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    Je dis ça je dis rien...

    De l'usage immodéré du passé (pas si) simple !
    L'un de mes très nombreux admirateurs (je déconne... pour nombreux, pas pour admirateur, quoique...) m'a fait parvenir l'autre jour cette déclaration, issue de la Complainte Amoureuse de Alphonse Allais, inspirant sans le vouloir le sujet du billet du jour…
    • "Oui, dès l’instant que je vous vis,

    • Beauté féroce, vous me plûtes !

    • De l’amour qu’en vos yeux je pris,

    • Sur-le-champ vous vous aperçûtes.

    • Ah ! fallait-il que je vous visse,

    • Fallait-il que vous me plussiez,

    • Qu’ingénument je vous le disse,

    • Qu’avec orgueil vous vous tussiez !

    • Fallait-il que je vous aimasse,

    • Que vous me désespérassiez,

    • Et qu’en vain je m’opiniâtrasse

    • Et que je vous idolâtrasse,

    • Pour que vous m’assassinassiez !"

    Voilà ! Et pourquoi tous ces serpents qui sifflent sur nos têtes ? Moi aussi je peux faire de l'allitération en "s" ! Soyons pragmatiques, mon admirateur (ou toujours pas...) a emprunté ce texte à l'immense Alphonse, et ma réponse promet d'être qualitativement moindre, évidemment. Là n'est pas le propos.

    Le fond, le noeud du problème, c'est de considérer la puissance du passé simple. Je sais vous avoir dit l'autre jour que l'école ferait mieux de nous former au futur compliqué qu'au passé simple. Est-ce une raison pour ôter le passé simple, trop ampoulé, trop allitéré en sssss du français actuel ? Surtout pas !

    Car il y a autre chose, la façon du passé simple de se fondre dans la phrase, d'y apporter un sens profond, puissant, et (presque) toujours de circonstance. La preuve en exemples concrets (non, je ne vous explique rien, faites appel à votre neurone un peu, non mais !) :

    - Non, ce n'était pas chose évidente que cette conversation tout en langue morte. Et pourtant je la tins. (la tins : latin, à cause de la langue morte, capito ? C'est bon, là, on a tout comprendu de l'exercice du jour ? C'est parti, je vous lâche dans la nature, hop !)

    - Hier nous achetâmes le DVD d'un spectacle de Marcel Marceau, et tout de suite, nous le mîmes.

    - Comment ? Vous avez mis à la casse votre vieille Volkswagen ? C'est bien dommage ! Tiens, vous souvient-il qu'un jour vous me la passâtes ?

    - Bien que vous ayez laissé passer votre chance de cesser d'être une prostituée, un jour vous le pûtes ! (si je tenais celle ou celui qui vient d'ajouter : "Encore eut-il fallusse (oui, avec deux ss et e, parce qu'on est dans le Sud) qu'elle le susse" ! J'ignorais que nos lecteurs - oh non, pas lectrices, pensez ! - étaient aussi salaces !)

    - Deux vieux acteurs hollywoodiens discutent :

    • Te rappelles-tu notre premier film ?... Ce western dans lequel nous jouions les Indiens ?
    • Oh oui, et je sais que nous nous y plûmes !

    - Vous saviez que ce manteau était tout pelé... Alors pourquoi le mîtes-vous pour la réception d'hier soir ?

    - C'est dans ce tonneau que notre vieux vin fut...

    - On nous offrit une augmentation et, bien sûr, nous la prîmes.

    - Les moines brassèrent la bière et la burent.

    - C'est bien parce que vous m'avez invité à goûter votre Madiran que je vins.

    - Pour les prochaines vacances, ils émirent l'idée d'aller en Arabie Saoudite.

    - Heureusement que vous avez trouvé des capitaux ! Car mettre la clé sous la porte et déposer le bilan, vous faillîtes !

    Réponse très officielle à mon admirateur :

    - Est-ce dans le but de me subtiliser quelques pommes de terre que, jouant de votre charme, vous m'appâtâtes ? Et que par votre culture (bien vu, Toy, là tu les achèves !), vous m'épatâtes... ?

    Enfin bon, je dis ça, je dis rien (au passé simple)

    Gracianne Hastoy

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