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HISTOIRE D'ICI ET LÀGranier de Cassagnac, le député du Gers qui faillit tuer Maurras en duel

Voilà, c’est fait. Nous venons d’élire nos 577 députés, qui pour la plupart resteront dans un obscur anonymat, n’est pas Jean Lassalle qui veut. Ainsi, qui se souvient de Paul Julien Granier de Cassagnac, député du Gers il y a pile poil un siècle ? Et pourtant…
Image en noir et blanc. Deux personnes sont en duel de combat d'épée.

Pourtant, l’homme ne manque pas de panache, c’est sans doute la particule qui veut ça. Dirigeant du journal bonapartiste (en son temps ça ne faisait pas rire) L’Autorité, il fait une guerre exemplaire lui valant trois citations, la Croix de guerre, la Légion d’honneur et l’accession au grade de capitaine, lui qui en 14 était arrivé dans les tranchées, les guêtres bien cirées par sa servante, en tant qu’ami bidasse, simple deuxième classe. Quoique, malice de l’Histoire, ce n’est pas pour ses faits d’armes que je vous le sors de l’armoire aujourd’hui, mais pour une banale altercation avec le penseur de la droite d’alors, le Martégal Charles Maurras, chantre de l’Action française, royaliste et un chouia antisémite et antidreyfusarde, oui. Vous savez comment ça se passe : un article venimeux, un mot en entraîne un autre, et puis voilà la testostérone qui pointe son nez et comme on a de l’éducation, on ne balance pas un direct du droit ou un coup de pompe dans le derche du malvenu, mais on l’invite au pré, pour en découdre épée en main…

Un duel bien inégal : Maurras est un pur intellectuel, un gringalet, taillé dans une allumette, dont la seule arme qu’il ait jusqu’alors utilisée est la plume Sergent-Major, tandis que Cassagnac fait dans le genre colosse. Té, il est gersois ! Au matin du 26 février 1912, les deux protagonistes se retrouvent à Neuilly, et autant ne pas faire durer ce suspense haletant, au premier sang (celui de Maurras) le combat est arrêté et l’honneur est sauf, chacun repartant de son côté content de soi. On n’ose imaginer une fin différente, avec l’épée de Cassagnac transperçant le maigre ventre maurassien, une éventualité qui aurait sans doute évité les émeutes du 6 février 34, voire une certaine forme de collaboration. En ce sens, notre député du Gers est en dette face à l’Histoire. Enfin, dans le même genre, on raconte que Hitler a failli se noyer dans la Inn, à l’âge de quatre ans. Quand ça veut pas, ça veut pas.

On est en droit de regretter le bon vieux temps des duels, le panache les entourant, les gants blancs, les témoins compassés en chapeau haut-de-forme, les rapières, épées ou fleurets (de 110,76 à 1 177,01 euros sur Le Bon Coin si vous envisagez d’en découdre), la carriole à chevaux emplumés qui amènera le blessé à l’hôpital, où au milieu d’infirmières en cornettes et à verrues à aigrettes, il expirera l’esprit en paix en murmurant « maman… ». Certains, à une époque pas si lointaine, s’y sont risqués, puisque le dernier duel recensé dans notre calme pays opposa en 1967 le député-maire socialiste Gaston Defferre, à un obscur député gaulliste, René Ribière, que le Marseillais avait traité d’abruti. L’affaire se conclura sans que la moindre goutte de sang ne soit versée ; une pure fanfaronnade.

Pas plus sérieux est le duel ayant opposé neuf ans auparavant deux personnalités de la danse, le marquis de Cuevas, 73 ans, au maître de ballet Serge Lifar (54) là aussi à propos d’une billevesée, la création d’un ballet intitulé « Noir & Blanc ». Rendez-vous est pris au Moulin de Blaru, du côté de Vernon, à quelque 80 Kms à l’ouest de Paris. Les témoins de Lifar sont deux danseurs de l’Opéra, ceux du marquis José Luis de Villalonga, dandy hautain (je sais, je l’ai connu) et Grand d’Espagne, et le jeune député Jean-Marie Le Pen, qui voit l’affaire d’un mauvais œil. Il a raison puisqu’au bout de sept assauts, Lifar est légèrement touché, mettant illico fin à la querelle et permettant aux deux hommes de se tomber dans les bras. Une habitude chez eux. Tartuffe, sors de ce corps !

Sans pour autant pousser au crime, pacifiste comme je suis, j’avoue que j’apprécierai que cette pratique désuette sorte des oubliettes, que nos puissants manient la rapière plutôt que d’aller au procès. Le contribuable ferait des économies, Voici et Closer seraient ravis et rien qu’à l’idée de voir Mélenchon ou Ciotti manipuler la rapière…

Dominique Padovani

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