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CAHIERS DE VACANCESPierre Lhande et « Luis »

Comme les étés précédents, PresseLib’ vous propose un rendez-vous hebdomadaire à la rencontre de grands auteurs et d’ouvrages références sur le bassin Adour Gascogne…
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Le prêtre et académicien basque Pierre Lhande, nationalement connu pour ses « radio-sermons », était aussi un écrivain remarquable, comme le prouve son premier roman Luis…

Si les romans des auteurs dont on vous parle chaque été ont généralement profité de rééditions récentes, ce n’est pas vraiment le cas de ceux de Pierre Bassagaitz Heguy, dit Pierre Lhande. Et pourtant, il y aurait matière à se pencher d’un peu plus près sur sa production…

Fils du quincailler Jean-Pierre Bassagaitz et de Pauline Heguy, le Bayonnais Pierre Lhande (1877-1957) a préféré opter par la suite pour le patronyme de sa grand-mère Graxi, personnage essentiel dans son double parcours d’homme de Dieu et d’académicien de la langue basque.

Entré chez les jésuites en 1900, Lhande fut ordonné prêtre 10 ans plus tard. Et c’est peu après, en 1912, qu’il publia son premier roman, intitulé « Luis », avant de récidiver deux ans plus tard avec « Mirentchu ». Ces deux premières œuvres romanesques, publiées chez Plon-Nourrit, ont connu plus de 20 rééditions chacune. La seconde jouit forcément d’une belle notoriété dans la région : l’histoire d’amour à la mode basque entre Mirentchu et Miguel prend en effet place du côté de Fontarrabie, et par là dans toutes les bonnes bibliothèques de basco-bibliophiles éclairés…

Avant ces premiers romans, Pierre Lhande s’était déjà fait connaître pour un premier travail sur l’émigration basque (1907) et pour des « récits et idées » regroupés sous le titre « Autour d’un foyer basque » (1908). En parallèle de sa vie religieuse et littéraire, il poursuivra par la suite ces travaux académiques, dont l’un des plus fameux résultats fut son dictionnaire basque-français et français-basque, paru chez Beauchesne en 1926. Un beau projet certainement mûri les années précédentes, alors qu’il enseignait le basque à l’université de Toulouse, avant de se fixer en 1924 à Paris, où il demeura jusqu’en 1939. Nommé à Pau, il rentra ensuite au pays.

Pierre Lhande à Paris…

Encore dans la Capitale, Pierre Lhande a été le premier à prêcher sur les ondes. Ses « radio-sermons », diffusés le dimanche midi sur Radio Paris (à partir de 1927), connurent un grand succès et lui valurent la notoriété. Quand la radio fut nationalisée, en 1934, le ministre des PTT de l’époque voulut supprimer ces émissions, invoquant la loi de 1904. Le tollé fut tel que le ministre suivant dut les rétablir.

Ce fut également à cette époque, entre 1927 et 1931, que Lhande rédigea pour le mensuel catholique « Étvdes » une riche série de chroniques sur la vie des chrétiens dans les villes communistes qui encerclaient Paris. Ces textes sont rassemblés dans les 3 volumes du « Christ dans la banlieue ». Un gros morceau couronné par deux prix de l’Académie française et réédité… 135 fois. Ce travail permet aujourd’hui de constater l’ancienneté d’un certain divorce entre l’église et la classe ouvrière…

Mais revenons à Luis, roman assez singulier qui se déroule en Espagne, entre Madrid et Séville, villes dont les atmosphères sont très bien restituées par l’auteur, qui se distingue par un style agréable et clair, sans délayage ni fautes de goût : « Dans la vieille cité castillane, comme dans la coquette ville andalouse, c’est le même chapelet de baraques s’échelonnant sous les acacias, le même semis de mantilles blanches ou roses, le même chatoiement de bandeaux bruns, piqués d’une marguerite jaune. Et la cité des rois n’envie à la cité des myrtes que le velours de son ciel, la musique de ses voix, le parfum de ses orangers ».

À la foire de Madrid, Luis « admirait les groupes régionaux, dans leurs costumes pittoresques : danseurs de jota navarrais, toreros andalous, pelotaris du Guipuzcoa ». Le Pays basque n’est jamais loin...

Le jeune Luis, fils du comte et de la comtesse T…, est livré à leurs domestiques autant qu’à lui-même. Dégourdi et doué d’une grande pénétration d’esprit, il ne s’embarrasse malheureusement guère de principes moraux. Il a trop manqué d’affection. La famille est établie dans un bel hôtel particulier madrilène de la calle Mayor, destiné aux ménages d’ambassadeurs. Le comte, toujours pris par ses affaires, était auparavant attaché d’ambassade à Bruxelles.

Histoire d’un enfant mal-aimé…

La comtesse, plus préoccupée de sa vie mondaine et de sa liaison avec son amant anglais que de ses enfants, ne s’occupe d’eux qu’un temps après l’emménagement à Madrid, par ennui et par « dilettantisme maternel ». Ce caprice dure peu : la jeune Stéphanie est placée chez les Servantes du Sacré-Cœur de Pastrana, tandis que le gamin, plus jeune, échappe aux valets pour s’en aller courir les rues avec ses petits camarades, qui l’appellent « le Parisien » et le craignent car il leur paraît capable de toutes les folies. Quand survient le décès de son père, Luis est placé par sa mère chez les johannites à Lora del Mar, au collège Saint-Stanislas, où le père Herbert O’Leary tentera de « réparer » sa petite âme frappée d’injustice.

Ce roman a sans doute sa vocation morale, mais rien n’y semble exagéré : il est d’une modernité et d’une vraisemblance qui auraient de quoi surprendre le lecteur d’aujourd’hui. L’enfant mal-aimé est un sujet souvent traité, mais pas toujours avec autant d’élégance et de pudeur, surtout par les temps qui courent. Le sujet est idéal pour émouvoir, mais Pierre Lhande a le mérite de ne jamais forcer le trait.

Pour changer du célèbre Sagouin de Mauriac, on pourra donc lire avec plaisir le Luis de Lhande. Même s’il n’a pas été réédité depuis fort longtemps, à l’instar des autres romans de l’auteur, on le trouvera assez facilement d’occasion, en librairie ou sur les marketplaces habituelles (Rakuten, Amazon, etc.).

On notera pour finir qu’en Pays basque au moins, on n’a pas oublié Pierre Lhande, puisqu’on se souvient qu’une très belle pastorale lui a été consacrée à l’été 2015. Le spectacle, produit du travail de quelque 200 bénévoles, a lui-même a fait l’objet d’un documentaire. Plus de 3.500 personnes avaient assisté à sa première représentation à Sauguis. Et ce n’était que justice pour le premier des prêtres médiatiques, auquel un certain abbé Pierre a succédé par la suite…

À propos de Pierre Lhande et de Mirentchu – cliquez ici

Déjà paru cet été

Pour relire les cahiers de vacances de l’été 2020

 

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