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Le Méliès part à la conquête des différents publics

Passionné par le cinéma, Xavier Le Falher vient d’être promu au poste de responsable de la programmation générale, et compte bien attirer et susciter la curiosité…
Xavier Le Falher, programmateur général du Méliès, dans une des salles du cinéma d'art et d'essai au Foirail, à Pau.
Il est arrivé par hasard à Pau et y a passé les 19 dernières années à programmer des séances pour le jeune public au Méliès.

À Pau, le cinéma d'art et essai Le Méliès est une institution. Installé de 1990 à 2022 au 6 rue Bargoin, en plein centre-ville, celui-ci a ouvert il y a un an une nouvelle page de son histoire en déménageant au centre culturel du Foirail. Et Xavier Le Falher compte bien profiter de cette nouvelle exposition pour attirer la foule et susciter la curiosité…

D’où vous vient cette passion pour le cinéma ?

Xavier Le Falher –J’ai grandi en face d’un cinéma, sa cour était mon terrain de jeu. Plus tard, en tant que lycéen, j’ai découvert le festival international de court-métrage de Clermont-Ferrand, ma ville d’origine. C’est là que j’ai découvert cet univers. Je ne savais pas encore ce que je voulais faire après mes études et ça me plaisait d’avoir une passion qui n’était pas enseignée à l’école.

Quel est votre parcours ?

X.L.F - J’ai étudié pendant cinq ans le cinéma à Lyon, jusqu’à la maîtrise, avant d’entrer dans « l’action ». En parallèle, j’ai passé un CAP de projectionniste, qui m’a permis ensuite d’entrer dans l’exploitation cinématographique. J’ai commencé en tant que projectionniste itinérant à Lyon, dans le cadre de ce qu’on appelait à l’époque « l’objection de conscience », à la place du service militaire. C’était un peu comme le service civique d'aujourd’hui.

J’ai même été membre du jury à ce festival durant mes études et à Cannes, dans le jury jeune. J’ai pu voir l’organisation d’une telle manifestation. C’est en allant dans les salles de cinéma que j’ai compris que ce qui m’intéressait, c’était de parler des films d’autres personnes, d’essayer de les défendre et la médiation autour d’eux.

Quels films vous ont le plus marqués ?

X.L.F. - E.T, sans hésiter. C’était l’un des premiers blockbusters. Je l’ai vu au cinéma en 1982, j’avais cinq ans et j’avais eu très peur lorsqu’il se fait attraper alors qu’il est mourant par les fédéraux dans cette sorte de sas. Mon autre souvenir de film est Maya l’abeille. Il y avait une queue incroyable pour aller le voir ! Pour être bon, il faut qu’un film arrive à surprendre son public, à le tenir en haleine. The Party, de Blake Edwards (1968). C’est celui sur lequel j’ai travaillé lors de mon mémoire de maîtrise. Je l’ai vu et revu… Ce n’est pas un film très connu. C’est l’histoire d’un acteur indien invité par erreur dans une fête à Hollywood et qui va accumuler les bourdes. C’est un film étrange, avec une atmosphère très sixties. J’adore aussi les westerns et les films qui jouent avec plusieurs genres, ou ceux avec plusieurs lectures. La Prisonnière du désert (de John Ford, 1956) m’a beaucoup marqué.

En 19 ans, la pratique du cinéma a-t-elle changé ?

X.L.F. – Quand j’ai commencé, le cinéma était le seul moyen qu’on avait pour voir un nouveau film. On pouvait sentir l’excitation du public avant les séances. Avec l’essor d’Internet, le jeune public a une pratique du cinéma totalement différente. Les innovations numériques permettent aux enfants de voir des films, parfois très récents, sur d’autres supports. Pour voir des films, le cinéma n’est clairement plus la priorité.

DR- Le Méliès

Comment les salles de cinéma peuvent-elles résister à l’essor des plateformes numériques ?

X.L.F. – Il existe de nombreuses théories, dont certaines prédisent la disparition du cinéma en tant que tel, pour ne finalement diffuser que de vieux films. Je ne suis pas d’accord. Pour moi, les plateformes de type Netflix ou Amazon et les cinémas sont complémentaires : je ne suis d’ailleurs pas du tout anti-plateforme, je suis moi-même abonné à Netflix et je regarde encore des DVDs. Je pense qu’il faut apprendre à travailler avec. C’est ce que je fais pour Rock This Town.

