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Gurekin, des maisons où le cœur vieillit moins vite

Au Pays basque, l’association Gurekin réinvente la vieillesse avec ses maisons partagées pour seniors
L’un des fondements de Gurekin, c’est la participation des futurs habitants dès les premières étapes
Gurekin DR
À Urt, Hasparren ou Urcuit, les résidents co-construisent leur futur lieu de vie et tissent ensemble un quotidien plus solidaire, à la croisée du chez-soi et du vivre-ensemble
Chacun apporte sa pierre à l’édifice commun, et le foyer devient une véritable maison du lien
Gurekin DR

À Urt, au beau milieu du Domaine du Grand Chêne, en bordure de forêt et entouré de verdure, la Maison Jeanne dégage une atmosphère de quiétude et de simplicité. Ici, pas de longs couloirs impersonnels ni de chambres alignées, mais une grande maison lumineuse où tous les pensionnaires peuvent se retrouver à blaguer entre aînés. C’est la première “maison partagée” du Pays basque, inaugurée fin 2024 par l’association Gurekin, une structure qui veut redonner du sens et du lien au grand âge.

Un projet né du terrain et du cœur

À l’origine, il y a une femme et une conviction. Annabelle Pachon Trouche, ancienne animatrice au Centre Social Maria Pia de Biarritz, observait depuis des années la solitude silencieuse qui s’installait chez nombre de seniors, en ville comme à la campagne. Elle confie d'ailleurs que beaucoup d'entre eux vivaient seuls, certains parfois dans des maisons devenues trop grandes, ou trop vides. Ainsi, en 2018, elle fonde Gurekin (« avec nous » en basque) pour imaginer une autre manière de vieillir : ensemble, mais libres.

Soutenue par la Fondation de France dans le cadre de son programme “Personnes âgées”, Gurekin fait de la participation des habitants le cœur de son modèle. Son équipe, composée de trois salariés et une vingtaine de bénévoles, sillonne les zones rurales et semi-rurales du Pays basque pour rencontrer les habitants, écouter leurs envies, leurs besoins, et bâtir avec eux des projets adaptés à leur territoire.

Les maisons partagées de Gurekin se situent à mi-chemin entre le domicile et l’EHPAD. Chaque résidence accueille entre huit et dix locataires de plus de 65 ans, autonomes ou semi-autonomes. Chaque habitant dispose d’un logement privatif d’environ 40 m², garantissant son indépendance, tout en partageant plus de 100 m² d’espaces communs : grande cuisine, salon, jardin, ateliers et salle d’activités.

Au-delà d'abriter, ces lieux invitent à habiter autrement. Pas question d’imposer un cadre figé, ici tout se décide ensemble, des repas partagés aux activités, des aménagements à la décoration. Annabelle Pachon Trouche souligne que le but n’est pas de “surveiller” les résidents, mais bien de favoriser un cadre propice au bien-vivre ensemble.

Vivre ensemble sans se marcher dessus

L’équilibre entre intimité et partage est au cœur de la réussite du projet. En effet, ici, on peut être seul sans être isolé. Chaque jour, les colocataires de la Maison Jeanne s’organisent autour d’activités communes : cuisine participative, séances piscine, ateliers pâtisserie, moments de détente ou simples discussions autour d’un café.

Une équipe salariée veille au bon déroulement du quotidien. Ni soignants, ni surveillants : des facilitateurs de vie collective, chargés d’accompagner les résidents, de soutenir les initiatives et de prévenir les fragilités avant qu’elles ne s’installent. L’enjeu est clair : retarder la perte d’autonomie en cultivant la dynamique du groupe et la confiance mutuelle.

L’un des fondements de Gurekin, c’est la participation des futurs habitants dès les premières étapes. Bien avant la remise des clés, les candidats à la colocation se réunissent pour imaginer ensemble leur future maison : choix des espaces, définition des règles de vie, partage des valeurs. Ces ateliers participatifs, souvent ponctués de rires et de débats passionnés, permettent à chacun de “toucher du doigt” ce que sera sa nouvelle vie.

Et la formule est souple car si la démarche ne convient pas, on peut se retirer sans culpabilité. Annabelle Pachon Trouche insiste sur le caractère volontaire du projet, qui doit être choisi et non subi. Cette phase d’implication favorise une véritable appropriation du lieu et tisse, avant même l’emménagement, les premiers fils de la solidarité.

Après Urt, Hasparren et Urcuit

À Hasparren, les fondations de la maison “Gure Ezperanza”
Gurekin DR

Inaugurée en décembre 2024, la Maison Jeanne d’Urt est le premier projet abouti de Gurekin. Dès les premières semaines, la magie a opéré : un brunch collectif pour décider du programme d’activités, une après-midi jeux avec les seniors de l’association Âge d’Or, un atelier créatif animé par une bénévole de Cultura Bayonne, sans oublier les massages bien-être offerts par la fille d’une locataire.

Ici, la solidarité ne se décrète pas, elle se cultive au quotidien, dans les petits gestes et les grandes attentions. Chacun apporte sa pierre à l’édifice commun, et le foyer devient une véritable maison du lien.

Après Urt, deux nouveaux projets prennent forme. À Hasparren, les fondations de la maison “Gure Ezperanza” viennent tout juste de sortir de terre. À Urcuit, les ateliers participatifs battent leur plein. Le groupe apprend à se connaître, à s’organiser, à imaginer ensemble son futur cadre de vie. Trois autres maisons sont déjà en réflexion, signe que la graine semée par Gurekin est en train de germer sur tout le territoire.

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Cette approche humaine et locale a récemment valu à Gurekin d’être mise à l’honneur lors de la soirée “Pépites” de la Fondation de France, à la Station F, à Paris. L’événement rassemblait des acteurs engagés de toute la France œuvrant pour une société plus solidaire. Un moment fort pour l’équipe, qui y a vu une reconnaissance nationale de son action quotidienne sur le terrain.

Chez Gurekin, on ne parle pas seulement de logements, mais d’un véritable art de vivre ensemble. Si vous imaginez vos vieux jours autrement qu’entre quatre murs silencieux, poussez la porte. Les bénévoles, les futurs résidents, les familles : chacun a sa place dans cette grande maison du lien.


Sébastien Soumagnas

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