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Un projet unique en France pour lutter contre les rechutes dépressives

À Pau, le programme pilote MBCT lie les professionnels libéraux et un établissement public autour d’une thérapie cognitive basée sur la pleine conscience.
DépressionPexels
Ce projet pilote est coordonné par l’ARS Nouvelle-Aquitaine, l’Assurance Maladie, le Centre hospitalier des Pyrénées et l’association Forcome.

Pour la première fois en France, un programme est proposé aux patients des 31 communes de l’agglomération paloise en prévention de rechutes dépressives. Une thérapie sans reste à charge pour le patient.

Patrick Martel est médecin psychothérapeute et spécialiste en médecine générale établi à Pau depuis 1986. Animé depuis toujours par un besoin constant d’élargir son champ de compétences et une envie d’aider ses patients, il s’est formé en 1995 et 1996 à la psychothérapie comportementale et cognitive.

« Dans mon travail, je vois beaucoup de patients. Je me suis rendu compte que nombre d’entre eux étaient sujets à des crises de panique, mais je n’avais pas les outils pour les aider. J’ai le souvenir d’un patient que je n’avais pas pu aider la première fois, et que j’ai revu 10 ans plus tard, avec cette fois une expérience très bénéfique, et ce grâce à la thérapie comportementale », explique-t-il.

C’est cette vocation qui lui a permis de découvrir le programme mindfulness-based cognitive therapy (MBCT) et de s’y former en 2010 auprès de Zindel V. Segal, un psychologue cognitif spécialisé de la dépression et l'un des fondateurs de la thérapie cognitive basée sur la MBCT.

Selon les premières études menées outre-Manche, ce programme permettrait une réduction du taux des rechutes d’1/3, un allègement du traitement antidépresseur de maintien, une amélioration de l’expérience des patients et de sa qualité de vie et de réduire les inégalités en matière d’accès au soin.

Le docteur Dominique Georget-Tessier médecin à Billère et le psychologue Matthieu Ricarrère ont également suivi la formation MBCT. Les trois professionnels ont donc décidé de se réunir pour en faire un projet collectif et territorial.

Pour le mettre en place, les trois confrères se sont appuyés sur l’article 51 de la loi de santé publique de 2018, qui vise à promouvoir des organisations innovantes contribuant à améliorer le parcours des patients, l'efficience du système de santé, l'accès aux soins ou encore la pertinence de la prescription des produits de santé.

Un état de plus en plus prégnant en France

En mai 2020, 13,5 % des personnes âgées de 15 ans ou plus vivants en France déclarent des symptômes évocateurs d’un état dépressif, une proportion en hausse de 2,5 points par rapport à 2019.

L’augmentation est plus marquée chez les femmes et les moins de 44 ans, et tout particulièrement chez les 15-24 ans. En effet, 22,0 % des jeunes de cette tranche d’âge déclarent ainsi des problèmes de ce type en mai 2020, contre 10,1 % en 2019 et 4,2 % en 2014. La proportion de jeunes présentant ce type de syndromes a donc plus que doublé en l’espace de 5 ans entre 2014 et 2019, puis à nouveau entre 2019 et mai 2020.

« Au fil des années, cette prévalence augmente : en 2017, seulement 10 % des personnes étaient atteintes de dépression. Avec le Covid, la situation s’est accélérée, avec un pic à 20 %, pour finalement atteindre aujourd’hui 15 %. Les jeunes ont été fortement impactés. À Pau, trois adolescents par jour étaient admis aux urgences de Pau pour des troubles anxieux et dépressifs », note le psychologue palois.

Un outil supplémentaire pour aider les patients.

Ce nouveau programme, lancé en avril dernier, mais officiellement présenté que la semaine dernière, s’adresse aux personnes de plus de 18 ans ayant souffert de dépression et qui ont rechuté plus de trois fois.

Cependant, ils ne doivent pas vivre actuellement un épisode dépressif aigu et présenter de troubles bipolaires, psychotiques ou liés à l’usage de substances (alcool, substances actives telles que le cannabis par exemple) non stabilisées.

« En dehors de leur traitement pour la dépression et la rechute dépressive, les professionnels de santé n’avaient rien à proposer aux patients. Mais la psychothérapie n’empêche pas les rechutes. Ce programme utilise la pleine conscience pour désactiver notre ‘’pilote automatique’’ que nous avons dans notre cerveau. Cela permet d’éviter les ruminations, d’être trop anxieux, en se focalisant sur le présent, sans jugement », analyse le Dr Martel.

L’expérimentation durera trois ans, avec un premier bilan en janvier 2024. 

Noémie Besnard

Un programme sur six mois

Un travail de prospection auprès des professionnels de santé a été réalisé par l’équipe porteuse du programme du secteur afin de les sensibiliser à la thérapie de pleine conscience. Neuf patients sont déjà suivis dans le cadre de ce programme pilote, sans reste à charge pour le patient.

Les personnes souhaitant le rejoindre doivent avoir une prescription d’un professionnel de santé. Une pré-session est réalisée en groupe. Il se compose de huit sessions de 2h30 animées par l’un des trois instructeurs du programme, d’une post-session et d’un bilan à trois mois.

En tant que projet pilote, le programme MBCT devrait s’étendre à d’autres régions, ou bien à d’autres publics.

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