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Surtaxes chinoises : coup dur pour l’Armagnac et ses producteurs

Alors que la Chine impose de nouvelles surtaxes de près de 35% sur les spiritueux européens, notamment l’armagnac et le cognac, les producteurs des Landes et du Gers voient leur principal marché à l’exportation menacé.
La Chine impose de nouvelles mesures
www.kremlin.ru DR
Derrière ce bras de fer commercial entre la Chine et l'Union européenne se cache une crise profonde qui pourrait ébranler toute une filière régionale, l'une des plus anciennes traditions viticoles françaises.
L'Armagnac fait partie des spiritueux visés par la Chine
BNIA Delord DR

La guerre commerciale entre l’Union européenne et la Chine prend des allures dramatiques pour les producteurs d’armagnac du Sud-Ouest. Le 11 octobre dernier, Pékin a annoncé l'application d'une surtaxe de 34,8% sur les spiritueux importés d’Europe, dont l’armagnac et le cognac. Cette décision est une réponse du berger à la bergère, prise en réaction aux nouvelles taxes européennes sur les véhicules électriques chinois, qui vient aujourd'hui bouleverser un équilibre fragile. Parce que pour les producteurs de la région, la Chine représente l'un des plus gros marchés à l'exportation, et cette mesure pourrait avoir des conséquences dévastatrices sur leurs activités.

Un marché clé menacé

Le marché chinois a pris une place centrale dans les ventes internationales d'armagnac depuis plusieurs années. Les producteurs comme Carole Garreau, propriétaire du Château Garreau à Labastide-d'Armagnac, dépendent fortement de cette relation commerciale. Aujourd'hui, ce chiffre d'affaires est mis en danger par les surtaxes, et les premiers impacts se font déjà sentir.

À quelques kilomètres de là, Marc Darroze, qui élève et commercialise l’armagnac, évalue les pertes que ces surtaxes pourraient engendrer. Pour lui, elles pourraient affecter son chiffre d'affaires à hauteur de 10 à 15%. Ces chiffres sont loin d’être anecdotiques pour une filière qui repose en grande partie sur l'exportation. Marc, qui vend environ 60% de sa production à l’étranger, avec la Chine comme l’un de ses principaux clients, se trouve maintenant dans une situation de grande incertitude.

Cette incertitude est amplifiée par le fait que la Chine a pris des mesures préventives, imposant aux importateurs locaux de bloquer une caution correspondant à la valeur des futures taxes. Olivier Goujon, directeur du Bureau national interprofessionnel de l'armagnac (BNIA), précise que cette caution s’élève à 34,8% de la valeur des marchandises. Cela signifie que même avant que les taxes ne soient officiellement mises en place, les importateurs chinois sont déjà contraints de provisionner ces montants, ce qui ralentit considérablement le commerce.

Des producteurs pris en otage

La Chine, qui représente le deuxième marché en valeur et le troisième en volume pour l’armagnac, est vitale pour la filière. Les producteurs craignent que les surtaxes aient des conséquences à long terme sur leurs relations commerciales avec ce marché crucial. La mise en place de ces taxes coïncide avec une période économiquement difficile pour les producteurs.

Après une récolte affectée par des conditions climatiques difficiles, la filière se retrouve à nouveau fragilisée, cette fois par des décisions politiques et économiques qui la dépassent.

Le BNIA sollicite les autorités françaises pour trouver une solution
BNIA DR

Pour Olivier Goujon, la situation est d’autant plus incompréhensible que cette crise commerciale ne concerne en rien les producteurs d’armagnac. « La Chine s'apprête à surtaxer l'armagnac, le cognac et les brandies français, en rétorsion aux surtaxes qui seront imposées sur ses voitures électriques par l’Union européenne, avec le soutien de la France, » explique-t-il.

« Nous sommes mis devant le fait accompli : un arbitrage défavorable a été rendu dès le début au niveau des autorités françaises au titre duquel il a, semble-t-il, été décidé que nos filières pouvaient être sacrifiées dans ce bras de fer. » Il ajoute que les conséquences régionales de ces mesures seront immenses, mettant en péril des dizaines de petites exploitations et d'entreprises familiales dans le Gers et les Landes.

Une issue incertaine

Le BNIA a rapidement réagi en sollicitant les autorités françaises pour trouver une solution avant le Nouvel An chinois, une période charnière pour les ventes de spiritueux en Asie. « Nous en appelons à la protection de notre nouveau gouvernement et demeurons à son entière disposition pour définir une sortie de crise acceptable pour tous, » insiste Olivier Goujon. Cependant, pour le moment, les producteurs d'armagnac vivent au jour le jour dans une incertitude totale. « Rien ne semble arrêter l'engrenage fou dans lequel nous nous voyons emportés, alors qu'il s'agit de sujets politiques avec lesquels nous n'avons rien à voir. »

Armagnac Montesquiou DR

Les producteurs, bien que résignés, espèrent une issue diplomatique avant que ces taxes ne deviennent définitives. Pour Marc Darroze et d'autres acteurs de la filière, l’enjeu est de taille bien qu’il vende ses produits à une cinquantaine de pays. Néanmoins, le marché chinois reste incontournable, et sa perte aurait des conséquences durables sur une filière qui a déjà connu plusieurs crises géopolitiques ces dernières années.

Pris entre des considérations géopolitiques qui les dépassent, les producteurs d’armagnac se battent pour maintenir à flot leurs exploitations. Entre taxes, ralentissements des exportations et risque de perte de marchés, la filière vit aujourd'hui l'un de ses moments les plus incertains. Le soutien des autorités françaises et européennes sera crucial pour éviter que cette crise ne se transforme en catastrophe économique pour les producteurs du Sud-Ouest.


Sébastien Soumagnas

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