunion réalisées à partir d’anciens bacs de collecte en plastique. Un abri vélo, conçu à partir de bois récupéré sur un chantier de déconstruction, complète le tableau.
« On atteint environ 85 % de réutilisation sur l’aménagement intérieur », note Patrick Ferret, non sans fierté. « Et le plus marquant, c’est que tout cela a été possible à un coût équivalent à du neuf. La preuve que la commande publique peut être un formidable levier pour développer le réemploi. »
L’atelier Luzatu, moteur du changement
En soutenant les acteurs locaux du réemploi et en les intégrant au projet dès la conception, Bil Ta Garbi montre qu’il est possible de concevoir des biens à partir des déchets sans renoncer à l’exigence de qualité. Le mobilier conçu avec Luzatu par Les Ateliers du Singe ou Resak, les matériaux récupérés via Patxa’ma, ou encore le réemploi de mobilier de bureau par Aima, donnent une image concrète de ce que peut devenir un bâtiment public exemplaire.
Ce type d’initiative s’inscrit dans une dynamique nationale encouragée par la loi AGEC, qui impose déjà 20 % de réemploi ou réutilisation dans les achats publics, un seuil appelé à croître dans les prochaines années. Et si le futur des bâtiments publics se construisait ainsi, pièce après pièce, à partir de ce qui existe déjà ?
Pour Patrick Ferret, la réponse est claire : « Ce projet montre que l’on peut faire du beau, du solide et du durable à partir de ce que d’autres jettent. Le tout est de changer notre regard sur la matière. »
Ce bâtiment bas carbone est bien plus qu’un lieu de travail. C’est un symbole de cohérence entre la mission du Syndicat, à savoir valoriser les déchets du territoire, et son propre fonctionnement. Ici, les principes de l’économie circulaire ne sont pas des slogans, mais des murs, des meubles, des idées devenues tangibles.
En travaillant avec les lauréats de son défi Luzatu , Bil Ta Garbi a ouvert la voie à une nouvelle manière de concevoir l’aménagement : locale, sobre, innovante et inspirante. À terme, ce projet pourrait servir de référence régionale pour d’autres collectivités désireuses d’allier la commande publique et le réemploi.
Sébastien Soumagnas
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