À l’époque, tout le monde pensait que l’arrivée des cassettes VHS signait l’arrêt de mort du cinéma. À nous de proposer plus que la diffusion d’un film. Dans un cinéma d’art et d’essai, comme le Méliès, on propose aussi des animations en compléments de certains films. Ça passe par de la médiation, des soirées à thème, des expositions, des rencontres avec les réalisateurs. C’est le cas pour notre soirée autour des Dents de la Mer ou le Seigneur des Anneaux, deux films très faciles à trouver sur les plateformes. Dans notre travail, il y a une mission de création du lien social entre les spectateurs. C’est tout l’intérêt de notre bar. Les gens se croisent, se recroisent, deviennent amis… J’ai déjà vu des histoires d’amour naître ici. Pour moi, c’est la magie du cinéma qui opère encore ! Puis, la qualité de son ou d’image du cinéma reste inégalée.

Les acteurs hollywoodiens sont actuellement en grève. Avez-vous suivi cette actualité ?

X.L.F. - On suit surtout les productions et les plateformes. Nous n’avons pas du tout la même politique des acteurs en France : aux États-Unis, ce sont les producteurs qui sont le plus mis en avant et qui décident de la vie d’un film, tandis que dans l’Hexagone, nous mettons davantage l’accent sur les réalisateurs. De plus, il existe des aides pour le cinéma, qui sont distribuées par le Centre national du cinéma (CNC). Une partie du prix du billet acheté par un spectateur est utilisée pour financer des films indépendants et les cinémas d’art et d’essai. C’est une chance en France.

Et concernant l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le doublage, un avis sur la question ?

X.L.F. – On a déjà vu ça avec l’arrivée du numérique. Beaucoup de métiers ont disparu ou ont profondément changé. C’est le cas pour les transporteurs de film, qui trimballaient des pellicules de films à travers toute la France. Avec l’arrivée de l’intelligence artificielle, le métier de doubleur risque effectivement de disparaître.

Xavier Le Falher, programmateur général du Méliès, devant les caisses du centre culturel du Foirail, à Pau.

Vous venez de reprendre le poste de programmateur général du Méliès, en quoi consiste votre métier ?

X.L.F. - Mon travail est de regarder des films qui vont bientôt sortir. Je peux en visionner jusqu’à 15 par semaine. Sélectionner un film, c’est une tâche complexe : ce n’est pas parce que j’ai aimé un film que je vais forcément le programmer au Méliès, soit parce que je considère qu’il ne va pas trouver son public chez nous, qu’il passe déjà dans d’autres cinémas à Pau ou que nous avons déjà des films de ce style ou de cette nationalité…

Ce n’est pas non plus parce qu’il n’est pas bon qu’on ne va pas le prendre. Ça nous est déjà arrivé de prendre un film que nous ne jugions pas très bon et qui finalement cartonne dans nos salles. La principale question qu’on doit se poser, c’est « est-ce qu’il y a un public pour ce film chez nous ? ». 

J’essaie aussi de mélanger des films porteurs, comme Oppenheimer ou Indiana Jones, et des œuvres à très petit budget, au style hyper étrange, ou avec une thématique un peu plus difficile. J’aime également présenter des films étrangers. C’est un équilibre à trouver.

Pour moi, le plus difficile est d’appeler les distributeurs et de leur dire que j’ai bien aimé leurs films, mais que je ne vais pas le prendre. On ne peut pas tout prendre, et parfois, on se trompe. Je travaille beaucoup en équipe. Pour réaliser le programme, on est obligé de faire attention aux habitudes des spectateurs, des employés à la caisse, de la programmation jeune public…

Quelles sont vos ambitions pour le Méliès ?

X.L.F- Le problème des salles art et essai, c’est qu’elles passent souvent le même genre de film, et par conséquent, elles attirent toujours le même public (beaucoup d’enseignants, des personnes âgées et assez féminin). D’un côté, nous devons préserver l’essence même du Méliès, en défendant des découvertes, des perles rares, des films de répertoire, des ovnis cinématographiques venus du monde entier, organiser cycles, festivals et de l’autre et de l'autre, ouvrir les portes à un nouveau public avec une culture cinématographique différente.

De la même manière qu’il n’y a pas une, mais des cinéphilies, il n’y a pas un, mais des publics au Méliès. Par exemple, nous avons remarqué qu’il y a à Pau un public pour les mangas, les documentaires, les films de genre et engagés. Nous avons fait une journée « Stranger films », autour des œuvres qui ont inspiré la série Stranger Things et des ateliers d’animation, notamment les Goonies, l’Histoire sans fin, SOS Fantômes... Sur cette opération, on a réussi à toucher un public qui ne venait pas au Méliès : les familles, les parents… C’est un public qui ne va pas forcément venir pour voir les films que nous programmons traditionnellement. Attirer toute la famille est aussi un de nos enjeux.

Propos recueillis par Noémie Besnard

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