« Il nous a parlé alors de son rêve d’avoir un orgue dans son église. Nous n’avions même pas 20 ans, mais nous avons pensé que c’était possible. Comme il n’y avait pas d’argent au départ, nous y avons associé tout le village. C’était une aventure comme celle de la construction des cathédrales au Moyen Âge, très forte sur le plan humain. Le chantier a duré dix ans, et Plaisance, avec ses 1 600 habitants, possède un orgue de cathédrale dans son église… » raconte Daniel Birouste avec émotion.
« Les commandes sont arrivées rapidement, car nous nous étions positionnés non pas comme restaurateurs, mais comme constructeurs, en créant un peu l’orgue du 21e siècle, en travaillant avec le compositeur Jean-Louis Florentz » Le succès se confirmera aussi lorsque nos jeunes intrépides remporteront le concours international lancé par Paris pour la construction du grand orgue de l’église Saint-Pierre de Chaillot.
Dans cette aventure singulière surgit un jour la possibilité d’introduire la transmission numérique, en remplaçant la mécanique de l’orgue entre le clavier et les tuyaux. Le Modulorgue était né, ouvrant le champ des possibles entre l’instrument traditionnel et la technologie d’autres instruments électriques.
« À partir de là, pourquoi ne pas imaginer alors sortir des capteurs de gestes ? C’est ce qu’a fait Mickaël Fourcade, un de nos collaborateurs, en développant un dispositif permettant à des personnes en situation de handicap, physique ou cognitif, de jouer de l’orgue à partir d’un mouvement même infime, du souffle… Aujourd’hui, plus de 35 établissements sont équipés de cet orgue sensoriel qui remporte un très grand succès, puisqu’une version transportable a été créée ». Les compositeurs eux-mêmes s’intéressent de près à cette autre approche musicale où l’on peut imaginer des pièces de musique en forme d’arborescence, stimulant l’imagination à travers différents cheminements.
L’attrait indéniable de l’orgue de Plaisance - lui-même équipé d’un dispositif sensoriel - sur les nombreux festivaliers de Jazz in Marciac, ville voisine, laisse émerger une nouvelle idée.
« Il y a une vraie fascination du public, au point que des visites sont organisées tout l’été. Et chacun se demande comment cela fonctionne. Nous avons alors imaginé, à partir de là, installer dans notre atelier, un méga orgue, construit au début du 20e siècle pour un hôtel particulier et récupéré par un amoureux qui l’a entreposé chez lui lorsque le bâtiment a été détruit. Un dispositif scénographique permettra alors de découvrir les entrailles de cet orgue, qui pourra être utilisé par tous les publics, mais aussi pour des concerts de variétés, jazz, musique contemporaine, de films… Il pourra également recevoir des scolaires, des étudiants de conservatoire, des compositeurs en résidences expérimentales, etc. ».
Dans leur ambitieux projet multi-transversal baptisé « La Cité de l’Orgue », la Chambre de Métiers et de l’Artisanat du Gers les accompagne dans la recherche de financement. D’autant qu’il pourrait très bien s’ouvrir à d’autres artisans, à l’image de Délia Moreno, luthière qui fait partie de l’aventure, et a développé le Kotamo, instrument intuitif à la portée de tous. « Un artisan seul ne peut pas investir dans du gros matériel, alors autant mutualiser le nôtre, et notre atelier, installé dans l’ancienne minoterie a pour vocation de les accueillir » souligne Daniel Birouste.
« Notre idée, c’est de démarrer très vite, si possible à l’été 2024. La caution de la CMA nous donne de la crédibilité, car il n’existe pas de référence en France et en Europe de ce que l’on souhaite faire. Nous aimerions inciter des fondations à nous rejoindre, car nous sommes dans une commune rurale, soumise à des priorités d’investissement absolument incontournables, comme la caserne des pompiers et le centre de santé. Mais en devenant complémentaire de Marciac à travers notre facteur commun la musique, et notre spécificité propre à construire des instruments de demain, ce projet va apporter un nouveau souffle à Plaisance… ».
Marielle Fourcade
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