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PORTRAIT PASSIONVin : l’âme du chêne jusque dans les barriques

Du fruit de la vigne au verre dégusté dans les règles de l’art, un bon vin doit paisiblement reposer dans un fût de bois rigoureusement confectionné. À Trie-sur-Baïse, l’entreprise Canadell se penche depuis quatre générations sur ce berceau nécessaire à un élevage optimal.
Deux membres de la famille Canadell devant des troncs d'arbres de chêne.

On reconnait cette sensation de fraîcheur boisée lorsqu’on pénètre dans un chai où sommeillent les meilleurs vins, bien à l’abri dans leurs barriques de chêne. Et, si l’on est plutôt doués pour la dégustation, on ignore la plupart du temps tout sur ces silhouettes lourdes et arrondies, sagement alignées pour “veiller au grain”.

À la tête de l’entreprise familiale, avec son fils Frédéric, Jacques Canadell, lui, sait tout de cette transformation de l’arbre à la barrique, de l’expertise, du respect, et de la patience nécessaire pour parvenir à fabriquer les meilleurs fûts.

Il faut un lieu prestigieux pour débuter pareille histoire. Et c’est dans les forêts domaniales de France que tout commence. « Colbert avait fait planter sous Louis XIV des chênes pour en faire des bateaux de guerre.  Leur régénération a permis depuis d’obtenir des arbres de haute futaie, les plus aromatiques pour la fabrication de nos fûts. Nous recevons des catalogues de l’ONF présentant les parcelles et le nombre d’arbres à la vente ; à partir de là, nous envoyons nos acheteurs pour savoir si cela vaut la peine de les décimer. Ils doivent mesurer les arbres un par un, et vérifier si la qualité est hétérogène. Nous pouvons tomber sur une parcelle bonne au niveau des arômes, mais dont le pourcentage en bois sera malheureusement faible » explique Jacques Canadell.   

Car cette matière, noble et vivante, présente des nœuds ou des défauts, ne convenant pas à la fabrication d’une barrique, qui ne tolère pas la moindre défaillance. Un “bon” lot de chênes varie de 20 à 30% de bois utilisable, ce qui est peu, mais il faut savoir que seuls 1,5 à 2% de vins dans le monde sont élevés en barriques.

Le bois “recalé” servira à remplir des filets d’infusion de 5 ou 10 kilos après avoir été séché, broyé et toasté avec un torréfacteur, pour pouvoir libérer ensuite ses arômes dans les cuves en inox contenant du vin. Un sachet de thé géant en quelque sorte.

…Un savoir-faire unique pour valoriser ces chênes bicentenaires.

« Nous nous fournissons essentiellement en chênes sessiles, venus du Centre, de l’Île de France, des Pays de Loire, etc., car ce sont les meilleurs pour le vin. Les pédonculés correspondent mieux aux armagnacs, aux cognacs et aux alcools. Une fois achetés, nous devons exploiter ces arbres à la lune descendante et décroissante, pour éviter que la matière ne soit trop nerveuse, et seulement en période hivernale. Le gros problème du chêne français est sa porosité. Il faut donc aller chercher le fil du bois pour éviter que la barrique ne fuie. Il y a environ 80% de pertes pour arriver au merrain. C’est cette opération manuelle qui est la plus délicate ; elle exige un savoir-faire unique pour valoriser ces chênes bicentenaires ».

Enfin, Il faudra patienter deux bonnes années pour laisser ces planches parvenir à maturité, au fil des intempéries, permettre à leurs pores de s’ouvrir pour libérer les tanins acides, avant de passer entre les mains des tonneliers.

« Après cette période de repos nécessaire, les merrains sont placés en forme de rose, afin que des mâchoires automatiques viennent leur donner cette forme arrondie, puis passés à la chauffe sur un brasero. Chaque client définit la chauffe qu’il souhaite pour s’adapter à son cépage ; il n’y a pas de règles. Elle peut être moyenne, longue, donner des teneurs vanillées, caféinées, chocolatées… Il en existe des dizaines ! ».   

 …La Californie, notre plus gros marché… 

Cette dernière étape, pouvant demander jusqu’à deux heures en fonction de l’effet recherché, sera finalement la moins longue d’un processus débuté dans les plus prestigieuses forêts de France, il y a plus de cent ans.

« À Trie-sur-Baïse, où nous employons 70 salariés, nous produisons environ 45 à 50 fûts par jour, cela dépend de leurs capacités. Pour des barriques de 500 litres par exemple, nous en ferons 30 ; pour 225 litres, ce sera 60. Elles partiront ensuite vers la Californie, notre plus gros marché, l’Oregon… ».

Des chênes d’exception, un travail d’orfèvre long et minutieux, l’expertise et la “French Touch” d’une entreprise familiale : la parfaite équation pour élever les vins les plus remarquables.

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