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Publié le

1500 COUPS DE POUCESandra Pasteur Sallafranque, l’écrivaine paysanne

Elle publie des ouvrages qui lui ressemblent : sincères, sensibles et avec un attachement viscéral à sa vallée natale.
Sandra Pasteur Sallafranque, paysanne et écrivaine, profondément attachée à la vallée d'Ossau.N.B
Sandra Pasteur Sallafranque a le Béarn dans le cœur et le pic du midi d’Ossau gravé dans la peau.

Lorsqu’elle ne s’occupe pas de la ferme familiale de Louvie-Juzon, elle fait la promotion du Béarn et de ses multiples richesses dans des contes, des nouvelles et des poèmes, directement inspirés par la nature et les contes ancestraux que lui racontait son grand-père au coin du feu les soirs d’hiver.

L'attachement de Sandra à la terre nourrit son écriture. Qu'il s'agisse de récits puisant dans la mémoire familiale, d'histoires enracinées au cœur du Béarn ou d'ouvrages illustrés, chaque livre témoigne de son désir de transmission.

Parmi ses nombreux ouvrages, Contes de campagne, publié en 2024 aux éditions Savine Dewilde, occupe une place particulière. Dans ce recueil, Sandra redonne vie aux veillées d’autrefois, celles où l’on s’installait au coin du feu pour écouter les anciens raconter. Ces contes, entre légendes rurales et récits inspirés du quotidien, sont un hommage vibrant à une culture orale en voie de disparition.

À bientôt 56 ans, elle se confie avec authenticité et passion sur son quotidien, rythmé par son amour pour la vallée d’Ossau, à mille lieues de la vie citadine et de ses tumultes.

Pourriez-vous nous raconter votre parcours ?

Sandra Pasteur Sallafranque – Fatiguée de voir mes parents travailler très dur dans la ferme familiale, j’ai eu envie de partir loin de cette vie. En 1989, après l'obtention de mon Bac littéraire, je suis entrée dans la Marine nationale. À l’époque, être une fille de 19 ans m’a marginalisé, je n’ai donc pas beaucoup navigué, mais j’ai changé souvent de port d’attache en France métropolitaine : Cherbourg, Brest, Toulon, Saint-Mandrier-sur-Mer, Bayonne... Durant cette période, je me suis rendu compte que personne ne connaissait le Béarn ! Pour beaucoup, les Pyrénées-Atlantiques se résumaient au Pays basque. C’est comme ça que l’idée de mettre en valeur ma terre natale m’est venue. En 2004, de retour à la vie civile, je suis rentrée au Pays pour reprendre la ferme. Je n’avais pas la passion de l’élevage, mais plus l’envie de revenir en vallée d’Ossau.

Comment est entrée l’écriture dans votre vie ?

S.P.S. - J’ai eu un cancer il y a quelques années. C’est durant cette période que j’ai trouvé le temps de me poser et d’écrire. Ma fille avait 14 ans à l’époque et ça m’a permis d’écrire ce que je n’arrivais pas à dire. C’était un exutoire au départ, un besoin d’évacuer le trop-plein. J’ai commencé avec des poèmes, puis j’ai voulu raconter la vie à la ferme, la transhumance… Écrire m’apaise et me cadre, mais c’est aussi un outil formidable pour transmettre l’histoire de la Vallée. Au quotidien, j’avoue que mes journées sont assez longues : sur la ferme de 12 hectares, nous avons une douzaine de vaches à viande et quatre ânesses des Pyrénées pour le plaisir de participer à la conservation d’une espèce locale menacée. Je m’occupe aussi de ma mère handicapée. Mais j’écris dès que j'ai quelques minutes devant moi. 

Sandra Pasteur Sallafranque en 2019

Qu’est-ce qui rend la vallée d’Ossau si spéciale à vos yeux ?

S.P.S.- Comme beaucoup de béarnais, ce n’est que lorsque je suis partie que je me suis rendu compte de ce que j’avais laissé derrière moi. J’ai découvert de belles régions durant mon service dans la Marine nationale, mais la vallée d’Ossau est tellement particulière. C’est un pays sauvage, de transhumance et de traditions, qui a su préserver son histoire et son patrimoine ancestral. Avec la vallée d’Aspe, elles ont su garder cette richesse d’un temps ancien. Elles sont en train d’évoluer, grâce notamment au tourisme, même si cela crée quelques tensions avec les habitants du coin. 

Vous avez grandi dans une ferme, comment voyez-vous le monde paysan évolué ?

S.P.S. - Bien entendu, et très rapidement : en 1985, ma mère vendait un veau de trois mois élevé sous la mère pour l’équivalent de 750 euros. Aujourd’hui, en utilisant les mêmes méthodes, je dois attendre cinq mois pour le vendre à 600 euros, sans compter les processus de vaccination. Aujourd’hui, ma fille aimerait tout de même revenir, mais avec quel projet ? Selon moi, la fin des petits élevages est proche. L’Europe a du bon, mais elle fait aussi du mal aux petits producteurs. Nous travaillons avec amour, mais notre savoir-faire n’est pas reconnu à sa juste valeur. Nos savoir-faire et nos bons produits vont finir par disparaître. La transmission des petites fermes est de plus en plus complexe.

Quelles sont vos inspirations ?

S.P.S. - Quand j’étais petite, mon grand-père nous racontait des histoires locales au coin du feu. Il m’a transmis l’amour de la terre et de la poésie qui en ressort. Dans le travail de la terre, il y a beaucoup de durs, mais il y a aussi du beau. Ces moments m’ont beaucoup marqué et inspirés pour écrire Contes de montagnes. Je les ai localisés un peu partout dans la vallée d’Ossau. L’idée n’est pas de reprendre les récits qui existent déjà en faisant du copier-coller. J’ai retrouvé des contes traditionnels écrits en gascon. Je les ai traduits, puis retravaillés à ma sauce, si je puis dire. J’en invente aussi, en y mettant toujours une touche de poésie, comme pour celui qui raconte la naissance du pic du midi d’Ossau. J’ai ensuite écrit Contes de campagnes, que j’ai délocalisées un peu partout en France, pour sortir de ma zone de confort.

Je suis une écrivaine bordélique, j’en ai un peu partout, ça se bouscule dans ma tête, j’écris sur un sujet, puis je pars sur autre chose, je reviens au premier sujet. Loin de la vie citadine, j’aime regarder le changement de paysage au fil des saisons. La nature m’inspire aussi énormément au quotidien, tout comme les choses qui se passent dans ma vie, les joies comme les peines.

J’ai rencontré le paramotoriste Jérôme Scalvini alors qu’il réalisait un film du pic du midi de Bigorre jusqu’à la côte basque. C’est devenu un ami. Il cherchait un terrain duquel décoller pour faire des images du pic du midi d’Ossau et je lui ai proposé de décoller depuis ma ferme. Malheureusement, Jérôme est mort accidentellement sur la ferme le 21 février 2016 alors qu’il testait un nouveau moteur.

Ça a été un moment particulièrement difficile, notamment pour ma fille, qui a été témoin de la scène. Avant le drame, nous discutions, Jérôme et moi, avec une petite fille malade qui rêvait de venir en vallée d’Ossau et nous avions décidés de l’invitée dans la ferme. Elle aussi nous a quittés en 2016, à la suite d’un cancer généralisé. Edelweiss, la fille de l’Ossau, est un hommage à ces deux personnes qui nous ont beaucoup comptés pour moi.

Les nouvelles et poèmes de Sandra Pasteur Sallafranque se lisent au coin du feu.
N.B

Votre prochain projet sera aussi particulièrement personnel…

S.P.S. - C’est exact. Je me suis toujours intéressée à mon arbre généalogique. Au fur et à mesure de mes recherches, j’ai décidé de raconter l’histoire de sa lignée, à travers deux figures fondatrices : mon grand-père, Pierre Camy, qui a participé à la Première Guerre mondiale en tant que chauffeur de camion pour ravitailler le front, et ma grand-mère Julie Tresaugue, native de la vallée d’Ossau, une femme simple et forte. Ils ont eu une vie difficile, faite de résilience. C’était très important pour moi de retracer leurs parcours, j’y ai pris beaucoup de plaisir.

J’ai pu remonter jusqu’à Catherine d’Arrabiot et Guillaume de Trésogue, avec des documents qui datent de 1794. Nous avons d’ailleurs conservé un cadeau de leur mariage : une armoire d’avant 1789, qui trône fièrement dans le salon. Dans ce nouvel ouvrage, je raconte le quotidien de ces différentes générations, notamment celui de ma mère, qui a perdu sa maman à l’âge de 14 ans et a dû reprendre le flambeau de la ferme familiale. De plus, l’un de mes oncles maternels a émigré aux États-Unis en 1925, j’ai réussi à retracer l’ensemble de son parcours jusqu’à son arrivée à San Francisco. J’ai aussi dans l’idée de m’inspirer de son histoire pour écrire une nouvelle qui se passerait dans le Wyoming ou le Wisconsin, des terres très sauvages.

Propos recueillis par Noémie Besnard

COUP DE POUCE

Les textes de Sandra Pasteur Sallafranque font briller les yeux des lecteurs, petits et grands, qu'ils soient amateurs de poésie, simples lecteurs ou amoureux du Béarn et de la vallée d'Ossau. Ils leur offrent un voyage, sans quitter leur nid douillet ! Ce sont aussi de beaux cadeaux pour découvrir l'histoire de ce territoire qui a su conserver ses mystères !

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